Pour la plupart des auteurs, le dommage et le préjudice sont utilisés indifféremment. Mais, certains distinguent le dommage (une notion de fait) et le préjudice (ce qui est effectivement indemnisé) = un dommage survient et on indemnise le préjudice.
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Section préliminaire : L’évolution de la notion de dommage.
§1 : Changement d’échelle.
Pour beaucoup, le « dommage » est un dommage individuel, car il ne touche qu’une personne. Mais, aujourd’hui, on assiste à l’apparition de dommages en série, qui touchent un groupe d’individus (= à intérêt collectif). La victime peut donc être un particulier, mais aussi une association, une institution,…. Le préjudice étend son domaine et se standardise : apparition de barèmes standards pour évaluer les dommages et intérêts, du à un phénomène de massification = notion de masse omniprésente.
§2 : Changement de nature.
Le préjudice devient de plus en plus subtil = hausse de l’immatérialité. Les juges octroient des dommages et intérêts pour des préjudices moraux (d’esthétique, d’agrément, sexuel,…)
Le préjudice s’aggrave, en raison du progrès technique depuis la fin du XIXème : apparition de la notion d’accident = les protagonistes ne sont plus nécessairement en contact, et la cause précise est parfois difficile à identifier. Aujourd’hui, « retour des catastrophes » d’après F. Ewald : les progrès de la technologie ont beaucoup accru la sécurité des transports, des machines, mais quand il y a des accidents, ils sont beaucoup plus graves. A la fin du XXème, une échelle de gravité est apparue dans les dommages : les risques majeurs ne sont plus limités dans le temps et dans l’espace. Les actes prennent plus d’importance, car les dommages sont plus graves (« grave et irréversible »). La notion de réparation devient incongrue, et il faut donc lui substituer celle de précaution (anticipation du dommage).
Le traitement des accidents devrait être différent de celui du préjudice, car si on sait traiter les gros accidents, on ne sait pas traiter les accidents majeurs. Dommages graduels (fruit d’une accumulation) ¹ dommage ponctuel (accident).
Section 1 : Le dommage individuel.
§1 : Les différentes sortes de dommages.
La doctrine et la jurisprudence considèrent le dommage comme la lésion d’un intérêt individuel, de nature patrimonial (dommage matériel) ou extra patrimonial (dommage moral).
A/ Le dommage matériel.
Ce préjudice résulte d’une atteinte portée au patrimoine d’un individu : il peut s’agir d’une perte subie ou d’un gain manqué. Sur le plan pratique, il inclut les atteintes aux biens (détérioration d’une chose appartenant à la victime) et l’atteinte à une personne physique (atteinte à la santé, à l’intégrité corporelle, voire à la vie de la victime) = le préjudice corporel est englobé dans le dommage matériel dans la mesure où il entraîne pour la victime une perte financière (appauvrissement économique dû aux frais médicaux) ou la privation d’un gain (manque à gagner dû à l’impossibilité de travail totale ou partielle causée par l’atteinte, qu’elle soit temporaire ou permanente).
B/ Le dommage moral.
Il découle d’un intérêt extra patrimonial : il atteint le bien être de la victime, son bonheur, ses sentiments. Il consiste en une souffrance physique ou morale.
1) La notion de dommage moral.
Il peut consister en une atteinte : – à l’intimité de l’individu (à sa correspondance, sa vie privée, son nom, …)
– à la réputation (, diffamation,…), aux sentiments, idées de la victime (convictions religieuses,…)
– dans les conséquences extra patrimoniales d’un préjudice corporel.
On indemnise : – la douleur physique ressentie par la victime (= pretium doloris)
– le préjudice esthétique (mutilation, défiguration,…)
– le préjudice psychologique (gêne causée par le dommage dans la vie quotidienne et professionnelle de la victime)
– le préjudice d’agrément (privation des agréments d’une vie normale)
– le préjudice d’affection = atteintes portées aux sentiments (atteinte causée par la mort ou l’infirmité de la victime à ses proches). Il s’agit d’un préjudice par ricochet.
