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L’exécution du contrat de travail


Chapitre 1 : L’exécution du travail.
Section 1 : Les obligations réciproques à la charge des parties.
§1 : Les obligations des salariés.

Ä Le salarié s’engage à exécuter la prestation de travail pour laquelle il a été embauché, et s’il est incapable de l’exécuter, cette incapacité est susceptible d’être une cause de licenciement.

Soc, 7/5/1981 : le licenciement d’un représentant dont le permis de conduire a été suspendu est justifié.

Les prestations doivent être exécutées : – personnellement : le salarié ne peut pas se faire remplacer par quelqu’un d’autre sans l’autorisation de l’employeur.

– consciencieusement : le salarié doit s’abstenir de tout acte de concurrence, respecter les horaires, se rendre sur le lieu de travail,…

– avec diligence : un salarié manquera à l’obligation de diligence s’il exécute son contrat de manière volontairement défectueuse.

Soc, 27/10/1983 : un salarié manque à l’obligation de diligence, en se mettant en grève dans le pays où il est détaché alors que la grève y est interdite, et qu’il s’est engagé par contrat à respecter cette interdiction.

La jurisprudence considère qu’une exécution involontairement défectueuse peut aussi traduire ce manque de diligence (insuffisance de résultats ou de compétences professionnelles).

Ä Le salarié s’engage à se soumettre au pouvoir de direction de l’employeur, à qui il doit une véritable obéissance. A défaut, son comportement peut caractériser une insubordination délibérée constitutive d’un faute grave (Soc, 8/1/1964).

Limites à l’obligation d’obéissance : – conformément au droit d’expression reconnu par la loi aux salariés, il peut contester les décisions de l’employeur dans les conditions prévues par la loi.

– la désobéissance du salarié est considérée comme légitime quand elle est justifiée par le soucis du salarié de ne pas enfreindre les dispositions légales.

Soc, 15/7/1955 : un salarié peut légitimement refuser de préparer une fausse déclaration fiscale.

– le salarié peut refuser d’exécuter les ordres de son employeur lorsque celui-ci essaye d’exercer son pouvoir de direction dans un domaine réservé du salarié.

Soc, 10/10/1979 : un médecin salarié ne saurait recevoir d’ordres thérapeutiques de son employeur.

– le salarié peut refuser d’exécuter un ordre qui reviendrait à porter atteinte à sa dignité et à sa moralité.

Soc, 19/12/1973 : le refus de se soumettre à une fouille corporelle est justifié.

– une loi de décembre 1982 a reconnu aux salariés « le droit de se retirer lorsque la situation présente un danger grave et imminent ». Le salarié a donc le droit d’abandonner son poste de travail sans avoir demandé l’autorisation préalable de l’employeur, mais la notion de danger grave et imminent est floue.

Ä Le salarié s’engage à une obligation de loyauté qui découle de l’art.1134 al.3 c.civ. et de l’appartenance à l’entreprise. Cette obligation de loyauté peut se décliner de façon variée, notamment sous la forme d’une obligation de non-concurrence vis-à-vis de l’employeur, qui s’impose pendant l’exécution du contrat : – le salarié ne peut pas divulguer d’informations confidentielles (économiques, financières, techniques) sur l’entreprise, à l’extérieur de l’entreprise ou même dans l’entreprise (Soc, 30/6/1982) ;

– le salarié ne doit pas mettre son activité au service d’un concurrent de son employeur (Soc, 5/6/1966), ni exercer pour son propre compte une activité de concurrence vis-à-vis de son employeur.
§2 : Les obligations de l’employeur.

Ä Les obligations liées à la qualité de chef d’entreprise : – vis-à-vis des salariés, l’employeur doit respecter la réglementation du travail, se conformer aux règles en matière d’hygiène et de sécurité,… En règle générale, il doit respecter le cadre légal du travail.

– vis-à-vis des tiers, notamment envers les organismes sociaux, il doit procéder à de nombreuses déclarations et tenir un registre (« le registre unique du personnel ») contenant l’identité de chaque salarié et leurs mouvements (dates d’entrée et de sortie).

Ä Les obligations issues du contrat de travail : – permettre au salarié d’occuper l’emploi pour lequel il a été recruté à la date prévue de l’embauche. L’employeur n’est pas tenu d’assurer la stabilité de l’emploi aux salariés titulaires d’un CDI : il peut les licencier à tout moment, sauf si le contrat contient une clause de garantie d’emploi, par laquelle il s’interdit de licencier le salarié pendant une certaine période.

