Origine du nom Europe : – dans la mythologie grecque, Europe est une demi-déesse, fille du roi de Phénicie (Asie), que Zeus aurait emporté dans notre continent.
– Europe serait une océanide (géniteur des fleuves, qui dans la légende grecque entouraient les terres).
Ce n’est qu’à partir du VIIIème siècle av. JC que le mot Europe désigne notre continent.
Délimitation de l’Europe : – selon le critère géographique = elle est délimitée au Nord par la mer baltique ; à l’ouest par l’atlantique ; au Sud par la Méditerranée et le Caucase ; à l’Est par l’Oural.
Cette délimitation floue entraîne une variation de la liste des états se proclamant européens : on peut se demander si certains états doivent être intégrés? Ainsi, la majorité du territoire russe est asiatique, mais la majorité de la population vit sur le territoire européen ; 97% du territoire de la Turquie est asiatique, mais elle appartient à l’OTAN, à l’OCDE, et au Conseil de l’Europe.
– selon le critère religieux = au Moyen Age, l’Europe se confondait avec la chrétienté latine (orient orthodoxe contre Islam). Ce critère est toujours important aujourd’hui (Turquie).
– selon le critère culturel = le patrimoine de l’Europe est fait de mots, images, symboles (peinture flamande, musique italienne, philosophie allemande,…).
– selon le critère politique = il a été très affirmé avec la guerre froide. L’Europe de l’Ouest était unie autour du respect des libertés individuelles, du principe démocratique, et du capitalisme. Aujourd’hui, ce critère ne délimite plus rien.
§1 : Le développement d’une Europe inconsciente et historique.
A/ Panorama rapide de l’émergence d’un esprit européen de Rome à l’empire napoléonien.
1) De Rome à l’empire carolingien (IIIème siècle av. JC -IXème) : les origines controversées de l’Europe.
On peut parler d’apparition de l’Europe avec les conquêtes romaines en raison de la cohésion du système romain, de l’instauration d’un commerce à grande échelle, et de la généralisation du droit romain dans tout l’empire. On assiste dans le même temps à la naissance et à la propagation de la religion catholique à vocation universelle. La chute de l’empire romain en 476 (occident) et 1453 (orient) entraîne la multiplication des invasions.
En 752, Charles Martel arrête l’invasion musulmane (bataille de Poitiers). Cette date marque la naissance d’une solidarité européenne (début de signification de l’Europe politique). L’empire carolingien de Charlemagne, empereur d’occident en 800 apporte l’unité d’écriture, de politique et l’apparition d’une conscience de la réalité européenne occidentale.
2) L’Europe de la chrétienté de St Bernard à la philosophie des Lumières (du XIIème au XVIIIème).
Aux XIIème et XIIIème siècles, l’unité politique et religieuse de l’Europe est réalisée par la chrétienté : croisades, pèlerinages, extension des grands ordres religieux dont les Cisterciens dominés par St Bernard, qui a regroupé toute la chrétienté occidentale par une deuxième croisade dirigée contre les musulmans.
Au XVème, Dante suggère l’institution entre souverains d’un système d’arbitrage universel détenu par un monarque. Le roi de Boeme reprend cette initiative et propose la création d’une confédération. Au XVIème, Charles Quint donne naissance à l’équilibre européen, une donnée politique destinée à favoriser des coalitions entre les états (dont la France) à l’ambition territoriale trop forte.
Au XVIIème, Sully propose que l’Europe, limitée à 15 états, soit placée sous la garde d’un conseil pouvant prendre des décisions exécutoires. Il s’agit de la première proposition portant atteinte à la souveraineté des états, et elle sera reprise par William Penn à la fin du XVIIème siècle. Relance de l’idée européenne au XVIIIème avec l’abbé de St Pierre dont les idées seront reprises par Rousseau, qui suggère l’institution d’un Sénat européen aux compétences législatives et judiciaires. A la fin du XVIIIème, Kant propose la création d’une confédération entre les états européens pour assurer une paix perpétuelle. L’Europe est alors vue comme un facteur de paix.