– le préjudice personnel de contamination.
– le préjudice sexuel (réparation plus courante mais non encore généralisée). Dans les années 80, la Cour de cassation l’a considéré comme un préjudice fonctionnel qui doit s’intégrer dans le dommage matériel. En 1988, il est reconnu comme un préjudice personnel (au même titre que le préjudice esthétique), englobé dans le préjudice d’agrément. En 93, la réparation de ce préjudice « ne constitue pas un préjudice d’agrément » (Civ. 2, 6/1/1993) = il arrive à l’autonomie.
2) La controverse sur la réparation du dommage moral.
Ripert et Esmein se sont prononcés contre cette réparation car la souffrance n’a pas de prix.
Arguments contre : les larmes ne se monnayent pas, il serait inconvenant de demander de l’argent pour les souffrances éprouvée par la perte d’un proche. Une somme d’argent pour compenser la douleur morale ne suffit pas. La réparation du dommage moral risquerait d’être arbitraire et alourdirait les sommes versées par les compagnies d’assurances (= primes plus élevées)
Arguments en faveur de l’indemnisation : elle peut fournir à la victime des dérivatifs à sa douleur (compense et non pas remplace). La réparation des douleurs morales peut jouer un rôle de peine privée à l’encontre des responsables = on ne laisse pas sans sanction des fautes qui n’auraient pas engendrées de dommage sur le plan matériel.
Aucun argument d’un coté ou de l’autre n’est déterminant : l’idée de peine privée est critiquable, car c’est l’assureur qui va payer les dommages et intérêts. La Cour de cassation l’admet depuis le XIXème (ex: chambre civile du 13/2/1923). Le CE a longtemps été hostile à l’idée d’indemnisation du domaine moral : il s’est rallié à la jurisprudence civile en 1961.
§2 : Les conditions du dommage réparable.
Traditionnellement, un dommage est réparable s’il est direct, actuel et certain.
Direct = exigence d’un lien de causalité direct entre le fait générateur et le dommage. Or, la condition de causalité est une condition de la responsabilité.
Actuel = ce caractère n’est plus exigé aujourd’hui, car on admet la réparation des dommages appelés à se réparer dans l’avenir, si on est sur que la réparation se fera.
Certain = il s’agit de la seule condition exigée aujourd’hui.
On s’est longtemps interrogé sur la question de la conscience du dommage : la victime doit-elle être consciente du dommage pour être indemnisée (question écartée)
A/ L’exigence de la certitude du dommage.
1) La notion de dommage certain.
Le dommage actuel : une fois réalisé, il est forcément certain. Le juge peut nommer des experts (frais de remise en état d’un véhicule,…) pour évaluer le montant du dommage.
Le dommage futur : il est réparable car la certitude du dommage ne se confond pas avec l’actualité. Le préjudice sera futur et certain s’il apparaît comme la prolongation certaine et directe d’un état de fait actuel (réparation d’une incapacité permanente de travail = indemnisation d’un dommage futur). Ex : Civ. 2, 13/3/1967 (moindre longévité confirmée par expertise médicale)
Le dommage éventuel : sa réalisation étant hypothétique, il n’est pas réparable. La jurisprudence a ainsi refusé les prétentions du père d’une victime qui se prévalait de sa qualité de « créancier éventuel » d’aliments pour demander des dommages et intérêts au responsable de la mort de son fils.
2) La perte d’une chance.
La notion : l’indemnisation est admise par la jurisprudence dans des cas très différents. La perte d’une chance de gains financiers (jockey fautif pendant une course condamné en raison de la perte subi par un parieur) ; perte de chance de gain d’un procès (avocats qui ont oubliés l’exercice d’une voie de recours ont été condamnés à indemnisation) ; perte de chance de guérison ou d’amélioration de l’état de santé, de survie,… due à la faute d’un médecin ; perte de chance de se présenter à un examen,… = le domaine est large.