– fournir au salarié un travail conforme à sa qualification : l’employeur doit faire en sorte que la qualification reconnue au salarié par le contrat corresponde à l’activité du salarié. Soc, 24/10/1960 : le salarié embauché comme aide-caissier et qui exerçait en réalité des fonctions de caissiers comptables, a droit à un rappel de salaire.

– fournir au salarié les moyens lui permettant d’accomplir sa prestation de travail : le matériel, les matières premières, tout instrument de travail, et un local dans lequel le salarié pourra travailler. Ces moyens peuvent être naturellement nécessaires ou contractuellement définis.

Soc, 7/3/1996 : l’employeur qui retire le véhicule de fonction à un salarié, rendant ainsi impossible l’exécution de sa prestation, manque à cette obligation.

La fourniture des moyens de travail est un indice dont le juge tient compte pour qualifier le contrat de travail ; mais pour certaines professions (BTP,…), il est d’usage que les salariés utilisent leur propres moyens de travail.

– verser au salarié la rémunération qui lui est due dans son intégralité, et avec ponctualité. Un retard dans le paiement du salaire peut être une cause de rupture du contrat.

– l’obligation de loyauté (art.1134 c.civ.).

L’employeur ne peut pas réduire unilatéralement le champ des obligations contractuelles, et doit assurer l’adaptation des salariés à l’évolution de leur emploi, notamment dans le cadre de la procédure du licenciement économique (Soc, 25/2/1992 : n’est pas un licenciement économique, le licenciement d’un salarié qui aurait pu être reclassé dans l’entreprise dans un emploi compatible avec ses capacités).

L’employeur ne doit pas porter atteinte à la vie privée du salarié : ces atteintes étaient sanctionnées sur le fondement de la violation de l’obligation de loyauté, mais elles sont désormais protégées par l’art.9 c.civ. (depuis 1970) et par l’art.L121-8 du code du travail (depuis 1992).

L’employeur a l’obligation de respecter la moralité et la dignité du salarié. Soc, 25/11/1982 : il ne peut pas exiger du salarié qu’il révèle les irrégularités dont il a eu connaissance.

L’employeur doit informer les salariés de la mise en place d’un contrôle (Soc, 22/5/1995).

L’usage abusif par l’employeur d’une clause de mobilité a été sanctionné sur le terrain de l’exécution de mauvaise foi du contrat (Soc, 18/5/1999).

Ä Les obligations spécifiques contenues dans le contrat (obligation de fournir un logement, une voiture, telle prime,…) : elles relèvent de la volonté des parties.

Þ L’employeur ne peut pas se soustraire à l’exécution des obligations légales, mais il peut le faire en ce qui concerne lorsque le salarié lui-même n’exécute pas ses obligations, et en cas de force majeure (selon les circonstances, une grève ou un incendie peuvent constituer un cas de force majeure).
Section 2 : Les pouvoirs de l’employeur.
§1 : Le pouvoir de direction.

De façon générale, l’employeur gère l’entreprise au quotidien : il fixe les horaires de travail, le rythme de travail, il affecte les salariés à leurs postes,…

Ce pouvoir de direction est encadré : – il doit être respectueux des règles de non discrimination.

– il doit être respectueux de la vie privée et des libertés individuelles des salariés, ce qui est parfois difficile à mettre en œuvre. Soc, 18/2/1998 : cassation de l’arrêt de la Cour d’appel ayant dit fondé un licenciement prononcé pour refus du salarié de porter une blouse de travail, sans rechercher si la restriction apportée par l’employeur à la liberté individuelle était légitime.
§2 : Le pouvoir réglementaire.

Il a été traité avec le règlement intérieur (cf. page 4).

§3 : Le pouvoir disciplinaire (art.L122-40 du code du travail).

Le pouvoir d’infliger des sanctions au salarié se situe dans le prolongement du pouvoir de direction de l’employeur. La jurisprudence a longtemps considéré que ce pouvoir pouvait être exercé sans contrainte (sauf la réglementation sur le licenciement), ce qui ouvrait la voie à l’arbitraire patronal. Ce pouvoir s’expliquait alors selon un fondement contractuel : il matérialisait les sanctions pour non respect des obligations découlant du contrat de travail, et du règlement intérieur. Seules les sanctions prévues dans le règlement intérieur pouvaient donc être appliquées, et elles échappaient à tout contrôle du juge.

