L’article 121-4 définit l’auteur comme la personne qui commet les faits ou tente de les commettre.
Section 1 : L’auteur, personne physique.
Généralement, il s’agit de celui qui accomplit personnellement les actes matériels.
§1 : L’auteur principal.
A/ L’exigence légale.
Un individu est considéré comme auteur s’il a commis un acte décrit par un texte de qualification. L’implication dans l’acte n’est pas la même selon que l’on commet un assassinat ou un abus de bien social. L’exigence légale de commission matérielle de l’acte fait que le cerveau de l’affaire ne sera que complice, et ne sera pas assimilé à l’auteur.
Le projet de code pénal avait prévu la répression de l’instigateur, mais le texte définitif n’a pas repris cette proposition, car elle pouvait conduire à la délation, qu’il est dur de prouver que l’intention de commettre existe quand il n’y a pas réalisation, et que ^punir l’instigateur risque d’abolir la distinction qui existe entre l’auteur et le complice. Dans ses travaux préparatoires, le Sénat atteste ne pas avoir voulu instaurer un délit d’intention.
Quelques textes spéciaux tiennent compte de l’instigation : l’article 432-4 du code pénal à propos des fonctionnaires et de ceux qui ordonneraient un acte arbitraire ; l’article 432-9 pour ceux qui ordonnent de commettre une atteinte au secret de la correspondance ; l’article 432-10 sur la concussion : l’ordre de percevoir à titre d’impôt une somme qui n’est pas due.
En pratique, l’auteur de l’acte est souvent celui qui prend la décision, dès lors qu’elle est exprimée. Ex : un faussaire : il fabrique des faux en écriture, mais c’est aussi celui qui commande le travail à l’artisan. Il est choquant de les laisse impuni tant que l’on ne peut les qualifier de complice.
B/ Le coauteur.
1) Définition.
Il a un rôle plus important que le complice. Pour la Cour de cassation, c’est celui qui a pris une part directe dans les faits constitutifs de l’infraction à un degré analogue. Si le but poursuivi est le même, si l’élément moral est le même, alors il s’agit d’un coauteur et non pas d’un complice.
La coaction s’explique par la causalité : l’acte doit être la cause du dommage au même titre que pour le coparticipant. Il existe une difficulté pratique à discerner : Cour de cassation 1927 : celui qui distrait un bijoutier pendant que l’autre cambriole est coauteur, car les deux actes sont nécessaires.
Les hypothèses les plus contestables sont des cas où les infractions sont instantanées : il est difficile d’admettre que plusieurs personnes font le même acte en même temps. Si l’infraction se déroule pendant une période assez longue, il est moins difficile d’admettre que plusieurs personnes ont pu jouer un rôle équivalent dans la réalisation de l’infraction. Cette discussion présente surtout un intérêt quand on s’attache à la répression.
2) La répression.
En principe, l’influence de la coaction est très réduite. La Cour de cassation jugeant dans certains cas l’analyse injuste, chacun ayant un rôle important, elle a développé la théorie de la complicité corespective : » tout coauteur est complice et tout complice est coauteur ». Cette jurisprudence remonte à l’arrêt Igneux de la Chambre criminelle de la Cour de cassation en date eu 9/6/1848, et n’a jamais été remise en cause sauf à penser que la réforme du code pénal joue une influence en matière de définition de la complicité.
Cette jurisprudence atténue l’intérêt de la distinction : en matière de vol en réunion, il y a une tendance à punir plus sévèrement que pour un vol simple.
L’affaire Bufet & Bontemps : ces deux criminels condamnés à la réclusion criminelle à perpétuité s’évadent de prison, prennent des otages, en tuent un puis sont repris. Les avocats de Bontemps, arguant du fait qu’il n’a pas tué, jouent sur la distinction entre coauteur et complice, pour demander que sa culpabilité soit apprécier en fonction de sa personne même. La Cour d’Assises a considéré qu’il était complice = les juges ne s’embarrasse pas avec toutes les subtilités juridiques.
§2 : La responsabilité pénale dite « du fait d’autrui ».