Les conditions : la jurisprudence exige des conditions strictes = – la chance perdue doit être réelle et sérieuse, c’est à dire qu’elle ne se confond pas avec le rêve, l’allusion. Le gain escompté doit avoir une certaine dose de probabilité (Crim, 3/11/1983).
– la perte de chance doit découler directement du fait générateur.
Le régime de l’indemnisation : la perte de chance peut être certaine alors que le gain escompté ne l’était pas. Le montant des dommages et intérêts va dépendre de la probabilité du gain. Civ. 1, 16/7/1998 : un avocat a fait une erreur dans la procédure : la CA a évalué le montant de la réparation du préjudice à hauteur de la condamnation en première instance. La cour de cassation a estimé que la réparation de la perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l’avantage qu’aurait procuré cette chance si elle s’était réalisée. Civ. 1, 7/6/1989 : la perte de chance d’obtenir une amélioration de son état est fonction de la gravité de son état réel, de sorte que l’étendue du dommage peut se trouver modifiée par l’aggravation de l’état et la demande de réparation complémentaire est recevable.
B/ L’indifférence de la conscience du dommage.
1) Les analyses doctrinales.
La conception objective : le préjudice doit s’apprécier en fonction de la situation de la victime, telle qu’elle est appréciée par le juge.
En faveur de cette conception, il y a un argument d’équité (les préjudices les plus graves doivent être réparables au même titre que les autres) et un argument juridique (la responsabilité civile est gouvernée par le principe fondamental de la réparation intégrale du préjudice subie par la victime.
La conception subjective : les auteurs les plus restrictifs estiment que la victime doit recevoir une indemnité lui permettant de se loger, nourrir et d’être assisté par une tierce personne.
D’autres distinguent selon le type de dommage = le dommage économique sera réparé indépendamment de l’état de lucidité de la victime ; les préjudices d’agrément et esthétique ne seront pas réparés, car ils ne sont pas ressentis par la victime.
En faveur de cette conception, l’état d’inconscience de la victime exclurait toute sensibilité morale ou physique à la souffrance, et le versement d’une éventuelle indemnisation bénéficierait plus aux proches de la victime qu’à la victime elle-même.
Cette conception suppose que la victime dans le coma ne souffre pas = plus le dommage est grave, plus la réparation sera faible.
2) L’état de la jurisprudence.
Elle décide que la conscience de la victime envers le préjudice qu’elle subit n’est pas une condition de la réparation du préjudice. Crim. 3/4/1978 s’est prononcée pour la réparation du préjudice d’agrément subi par un inconscient, car l’indemnisation d’un dommage est fonction de la constatation qu’en ont les juges et de son évaluation objective. Elle a ensuite étendu cette solution aux préjudices esthétiques, économiques et physiologiques (Crim. 11/10/1988).
Civ. 2, 21/6/1989 (2 arrêts) : la réparation d’un préjudice subie par une personne inconsciente ne peut avoir pour objet que ses besoins futurs = appréciation subjective.
Unification par les arrêts Civ. 2, 22/2/1995 et 22/6/1995 : l’état végétatif d’une personne humaine n’excluant aucun chef d’indemnisation, son préjudice doit être réparé dans tous ses éléments.
Les victimes en état végétatif sont donc indemnisées dans les mêmes conditions que les autres victimes.
§3 : Les modalités du dommage.
A/ Le dommage immédiat.
Il atteint directement la victime dans sa personne ou ses biens.