Progressivement, un fondement institutionnel a été ajouté, selon lequel le pouvoir disciplinaire constitue un attribut nécessaire à l’autorité du chef d’entreprise : toute sanction même non prévue dans le règlement intérieur peut être infligée, mais, le pouvoir disciplinaire doit être exercé conformément à l’intérêt social.

Le contrôle du juge était léger : il vérifiait l’existence de la faute, et l’absence de détournement de pouvoir. La loi Aurioux du 4/8/1982 a rationalisé ce pouvoir dans le soucis de mieux protéger les salariés.

A/ La typologie des sanctions disciplinaires.

L’art.L122-40 du code du travail définit les sanctions disciplinaires comme : « toute mesure, autre que les observations verbales […], et de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l’entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération ».

Cette définition est imprécise : le législateur a voulu laisser une liberté dans le choix des sanctions. On distingue : – les sanctions classiques : licenciement, blâme, mise à pied, avertissement, rétrogradation,…

– les sanctions originales : absence de convocation à des réunions, changement d’horaires,…

La liberté de sanction est encadrée : – l’employeur ne peut pas infliger d’autres sanctions que celles figurant dans le règlement intérieur. Toutefois, la mise à pied conservatoire (temporaire) peut toujours être infligée, car on considère qu’elle est inhérente au pouvoir de direction de l’employeur.

– l’art.L122-42 du code du travail (loi de 1978) interdit toute sanction entraînant des effets directement pécuniaires. La retenue sur la salaire est interdite, mais une sanction prenant la forme d’une rétrogradation entraînant une baisse de la rémunération est valable.

– l’employeur ne peut pas sanctionner deux fois un même fait fautif. Toutefois, le salarié peut refuser une sanction entraînant une modification de son contrat de travail, auquel cas l’employeur pourra, sous certaines conditions, lui infliger une nouvelle sanction pour les mêmes faits. De même, un salarié sanctionné pour des arrivées en retard, et qui continue à arriver en retard pourra être à nouveau sanctionné, car il s’agit de nouveaux faits fautifs appréciés à la lumière des autres faits fautifs.

– la sanction doit être proportionnée à l’acte commis.

– la sanction choisie par l’employeur ne doit pas être discriminatoire (art.L122-45 du code du travail). Toutefois, des salariés qui ont commis les mêmes faits fautifs aux mêmes moments, peuvent être soumis à des sanctions différentes s’ils ne se trouvent pas dans le même contexte (différence de qualification,…).

– l’art.L122-44 du code du travail prévoit qu’aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de 2 mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance (ex : Soc, 30/4/1997). Le point de départ du délai est difficile à trouver en cas de faits continus (retard tous les jours), et la preuve de la connaissance des faits est dure.

B/ La notion de faute.

Selon l’art.L122-40 du code du travail, les sanctions peuvent être prises par l’employeur à la suite d’un agissement considéré par lui comme fautif. La notion de faute disciplinaire n’est pas défini par la loi : cette qualification appartient donc à l’employeur, et n’est soumise à aucun contrôle judiciaire a priori. Toute sanction prise par l’employeur en raison d’un fait qu’il considère comme fautif sera une sanction disciplinaire, et, à ce titre, devra respecter la procédure disciplinaire.

La jurisprudence et la doctrine définissent la faute comme une violation injustifiée des obligations professionnelles du salarié : – les faits relevant de la vie privée du salarié en sont exclus (Soc, 16/12/1997 : illicéité de la sanction infligée à un salarié logé par l’employeur, qui dérange les autres locataires la nuit).

– la violation de l’obligation ne sera pas fautive, si l’obligation est illicite (refus d’une fouille corporelle,…), ou si la violation est justifiée par l’exercice d’un droit (droit d’expression, droit syndical, droit de grève, refus légitime d’exécuter une prestation illégale,…).

– des faits fautifs peuvent perdre leur caractère de faute (art.L122-44 du code du travail) au-delà d’un délai de 2 mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance.

C/ La procédure disciplinaire.

Avant une loi de 1973, il n’existait aucune garantie procédurale. La législation actuelle (loi de 1982) prévoit que toutes les entreprises, quelle que soit leur taille et la sanction envisagée, doivent se soumettre à l’une des deux procédures fixée à l’art.L122-41 du code du travail.