Elle s’entend de la condamnation d’un individu en raison d’un acte commis par une autre personne. Cette responsabilité se heurte au principe de la personnalité des peines rappelé par la jurisprudence et la loi dans l’article 121-1 : « on est responsable que de son propre fait ». Il devrait donc y avoir une différence entre le droit pénal et le droit civil. Une véritable responsabilité du fait d’autrui nécessite une personne responsable en l’absence de toute faute de sa part, et qu’elle ne participe à aucun titre dans la commission de l’infraction. La jurisprudence a toujours refusé ce type de responsabilité : quelques cas de faute à la charge du commettant en raison du fait de son préposé peuvent toutefois être remarqués.
A/ Les cas d’application.
Il s’agit des hypothèses de responsabilité directe du chef d’entreprise, ou de responsabilité indirecte.
La responsabilité directe : l’article L 260-1 du code du travail prévoit que le chef d’entreprise est responsable des condamnations prononcées contre les directeurs et préposés pour des infractions à la législation du travail = des amendes sont prévues. Il s’agit d’une dérogation au principe de personnalité des peines.
En matière d’infractions au code de la route, l’article L 21 alinéa 2 prévoit que pour les infractions commises par le préposé avec la voiture de l’entreprise, le commettant doit payer les amendes. Le but de cette solution est d’assurer le paiement.
Le titulaire du certificat d’immatriculation peut être condamné pécuniairement en cas de violation de la réglementation sur le stationnement de véhicule, sauf en cas de force majeure, ou s’il donne des renseignements permettant d’identifier le conducteur.
La responsabilité directe : tous les textes qui la prévoient exigent qu’une faute personnelle soit établie à la charge du chef d’entreprise.
B/ Les conditions.
Les articles 263-1 et 263-2 du code du travail énoncent que l’employeur est responsable de la violation des prescriptions édictées pour la protection et la sécurité du personnel dans son entreprise. En cas de faute commise par le salarié, la faute personnel du commettant est reprochée = les tribunaux ne se mettent pas en désaccords avec l’article 121-1.
Crim 28/2/1956 : une entreprise s’est rendue coupable du délit de pollution des cours d’eaux. L’employeur était absent au moment des faits, et le déversement a été réalisé par faute intentionnelle. Le chef d’entreprise a été condamné en raison d’une faute, ce qui est contestable. Cette jurisprudence est malgré tout toujours appliquée. Le seul moyen de s’exonérer de sa responsabilité est la délégation = il doit établir qu’il a délégué ses pouvoirs à un subordonné qui disposait du pouvoir de faire respecter la réglementation.
Crim 26/5/1994 : confirmation du rôle que peut jouer la délégation. Crim 30/10/1996 intéresse la subdélégation : l’autorisation du chef d’entreprise n’est pas nécessaire pour une subdélégation si le subdélégataire a les moyens et pouvoirs d’assurer la sécurité.
Section 2 : L’auteur, personne morale.
L’article 121-2 du code pénal dispose que les personnes morales, à l’exception de l’état sont responsables selon les distinctions des articles 121-4 à 121-7 et des cas prévus par la loi ou le règlement, des infractions commises pour leur compte par leurs organes ou représentants. Toutefois, les collectivités territoriales et leurs groupements ne sont responsables pénalement que des infractions commises dans l’exercice d’activité susceptible de faire l’objet de convention de délégation de service public. La responsabilité pénale des personnes morales n’exclue pas celle des personnes physiques auteurs ou complices des mêmes faits.
§1 : Le principe.
Le Garde des Sceaux Badinter souhaitait une telle responsabilité, car il trouvait choquante l’immunité dont disposent les personnes morales, alors qu’elles sont susceptibles de causer des dommages considérables à la santé publique, l’environnement, aux salariés,…
A/ Les arguments favorables.
Le premier argument est celui de la justice au regard de ceux qui doivent être responsables. Jusqu’à ce que cette responsabilité soit reconnue, les seuls responsables étaient des personnes physiques jouant un rôle dans l’entreprise qui a causé le dommage = des subalternes. Ex : le pilote de l’avion au lieu d’Air France dans l’accident du Mont Saint Odile. De plus, les personnes morales pouvant être responsables civilement, il apparaît anormal qu’elles ne puissent l’être sur le plan pénal.