Si les conditions sont réunies, l’indemnisation pourra être obtenue soit directement par la victime, soit par ses héritiers (en cas de décès de la victime) qui agiront au nom de la victime pour obtenir la réparation du préjudice qu’elle a subi avant le décès. Les héritiers n’ont l’action que si la victime a survécu un certain temps. Si la victime est morte sur le coup, la jurisprudence dominante décide qu’elle n’a pas eu le temps de subir un préjudice personnel. Les héritiers pourront alors exercer une action successorale pour l’indemnisation du préjudice immédiat, et une action personnelle pour l’indemnisation du préjudice par ricochet.
B/ Le dommage par ricochet.
Il est subi par les proches de la victime, qui en souffrent par répercussion.
1) L’objet du dommage par ricochet.
Le dommage matériel par ricochet : la perte de ressource quand la victime avait en charge une autre personne. La jurisprudence refuse la réparation de ce préjudice si la victime immédiate est encore en vie, même frappée d’invalidité et d’incapacité de travail. L’indemnisation personnelle pour les dommages subis doivent lui assurer un niveau de vie semblable à celui d’avant.
Le dommage moral par ricochet : le préjudice d’affection. La jurisprudence admet qu’il puisse provenir du décès de la victime ou des séquelles d’un accident. Un autre aspect de ce dommage est le surcroît de travail, d’aide et d’assistance auxquels les proches sont contraints en raison de l’état de la victime.
2) Les victimes du dommage par ricochet.
Toute personne ayant souffert un dommage par ricochet a droit à indemnisation.
Les proches parents de la victime (parents ou alliés) : les conjoints et enfants doivent établir un préjudice personnel. Mais, dans la pratique, le préjudice d’affection est présumé (présomption de fait). Pour les autres membres, la jurisprudence a longtemps exigé un lien de parenté ou d’alliance, puis elle a évolué dans un sens plus libéral et admet l’indemnisation pour la fiancée, les enfants adultérins ou accueillis.
La concubine de la victime : en 1937, la cour de cassation a refusé la réparation du dommage causé à la concubine par la mort de son concubin au motif que le « droit à réparation est subordonné à la lésion d’un intérêt légitime juridiquement protégé ». Dans les années 50, la chambre criminelle a admis l’indemnisation de la concubine à condition que le concubinage soit stable et non délictueux (= non adultérin). Les chambres civiles continuaient à maintenir une position rigoureuse.
Ch. mixte 27/2/1970 (arrêt Dangereux) a adopté la position de la chambre criminelle, au motif que l’article 1382 du code civil, il n’y a pas d’exigence de liens de droit entre le demandeur et la victime.
Suite à ça, la loi sur le divorce du 11/7/1975 a dépénalisé l’adultère = elle admet l’indemnisation de la concubine en cas de concubinage adultérin. La chambre criminelle se contente aujourd’hui de relations stables, même sans cohabitation.
Les personnes qui entretenaient des relations d’intérêt avec la victime : un employé ou un associé peut demander l’indemnisation quand le décès met les intérêts de la société en jeu.
La jurisprudence est réticente pour l’indemnisation du préjudice économique par ricochet, même s’il est n’a posé de refus de principe. Viney estime que la solution devrait être plus libérale, notamment pour le salarié mis au chômage suite au décès de l’employeur.
3) Le lien entre le dommage par ricochet et le dommage immédiat.
Le principe est l’autonomie de ces deux dommages, les deux préjudices étant bien distincts. Mais, le droit positif limite ce principe en admettant l’opposabilité de la faute de la victime immédiate à la victime par ricochet = cette faut peut limiter la réparation de la victime immédiate, mais aussi celle de la victime par ricochet. Il n’y a donc pas d’autonomie complète.
Section 2 : Le dommage collectif.
§1 : Les atteintes à un intérêt collectif.
Le dommage individuel touche en personne des victimes clairement déterminées. Le dommage à un intérêt collectif est plus diffus = ce n’est pas une addition de dommages individuelles. L’intérêt collectif peut être celui d’une profession, de certaines personnes (religion, race,…), des animaux, de la nature,…
L’admission des dommages qui lèsent un intérêt collectif a conduit à élargir la catégorie des demandeurs à l’action en responsabilité. Le droit a donc ouvert aux personnes morales le droit d’agir en justice pour obtenir la réparation des atteintes à l’intérêt collectif qu’elles défendent.