Les propositions d’organisation et la naissance du sentiment européen scellent la dissociation de l’Europe et de la chrétienté. La révolution française sera très hostile à l’Europe (naissance du nationalisme / coalition européenne dressée contre la France).
3) L’Europe des conquêtes des guerres d’Italie à la chute de l’empire napoléonien.
L’empereur a cherché l’expansion illimitée vers un empire universel : les conquêtes napoléoniennes ont profité exclusivement à la France, et l’Europe napoléonienne n’était fondée que sur des liens familiaux, des zones d’influence et non pas des liens juridiques.
B/ Naissance de l’idée européenne et prémices au déchirement (du XIXème au début XXème).
1) Développement d’une solidarité européenne fondée sur la légitimité et l’équilibre.
Deux tentatives d’organisation de la société européenne : – le Congrès de Vienne (9/1814 – 6/1815) symbolise la reconstruction politique de l’Europe sous la tutelle de l’Angleterre, de l’Autriche, de la Prusse et de la Russie. Suite au Traité de Paris du 30/5/14 qui entérine la paix avec la France, ces 4 états veulent se partager les restes de l’empire napoléonien et instaurer un équilibre au sein de l’Europe sous leur domination = solidarité européenne à la recherche de la paix.
– le Concert européen est une coalition qui unit les 4 états précités sous un statut générique stable reposant sur un ensemble de conventions internationales : la Ste Alliance (26/9/1815) consacre le principe d’une garantie mutuelle de l’intégrité territoriale ; la quadruple alliance (20/11/1815) institutionnalise le Concert européen.
Il durera jusqu’en 1914 mais ne se réunit que de manière irrégulière sous la forme de conférence. Il ne s’agit d’ailleurs que d’un début de coopération internationale qui illustre la vocation pacifiste de l’Europe. D’autres institutions, dont l’objet était très limité, ont aussi été créées (ex: commission du Danube), mais ce n’étaient que des ébauches de coopération (structures institutionnelles rudimentaires).
2) Les conceptions intellectuelles de l’Europe.
Lors du Congrès de Vienne, le comte de St Simon propose de rassembler les peuples européens en un seul corps politique tout en conservant à chacun sa nationalité, grâce à un Parlement européen exclusivement chargé de rédiger un code de morale. Napoléon III reprendra ces idées pour créer une zone de libre échange économique, et proposera l’établissement d’une association européenne réalisant les aspirations nationales. En 1849, Victor Hugo propose de créer les Etats-Unis d’Europe sur le modèle des USA (états liés gardant leurs individualités). E. Renan proposera de faire une confédération d’état fondée sur le consentement des états à vivre ensemble.
Le mouvement pan-européen de Coudenhove-Kalergi (1924) recherchait l’unification de l’Europe, pour assurer son indépendance par rapport aux USA, à l’URSS et à l’empire britannique. Cette alliance en matière politique, économique et militaire aurait nécessité une conférence, une cour d’arbitrage, une union douanière et surtout une constitution européenne créant un Parlement bicaméral (une chambre des peuples et une chambre des états). Il s’agit d’une conception nettement fédéraliste.
A. Briand présente en 1929 un projet ambigu à la SDN : une association (Etats-Unis d’Europe) dans les domaines politique et économique, qui ne porte pas atteinte à la souveraineté des états = une fédération d’états qui respecte la souveraineté de ses membres.
La GM2 révèle un profond déchirement entre états et joue un rôle de catalyseur Þ la construction européenne de l’après-guerre est très différente : volonté d’hégémonie d’états plus que volonté d’union (unification synonyme d’absorption par un autre état).
§2 : Le développement d’une Europe consciente et volontaire.
A/ La nécessité de la construction européenne.
L’origine de la construction européenne est liée au contexte de l’après-guerre = l’Europe est épuisée économiquement et divisée géographiquement et politiquement entre les USA et l’URSS. La conférence de Yalta (2/45) ne fera qu’entériner la division E/W.
Les propositions d’instauration des Etats-Unis d’Europe sont fondées sur la réconciliation franco-allemande et ont pour but la paix et la sécurité. Les USA et l’URSS subordonnent l’attribution des aides à la réalisation de l’union européenne.