Le second argument tient à l’histoire du droit et au droit comparé : l’ordonnance criminelle de 1670 envisageait une telle responsabilité, et sur le plan du droit comparé, les pays anglo-saxons et l’Espagne reconnaissent cette responsabilité. En France, il n’y avait pas de principe général, mais tous les textes visant les employeurs pouvaient s’appliquer aux personnes physiques ou morales. Enfin, le Conseil de la Concurrence, le CSA, qui sont des AAI, peuvent prononcer des sanctions ou amendes contre une personne morale. Il serait donc normal que des juridictions puissent en faire autant.
Le troisième argument est une remise en cause du principe selon lequel une personne morale ne peut matériellement et psychologiquement commettre une infraction.
B/ Les arguments défavorables.
Cette responsabilité serait dangereuse, car une sanction à l’encontre d’une personne morale sera subie par les employés, tiers,… ce qui peut entraver le développement de cette personne morale.
Elle serait inutile, car dans les domaines économiques, le législateur a déjà prévu des dispositions pour sanctionner les dirigeants. Et le fait de superposer la responsabilités sur le plan administratif et fiscal, et la responsabilité pénale présenterait un risque de déresponsabilisation des personnes physiques.
C/ La réponse aux arguments défavorables.
Sur le premier point : c’est le propre de celui qui adhère à une entreprise d’être lié au sort de celle-ci. Tout actionnaire, associé,… prend des risques (juridique, financier, économique), et la responsabilité pénale ne fait qu’augmenter le risque juridique. Il est par ailleurs prévu que les représentants du personnel soient informés des dates d’audience pour intervenir et défendre les intérêts des salariés.
Sur le second point : la responsabilité pénale des personnes morales n’exclue pas la responsabilité de la personne physique auteur ou complice des mêmes faits. Le poids de la responsabilité est à mettre en rapport avec la gravité des dommages causés.
Il n’y a pas de responsabilité générale de la personne morale, mais une responsabilité spéciale, car le texte renvoie à la partie spécial du code pénal. Il y a donc peu d’hypothèses : le législateur a tenu à préciser que cette responsabilité ne pourra être engagée que pour réprimer des infractions prévues par la loi ou le règlement. Il s’agit d’atteintes à la vie privée, de blessure involontaire, crime contre l’humanité, discrimination, homicide volontaire, proxénétisme, vol, recel, abus de confiance,…
§2 : Le régime.
A/ Le champ d’application.
Seul l’état est exclu parmi les différentes personnes morales : on s’est longtemps demandé s’il ne fallait pas aussi exclure les partis politiques (liberté d’expression), les syndicats (droit de grève), les associations à but non lucratif,…Cela revenait à se poser la question de la constitutionnalité d’une telle sanction. Une première réaction a consister les partis politiques du champ d’application de cette loi, puis aussi les syndicats,… mais on pouvait exclure tout le monde en vertu d’un principe quelconque. Il a donc été décidé qu’ils pourraient être responsables, mais que les peines prononcée seront appropriées au type de la personne morale. Il s’agit d’un raisonnement sur la forme de la sanction. Par exemple, il sera impossible de dissoudre un parti politique.
Les sociétés de fait sont exclues de même que les sociétés en participation, car elles n’ont pas la personnalité juridique. Les associations, sociétés civiles et commerciales, les syndicats de copropriété, et même certaines personnes morales de droit public, telles que les collectivités territoriales à condition que l’infraction soit commise dans l’exécution d’une activité susceptible de délégation de service public, peuvent donc être mises en cause. Les établissements publics peuvent aussi être responsables.
B/ Les conditions.
Pour être responsable, l’infraction doit avoir été commise pour le compte de la personne morale par ses organes ou représentants. La personne morale ne commettant pas elle-même matériellement l’infraction, il s’agit d’une sorte de responsabilité pou autrui = la personne physique qui commet l’acte doit agir pour le compte de la personne morale, et non pas dans son intérêt propre.