1) Pour les syndicats professionnels.
Le droit d’agir en justice a été reconnu par la jurisprudence, puis par le législateur dans la loi du 9/3/1920 (L 411.11 du code du travail) : ils peuvent agir en réparation pour tout préjudice direct ou indirect à l’intérêt de la profession qu’ils représentent. L’exercice illégal de la médecine porte atteinte à l’intérêt collectif de la profession de médecin, mais pas à un médecin en particulier.
2) Pour les associations reconnues (loi de 1901).
La jurisprudence a longtemps été réticente, puis progressivement elle est devenue de plus en plus compréhensive. Le principe était le refus de l’action des associations, mais aujourd’hui il y a beaucoup d’exceptions légales à ce principe (associations de lutte contre le racisme depuis la loi du 1/7/1972 ; associations de consommateurs…). Elles peuvent agir en responsabilité pour les atteintes aux faits qu’elles défendent.
§2 : Les dommages en série ou dommages de masse.
La société actuelle connaît de multiples phénomènes de masse : standardisation, « massification »,… Le droit est concerné : le droit des contrats avec les contrats types, tous semblables et signés par un grand nombre de personnes ; le droit de la responsabilité avec le contentieux des accidents de circulation. Le phénomène de préjudice de masse présente trois caractéristiques : ils concernent un grand nombre d’individus ; ils sont spécifiques ; ils sont semblables, uniformes.
A/ Illustration.
Un défaut de fabrication sur un objet, produit commercialisé à grande échelle : le dommage atteint toutes les personnes qui ont consommé le produit.
« Préjudice personnel de contamination » : à l’origine, il ne concernait que les transfusés contaminés, mais il est susceptible d’être étendu à d’autres maladies. Il regroupe tous les aspects extra patrimoniaux. Les fonds d’indemnisation ont été créés par la loi du 31/12/1991, qui contient une définition du préjudice, reprise par la jurisprudence. Cette définition est très longue et très précise. Il est marqué par deux caractéristiques : – la spécificité car il contient, à coté des préjudices classiques, des dommages originaux dont la réduction de l’espérance de vie, c’est à dire une perte de chance de vie, ou le prix de la vie abrégée ; et il est marqué par le caractère essentiellement évolutif de ces dommages.
– l’uniformité, car les composantes de ce dommage personnel se retrouvent à l’identique chez toutes les victimes.
B/ Le régime.
La standardisation du préjudice conduit à une standardisation de l’indemnisation : existence de fonds d’indemnisation, de barèmes pour indemnisation (Crim. 9/2/1992 n’interdit pas aux juges de se référer à des barèmes prenant en compte les faits de l’espèce)
Section 3 : Les dommages écologiques.
§1 : La typologie des dommages écologiques.
A/ Les dommages écologiques ponctuels.
Il s’agit des catastrophes en tout genre : catastrophe nucléaire (Pennsylvanie 1979, Tchernobyl 1986), marées noires (Torrey Canyon 1969, Amoco Cadix 1978, Exxon Valdez 1985), pollution chimique (Seveso 1976, Bhopal 1984)
En 1978, l’Amoco Cadix a déversé 200 000 tonnes de pétrole brut en mer : 250 kms de rivages ont été pollués, la mortalité animale a été massive dans un rayon de 5 kms autour de l’épave, et autour de points d’accumulation de pollution dans les 100 kms. Le coût économique s’est élevé à 460 000 000F.
B/ Les dommages écologiques graduels.
Il s’agit d’une pollution chronique, répétitive dont l’évolution est cumulative : dégradation de la qualité de l’eau, de l’air (pollution à l’ozone), amincissement de la couche d’ozone et agrandissement du trou aux pôles.