· Sanctions mineures (avertissement, blâme,… : pas d’incidence directe sur la présence du salarié dans l’entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération) : il suffit pour l’employeur de procéder à une information écrite a posteriori, indiquant la sanction infligée et les griefs qui justifient cette sanction.

· Les autres sanctions : elles affectent directement la présence du salarié dans l’entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération (licenciement, rétrogradation, mise à pied,…). La procédure est beaucoup plus lourde : – la lettre de convocation à un entretien préalable doit être remise au salarié en main propre avec décharge ou être envoyée sous pli recommandé. Elle doit préciser l’objet de la convocation (sanction éventuelle), la faculté d’assistance par un salarié de l’entreprise ou par un salarié extérieur à l’entreprise (liste auprès des mairies ou de l’inspection du travail), la date et le lieu de l’entretien.

– l’entretien se déroule selon une procédure contradictoire. L’employeur a l’obligation de recueillir les explications du salarié, de préciser et d’expliquer les griefs qu’il lui reproche. Si le salarié ne vient pas à l’entretien, on estime que l’employeur a respecté la procédure : il peut passer à l’étape suivante.

– si l’employeur persiste, il doit notifier la sanction au salarié au plus tôt un jour franc après le déroulement de l’entretien, et au plus tard, un mois après. La lettre doit être motivée et précise.

Ce délai maximum de 1 mois est la seule différence avec la procédure de licenciement non disciplinaire.

L’employeur garde toujours la possibilité d’une mise à pied conservatoire du salarié quand ses agissements rendent indispensables la suspension de son contrat.

D/ Le contrôle judiciaire du pouvoir disciplinaire.

Le contrôle du juge porte : – sur la régularité de la procédure.

– sur l’existence de la faute : il contrôle la matérialité des faits ; la qualification retenue par l’employeur ; la conformité de la sanction par rapport au règlement intérieur ; et il vérifie que les faits ne sont pas antérieurs de plus de 2 mois à la sanction.

– sur la proportionnalité de la sanction infligée. Il pourra tenir compte de l’ancienneté du salarié dans l’entreprise, de l’absence antérieure de faute,…

Soc, 22/2/1979 : la mise à pied de 8 jours infligée à une mère de famille arrivée avec une heure de retard au motif qu’elle avait accompagnée son fils chez le médecin, est une sanction disproportionnée.

Þ Le juge peut annuler toute sanction disciplinaire qu’il considérerait comme irrégulière, injustifiée ou disproportionnée, sauf un licenciement. Cette annulation pose deux problèmes : en cas de mise à pied ou de rétrogradation, si le poste a été repourvu, l’annulation doit-elle entraîner une proposition de poste équivalent ? ; le juge ne peut prendre une sanction à la place de celle qu’il a annulé : l’employeur devra lui-même infliger une nouvelle sanction (sauf annulation pour absence de faute).

Le juge peut aussi attribuer des dommages-intérêts, notamment si l’employeur n’a pas suivie la procédure.
Section 3 : Les droits du salarié : le droit d’expression.

Le droit d’expression est un droit du salarié parmi d’autres : le droit de grève,…

Il est issu de la loi du 4/8/1982 et a été modifié par la loi du 3/1/1986. Il est prévu par l’art.L461-1 du code du travail, qui reconnaît au salarié le bénéfice d’un droit d’expression directe et collective sur le contenu, les conditions d’exercice et l’organisation du travail. Ce droit vise à définir les actions permettant d’améliorer les conditions de travail, l’organisation de l’activité, et la qualité de la production.

Mais, ce droit a inquiété les patrons et les syndicats (peur que leur rôle d’intermédiaire privilégié entre les salariés et l’employeur soit court-circuité), et n’a donc pas été une grande réussite dans la pratique.
§1 : Le champ d’application du droit d’expression.

Le droit d’expression peut se manifester dans tous les domaines où le salarié est susceptible de procéder à une analyse des aspects de son travail. Concrètement, on range dans ce droit, les questions concernant les conceptions de l’équipement, des horaires collectifs, la sécurité, l’hygiène ou encore tout ce qui concerne les méthodes et travail, toujours dans le but d’essayer d’améliorer la vie dans l’entreprise.

Certains points sont exclus du droit d’expression : tout ce qui concerne le contrat de travail, les rémunérations ou encore les classifications (relève du champ conventionnel et du champ contractuel), ainsi que la détermination des objectifs généraux de l’entreprise (domaine réservé de l’employeur).
§2 : Les modes d’exercice du droit d’expression.