L’infraction doit être commise par les organes ou représentants. La participation de l’organe est caractérisée par une décision votée ; la notion de représentants est plus difficile à cerner car elle inclut les représentants directs de la personne morale (PDG, gérant, président de conseil d’administration,…) mais aussi toute personne ayant un pouvoir de représentation ou ayant reçu un mandat de représentation. Il existe alors un risque de diminuer l’intérêt de cette responsabilité, puisque il suffit de déléguer à un salarié les fonctions pour l’exécution desquelles une infraction peut être commise. Certains demandent donc une modification des textes pour rendre directement responsable la personne morale en cas d’infractions non volontaires et maintenir la responsabilité du salarié au premier rang si l’infraction est intentionnelle.
Cette responsabilité de la personne morale n’exclue pas la responsabilité personnelle de la personne physique, car il est possible de cumuler les responsabilités entre celle retenue à l’encontre d’un dirigeant pour une faute personnelle, et celle de la personne morale. Cela peut être une source de conflit interne entre les intérêts de la société et ceux de ses représentants, et un important conflit entre l’entreprise et ses membres peut en naître. Certains Parquets sont donc favorables à une double poursuite, car ils estiment qu’il appartient aux juridictions de décider qui endossera la responsabilité. Un dirigeant ne pouvant être mis en examen deux fois, il faut désigner un administré ad hoc qui représentera la personne morale dans tous les actes de procédure.
L’amende a été retenue comme peine de principe, c’est-à-dire qu’elle peut toujours être prononcée par le juge. Son montant sera le quintuple de celle prévue pour les personnes physiques. Dans les cas prévus par la loi, le juge peut prononcer la dissolution, le placement sous surveillance judiciaire, l’interdiction de faire appel à l’épargne, ainsi que des sanctions pouvant aussi être prononcées à l’encontre de personnes physiques, telles que l’interdiction d’émettre des chèques,…
Pour respecter le particularisme de certaines formations, il n’est pas possible de prononcer la dissolution ou le placement sous surveillance judiciaire à l’encontre des partis politiques ou syndicats, ni de dissoudre des organes représentatifs du personnel. L’affichage des décisions ou la publication par voie de presse sont des sanctions qui peuvent être très graves, car elles risquent d’entraîner une fuite des clients ou des actionnaires : elles peuvent donc être plus dissuasives qu’une simple amende qui sera absorbée par le bilan de la société.
Une circulaire a été diffusée en février 1998 pour faire le point sur la mise en œuvre de cette responsabilité pénale.
Ä 100 condamnations ont été inscrites au casier judiciaire des personnes morales : la première le 18/11/1994 et la centième le 23/10/1997. Sur ces 100 condamnations, 94 concernaient des personnes morales de droit privé, et 6 des personnes morales de droit public.
Les infractions constatées sont très variées : les plus importantes concernent le travail clandestin, les blessures ou homicides involontaires (suite à des accidents du travail), des facturations irrégulières, des atteintes à l’environnement, et quelques infractions pour la contrefaçon et l’abus de confiance.
Les amendes prononcées vont de 3.000F à 500.000F, avec un montant moyen de 45.000F.
Ä L’objectif du législateur a été atteint puisque dans 62 procédures, seules les personnes morales ont été condamnées. Ces 62 cas correspondent tous à des infractions non intentionnelles.
Dans les condamnations prononcées à l’encontre de personnes morales de droit public, aucune personne physique n’a été condamnée.
Tribunal correctionnel de Grenoble 15/9/1997 (affaire du Drac) : la mairie a été condamnée, mais le maire et un conseiller municipal ont bénéficié d’une ordonnance de non-lieu : cette solution est paradoxale puisque les comportements du maire et de son conseiller n’ont pas été considérés comme fautifs, et pourtant la ville de Grenoble a été jugée responsable au motif que le maire avait réalisé une infraction pour le compte de la ville.
Ä Les difficultés liées au problème de la délégation ont été détournées : la personne morale qui délègue n’a pas d’attitude protectrice vis-à-vis de la responsabilité, mais souhaite que les choses se passent le mieux possible.
Tribunal correctionnel de Versailles 18/121/1995 : il retient la délégation pour exonérer une personne morale.
Il existe aussi des cas où la responsabilité de telles personnes a été retenue. La Cour de cassation n’est pas encore intervenue pour fixer la solution dans ce domaine.