C/ Les dommages écologiques consécutifs.
Les dommages écologiques ponctuels ont des conséquences immédiates, mais ils ont aussi des conséquences différées : résistance accrue aux antibiotiques due aux OGM, risque de mutations génétiques. Après Tchernobyl, les hirondelles sont devenues albinos de façon héréditaire, et sur certaines populations humaines, le taux de mutation génétique est deux fois supérieur à la moyenne.
§2 : La spécificité du dommage écologique.
· il a d’abord été défini par rapport à l’homme : dommage humano-centré. L’homme est victime dans sa santé, son bien être,… Cette approche est compatible avec les règles de la responsabilité civile.
· apparition plus tardive de la notion de dommage écologique pur : il est causé directement au milieu en temps que tel, indépendamment de ses répercussions sur les personnes ou sur les biens.
La victime directe n’est plus une personne, mais l’environnement lui-même. Un dommage écologique pur est une atteinte aux milieux naturels = faune, flore, écosystème, biodiversité, biosphère, génétique.
A/ Le dommage écologique et l’existence d’un dommage certain.
1) Le dommage actuel.
Dans le cas d’une pollution massive, le préjudice certain est déjà réalisé. Mais les incertitudes scientifiques engendrent des difficultés d’interprétation quand au caractère certain : controverses sur l’incidence des lessives avec ou sans phosphate, incinération de déchets,…
2) Le dommage futur.
Il est réparable en droit commun s’il est certain : il faut donc prévoir l’évolution du dommage écologique dans le temps. Mais, les connaissances scientifiques peuvent être lacunaires pour bien évaluer l’impact : à moyen et long terme, les conséquences peuvent être aggravées (facteur d’accumulation), ou atténuées par la capacité de régénération spontanée. L’appréciation du dommage dans le futur dépend d’activité aléatoire (cessation de l’activité polluante dans le futur).
B/ L’exigence d’un dommage personnel.
Seule la personne qui subit un préjudice peut demander et obtenir la réparation. Il s’agit de combiner cette exigence d’un dommage personnel et la notion de préjudice écologique. La victime directe est l’environnement lui-même. La notion de dommage collectif permet d’assouplir l’exigence trop humano-centré d’un préjudice personnel.
1) La qualification juridique de patrimoine commun.
Elle relève du droit des biens. Dans l’approche classique, l’atteinte à l’environnement concerne des choses sans maître (res millius). Dans l’approche novatrice, on les qualifie de « biens-environnement » =des choses communes qui font partie d’un patrimoine collectif. Le patrimoine commun de l’humanité regroupe l’atmosphère, la biosphère, les océans, la biodiversité, et les ressources génétiques.
Comme l’environnement appartient à tous et aussi aux générations futures, les atteintes qui lui sont portées lèsent la communauté dans son ensemble.
2) Le droit à l’environnement, un droit de l’homme.
La reconnaissance d’un droit individuel à un environnement de qualité : on intègre le droit à l’environnement parmi les droits de l’homme = le droit à la conservation de l’environnement.
Admettre un droit subjectif à l’environnement peut faciliter la preuve de l’intérêt à agir en cas d’atteintes à l’environnement. L’atteinte à ce droit pourrait être analysée comme un préjudice d’agrément. Reconnaître ce droit ne dispense pas les victimes d’un dommage personnel et direct. Ce droit subjectif se révèle impuissant pour les droits appartenant à tous et personne en même temps.
3) L’action de groupe.
Elle permet l’extension des demandeurs à l’action en responsabilité. L’action n’existe pas encore en droit français, car il est gouverné par le principe « Nul ne plaide par procureur ». Or, l’autorité d’un jugement ne s’appliquerait pas seulement aux parties en instance, mais à toute la classe concernée. Ce serait contraire au principe d’autorité relative de la chose jugée.