La doctrine Truman (1947) garantie une aide militaire en Europe pour lutter contre les communistes. Le plan Marshall est moins hostile envers l’URSS, qui refusera malgré tout d’y adhérer et empêchera les états satellites d’en bénéficier. La Conférence Européenne de Paris (7 – 9/47) entre 16 états d’Europe occidentale, fixe un programme commun de redressement, le montant des aides nécessaires pour y parvenir, et sera à l’origine de l’OECE dont le but est d’organiser la répartition des aides américaines. Réaction russe : création en 49 du COMECON (conseil d’assistance économique mutuel) qui veut établir une coopération commerciale entre les pays à économie planifiée.
Les européens réalisent d’abord une construction économique, puis militaire (traité de Dunkerque du 4/3/47 entre la France et la GB). Le traité de Bruxelles ouvre ce système à d’autres pays ; le Traité de l’Union Occidentale conclu le 17/3/48 organise un réseau de relation militaire, politique, économique et culturelle et met en place des institutions.
Le pacte Atlantique du 4/4/49 réalise l’unification militaire de l’Europe sous le contrôle des USA avec la création de l’OTAN. Réaction de l’URSS en 1955 avec l’adoption du pacte de Varsovie. Ces deux initiatives forment un équilibre de la terreur.
Coopération dans le domaine politique (défense des droits de l’homme) avec la création du conseil de l’Europe dont le statut est adopté par le traité de Londres du 5/5/49. La construction européenne apparaît alors comme une ébauche d’union = mise en place d’institution de coopération et non pas d’intégration.
B/ Interrogations sur la construction européenne.
1) Les rapports entre les institutions européennes et le droit international.
La société internationale est composée de sujets de droit = d’entités dotées de droits et d’obligations, et des capacités nécessaires à leurs exercices. On distingue les sujets originaires (les états), qui existent indépendamment des autres sujets ; et les sujets dérivés (les organisations internationales et les individus), qui ne retirent des prérogatives du droit international que de par le volonté des états.
Les instances européennes ne sont ni des individus, ni des états même si elles ont des liens très étroits avec eux, car elles ne sont pas dotées de la souveraineté et ne peuvent intervenir que dans un domaine fixé par leurs statuts (principe de spécialité). Ce sont des organisations internationales = des associations d’états constituées par traités, dotées d’une constitution, d’organes communs, et titulaires d’une personnalité juridique différente de celles des états membres.
On distingue les organisations internationales universelles, telles l’ONU, qui visent à grouper le plus grand nombre d’états possible ; et les organisations internationales régionales qui unissent des états voisins géographiquement, unis par une solidarité idéologique, historique, culturelle et économique. Les institutions européennes sont des organisations régionales qui cherchent à réagir à un contexte international défavorable, et à traduire de manière institutionnelle des liens de solidarité, qui permettent l’existence d’ordres juridiques particuliers, très contraignants pour les états membres. Les actes constitutifs des organisations internationales sont des traités = des actes régis par le droit international. Ce sont pourtant des organisations internationales originales.
2) L’originalité des institutions européennes.
La variabilité du cadre territorial des institutions européennes : les institutions communautaires comprennent 15 états définis avec certitude par traités. Les institutions européennes sont plus variables = elles peuvent être limitées à l’Europe de l’ouest (UEO), étendues à l’Europe de l’est (Conseil de l’Europe) ou comprendre des états non européens (OTAN).
La variabilité de l’intensité des liens entre les états membres et les institutions : les institutions de coopération et celles d’intégration se distinguent selon leur degré d’indépendance par rapport aux états, leur mode d’adoption des actes, et les relations nouées avec les particuliers (relations directes = intégration ; but d’harmonisation entre états, sans affecter les relations internes = coopération).
Les institutions d’intégration visent à réaliser une certaine unification des territoires et populations, et disposent donc de pouvoirs étatiques de législation et de juridictions qu’elles exercent sur le territoire des états = elles portent atteinte à la souveraineté des états.