Ä La forme de l’expression : l’expression peut être formelle ou informelle, écrite ou verbale, directe ou indirecte (elle est directe lorsqu’elle s’exprime dans une démarche personnelle du salarié sans intermédiaire de la hiérarchie ou de représentants du personnel), individuelle ou collective (collective quand elle est exercée par le biais des cercles de qualité).

Les groupes d’expression : – dans les entreprises ayant au moins un délégué syndical, l’art.L461-3 du code du travail oblige l’employeur et les syndicats a engager une négociation concernant la mise en place de tels groupes, mais il n’y a pas d’obligation de résultat. Si un accord est conclu, il portera notamment sur l’organisation des réunions, les garanties de la liberté d’expression, ou le processus de transmission des vœux à l’employeur. Si aucun accord n’est conclu, l’employeur arrêtera les modalité du droit d’expression.

– dans les entreprises ne comprenant aucun représentant syndical, l’art.L461-4 du code du travail dispose que tout employeur doit obligatoirement consulter le Comité d’entreprise ou les délégués du personnel sur les modalités d’exercice de ce droit.

Ä L’exercice du droit d’expression : le législateur a entouré l’exercice de ce droit de certaines garanties, afin de le rendre effectif.

Les réunions d’expression doivent se tenir sur les lieux et pendant le temps de travail.

Les réunions d’expression doivent être rémunérées comme du temps de travail.

L’exercice du droit d’expression s’affranchit de l’obligation de respecter la hiérarchie, sauf abus de droit. CA Nancy, 15/1/1985 : un salarié qui met directement en cause son supérieur hiérarchique à travers des mensonges proférés dans l’intention de nuire commet un abus de droit.

Le droit d’expression s’exerce aussi hors de l’entreprise : cette liberté d’expression est reconnue à chaque citoyen, ce qui permet à tout salarié de s’exprimer librement en dehors de l’entreprise, sauf abus.

Soc, 28/4/1988 affaire Clavaud : un salarié qui a décrit dans le cadre d’un entretien dans un journal, les conditions de travail de l’entreprise, n’avait fait qu’exercer son droit de libre expression.

Soc, 4/2/1997 : les salariés qui ont participé activement à une campagne de dénigrement dans la presse contre leur employeur, ce qui avait entraîné la fermeture administrative de l’établissement, ont abusé de leur liberté d’expression.

Chapitre 2 : Les évènements affectant l’exécution du contrat de travail.

Le contrat de travail a vocation à durer : le salarié cherche une stabilité matérielle et psychologique ; l’employeur veut profiter de l’expérience du salarié (gain en coût de fabrication). Le droit du travail déroge donc du droit commun des contrats sur certains points, afin de favoriser la pérennité du contrat.
Section 1 : Les modifications du contrat de travail.

L’art.1134 c.civ. (les conventions légalement formées tiennent lieu de loi entre les parties) empêche normalement tout modification unilatérale d’un contrat. Mais, en droit du travail, si un CDD ne peut pas être modifié unilatéralement, l’employeur pourra modifier unilatéralement certaines dispositions des CDI.

· La Cour de cassation utilisait la notion de « modification substantielle » du contrat, par opposition aux « modifications non substantielles ». La détermination du caractère substantiel reposait sur une appréciation du juge, qui pouvait regarder l’intention des parties (elles ont pu indiquer que telle clause a été déterminante du consentement, auquel cas l’employeur ne peut pas la modifier unilatéralement), se détacher du contenu contractuel, et estimer que, intrinsèquement, telle clause est importante dans le contrat de travail (conception institutionnelle), ou se référer à l’intérêt de l’entreprise (si l’employeur n’avait pas d’intérêt particulier à imposer la modification, elle ne sera pas substantielle).

Þ C’était donc l’importance de la modification qui était prise en compte : le juge appréciait les conséquences pratiques de la modification sur la vie du salarié au sein de l’entreprise.

· Depuis deux décisions des 24 et 25/6/1992, la Cour de cassation distingue les « modifications du contrat de travail » et les « modifications des conditions de travail ». Pour une première école doctrinale, il ne s’agit que d’un bouleversement terminologique sans incidence sur le fond, mais une autre école considère que l’appréciation de la notion a changé.
§1 : Les modifications stricto sensu du contrat de travail (ex-modifications substantielles).

A/ La notion de modification du contrat de travail.

La notion de modification du contrat de travail reposerait sur l’objet de la modification : l’employeur ne peut pas modifier unilatéralement une clause dès lors qu’elle figure dans le contrat de travail, peu importe que la clause en question soit importante ou non, et que la modification envisagée soit importante ou non. La notion de modification du contrat de travail s’apprécie donc in concreto, car outre le socle du contrat (éléments toujours contractualisés), elle comprend aussi les éléments contractualisés par les parties.

Les éléments toujours contractualisés : – la rémunération. Pour Soc, 28/1/1998, l’employeur ne peut pas modifier unilatéralement le régime de rémunération, même si le nouveau mode est plus avantageux.

Soc, 19/5/1998 : le montant de la rémunération constitue aussi un élément du contrat de travail, qui ne peut être modifié sans l’accord du salarié, même si cette rémunération était plus élevée.

Cette affirmation ne vaut que pour la rémunération prévue pour le contrat : une modification de la rémunération résultant de la loi (SMIC), d’accords collectifs ou des usages peut être imposée aux salariés. La loi Aubry2 du 19/1/2000 prévoit ainsi qu’un salarié qui s’oppose à la baisse de sa rémunération provoquée par l’abaissement du temps du travail, pourra être licencié.

– l’aménagement du temps de travail : il existe une ambiguïté.

Soc, 20/10/1998 : la durée du travail mentionnée au contrat, constitue en principe un élément du contrat. Il y aura donc modification du contrat si l’employeur veut transformer le travail de jour en travail de nuit, ou s’il veut réduire l’horaire de travail (Soc, 17/12/1992).

Toutefois, la Cour de cassation admet qu’un salarié puisse refuser d’augmenter son temps de travail (de 39H à 42H), ainsi que de passer d’un travail à temps plein à un travail à temps partiel.

– le lieu de travail : en général, il ne peut être modifié par l’employeur. Toutefois, il n’y a modification que si le nouveau lieu de travail est situé dans un secteur géographique différent (mutation de Lyon à Paris, mais pas de Malakoff à Courbevoie). De même, la présence d’une clause de mobilité dans le contrat fait obstacle à la notion de modification du contrat.

– l’activité du salarié (la prestation fournie) : elle ne peut pas être modifiée sans l’accord du salarié, sauf si la nouvelle activité reste dans son champs de compétence.

Þ Cette nouvelle jurisprudence permet de tout contractualiser, auquel cas toute modification suppose l’accord du salarié. Inversement, l’employeur peut toujours prévoir une clause lui permettant de modifier unilatéralement le contrat. Plus le contrat sera clair, plus le risque de litige sera faible.

B/ Les conséquences des modifications du contrat de travail.

La modification du contrat de travail : – nécessité un accord préalable et indispensable du salarié.

– elle doit être conforme à l’intérêt légitime de l’entreprise.

· Si le salarié refuse la modification voulue par l’employeur : ce refus est un droit du salarié, et ne peut donc pas constituer en lui-même un comportement fautif. Le salarié peut donc exiger l’exécution du contrat aux conditions initiales, et continuer de travailler comme si de rien n’était, car, la seule poursuite du travail par le salarié ne vaut pas acceptation de la modification (Soc, 29/11/1997).

L’employeur peut alors : – revenir en arrière : il revient sur sa décision, et retour au statu quo contractuel.

– tirer les conséquences du refus, et licencier le salarié. Selon les causes, ce sera un licenciement pour motif personnel, ou pour motif économique. Ce licenciement n’est pas systématiquement injustifié : le juge devra rechercher si le licenciement a une cause réelle et sérieuse.

Un licenciement consécutif au refus d’une sanction disciplinaire sera justifié s’il est proportionné à la faute. Avant cette jurisprudence Hôtel du Berry, le juge appréciait le licenciement non pas en fonction de la faute initiale, mais en fonction du caractère justifié de la première sanction.

La lettre de licenciement doit comprendre la cause du licenciement, à savoir le refus de la modification, et en cas de licenciement économique, les raisons économiques justifiant la modification du contrat.

· Le salarié peut accepter la modification du contrat voulue par l’employeur, mais cette acceptation doit être explicite : elle ne se présume pas par la seule poursuite des relations contractuelles, même si l’activité est poursuivie aux nouvelles conditions. L’employeur et le salarié doivent signer un avenant au contrat.

Il existe une hypothèse d’acceptation tacite : lorsque la modification du contrat a une origine économique, l’art.L312-1-2 du code du travail prévoit que l’employeur doit informer de la modification chaque salarié par lettre recommandé, et que le salarié dispose alors d’un délai d’un mois à compter de ka réception de cette lettre pour faire connaître son refus. A défaut de réponse dans ce délai, le salarié est réputé avoir accepté la modification proposée. Il s’agit de la seule hypothèse d’acception implicite.
§2 : Les modifications des conditions de travail (ex-modifications non substantielles).

La jurisprudence considère que, dans l’exercice de son pouvoir de direction, l’employeur peut imposer au salarié des modifications imposées par les nécessités d’adaptation du statut du salarié dans l’entreprise.

La notion de modification des conditions de travail devrait de définit comme tout ce qui n’est pas une modification du contrat. En fait, certains éléments qui, par nature, ont valeur accessoire, pourront avoir une valeur essentielle dans certains cas. Ce domaine relève donc de l’appréciation souveraine des juges du fond : le changement de lieu décidé en application d’une clause de mobilité correspond à un simple changement des conditions de travail (Soc, 10/1/1997) ; les heures supplémentaires imposées par l’employeur dans les limites du contingent annuel constituent de simple changements de conditions de travail (Soc, 9/3/1999) ; une tache différente donnée à un salarié lorsqu’elle correspond à sa qualification est aussi un simple changement des conditions de travail (Soc, 10/5/1999).

Un salarié qui refuse une modification des conditions de travail commet un manquement aux obligations contractuelles (Soc, 25/6/1992) que l’employeur est libre de sanctionner ou non. Un éventuel licenciement sera alors un licenciement disciplinaire et nécessitera de respecter la procédure disciplinaire. Le juge retient souvent un licenciement pour faute grave, mais dans certaines circonstances, il peut atténuer la qualification, voire même exonérer le salarié de toute faute (Soc, 3/4/1997 : absence de faute dans le refus d’une modification des conditions de travail émanant d’un salarié qui a 30 ans d’ancienneté dans l’entreprise, et alors que la modification impliquait de suivre une nouvelle formation d’un an).

Le salarié peut aussi tirer les conséquences de son refus et démissionner : sa démission devra être explicite, mais il a pu être jugé que la démission résultait du comportement du salarié qui refusait de reprendre son travail malgré les multiples lettres de son employeur (Soc, 24/11/1992).

Section 2 : Le changement dans la personne de l’employeur (transfert d’entreprise).

Le transfert d’entreprise est régi par une loi de 1928, codifiée à l’art.L122-12 al.2 du code du travail : « s’il survient une modification dans la situation juridique de l’employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l’entreprise ».

Auparavant, on faisait application de l’art.1165 c.civ. sur l’effet relatif des contrats, ce qui rendait les contrats conclu par l’entrepreneur initial, inopposables au nouvel employeur. Cet article se situe donc en dérogation par rapport à ce principe, car le nouvel entrepreneur doit respecter le contrat conclu par l’autre. Cet article vise à assurer la stabilité de l’emploi et à faire en sorte que les emplois subsistent malgré le changement d’employeur. Son objectif concret est de déterminer lequel des employeurs va supporter la charge du licenciement, sachant qu’il devra tenir compte de l’ancienneté totale du salarié.
§1 : Le domaine d’application de l’art.L122-12 du code du travail.

Par l’arrêt Goupy (1934), la Cour de cassation a retenu une interprétation extensive de l’art.L122-12, en considérant que les contrats de travail sont transférés au nouvel employeur dès lors que l’activité a continué dans des conditions similaires, même si aucun lien de droit n’unit les employeurs successifs.

Cette interprétation extensive va connaître un coup d’arrêt : Soc, 15/11/1985 consacre le principe de l’inapplicabilité de l’art. L122-12 du code du travail à la simple perte d’un marché ; Soc, 12/6/1986 exige un lien de droit entre les employeurs successifs.

AP, 16/3/1990 effectue un nouveau revirement de jurisprudence, sous l’influence de la jurisprudence communautaire et de la directive 77-187 du 14/2/1977 : l’art.L122-12 s’applique à tout transfert d’une entité économique conservant son identité et dont l’activité est reprise ou poursuivie.

A/ La notion de transfert d’une entité économique.

· Entité économique : pour la jurisprudence, il y a entité économique lorsqu’on est en présence d’un service distinct disposant de moyens propres d’exploitation, organisé en ressources humaine et matérielle. Il peut donc y avoir plusieurs entités économiques au sein d’une même entreprise, et elles peuvent se caractériser de beaucoup de façons différentes (par des éléments corporels : terrains, bâtiments, stocks ; ou incorporels : une partie de la clientèle peut constituer une entité économique). Le juge recherche s’il existe des moyens identifiables et autonomes permettant de poursuivre une des activités économiques de l’entreprise : la cession d’un des établissements d’une société ou le transfert d’une branche d’activité de cette société entraîneront le transfert des contrats de travail des personnes affectées à cet établissement ou branche d’activité. A l’inverse, pour la jurisprudence actuelle, en cas de changement de prestataire de service, la perte d’un marché ne suffit pas à entraîner le transfert d’un contrat de travail.

· Le transfert : en pratique, le lien de droit sera un lien contractuel entre les employeurs successifs, mais il n’y en aura pas entre deux prestataires successifs. Toutefois, aujourd’hui, ce lien de droit est indifférent : l’art.L122-12 du code du travail peut théoriquement s’appliquer entre prestataires successifs, entre concessionnaires successifs, ou entre adjudicataires successifs.

Les exemples cités dans l’article présentent tous un lien de droit, ce qui pourrait signifier que le législateur exigeait un tel lien : – une interprétation stricte de l’adverbe « notamment » amène à considérer que le juge peut élargir cette liste d’exemple, mais uniquement en respectant l’exigence d’un lien de droit.

– une interprétation large de l’adverbe « notamment » amène à laisser au juge une liberté totale pour déterminer les autres cas d’application de l’art.L122-12 du code du travail.

Aujourd’hui, l’interprétation large domine puisque le lien de droit est indifférent.

B/ La continuité de l’activité de l’entité.

L’art.L122-12 du code du travail ne s’applique que si le nouvel employeur continue la même activité que son prédécesseur ou développe des activités similaires ou connexes.

Le juge caractérise l’identité de l’activité à partir de faisceaux d’indices (même moyen, même clientèle, même prestation,…) : il y a une présomption d’identité de l’activité si elle se poursuit dans les mêmes locaux (Soc, 27/6/1990), mais il n’y a pas de continuité en cas de cession d’une clinique gérée en SA à un centre hospitalier (Soc, 7/2/1980), ou si l’activité est exercée dans des conditions différentes.

Cette exigence de continuité de l’activité ne fait pas obstacle à l’application de l’art.L122-12 du code du travail en cas d’interruption momentanée de l’activité (Soc, 8/7/1992) due par exemple, à la nécessité d’effectuer des travaux de réhabilitation des locaux ou d’accomplir des démarches administratives.
§2 : Les effets consécutifs à l’application de l’art.L122-12 du code du travail.

L’art.L122-12 du code du travail est une disposition d’ordre public, qui ne peut pas être contournée par les parties : il s’impose à l’ancien employeur, au nouvel employeur et aux salariés.

Le licenciement par l’employeur initial d’un salarié sûr de se faire réembaucher par l’employeur suivant sera déclaré nul (Soc, 6/11/1996). Inversement, en principe, le premier employeur ne peut pas licencier le salarié dans le but que le nouvel employeur n’ai pas à supporter le contrat.

A/ Le maintien du contrat de travail en cours.

Ä Le premier employeur ne doit pas licencier un salarié s’il sait que l’activité sera poursuivie après le transfert : la jurisprudence admet toutefois les licenciements nécessaires à la réorganisation de l’entreprise avant le transfert, s’il n’y a pas de collusion frauduleuse entre les employeurs (Soc, 2/5/1989).

Le premier employeur doit aussi régler ses dettes à l’égard des salariés.

Ä Le second employeur est tenu de respecter les contrats en cours au jour de la modification, quel que soit le type de contrat (CDD, contrat d’apprentissage,…), et même si le contrat est suspendu.

Ce maintien du contrat est automatique, sans qu’il soit besoin de faire un avenant. Le contrat continue aux mêmes conditions que le contrat conclu avec l’employeur initial : les droits (qualification, ancienneté, rémunération,…) et obligations (clause de non concurrence,…) contenus dans le contrat initial subsistent.

· Le nouvel employeur devient responsable du paiement des créances salariales restant dues (seulement ce qui est contrepartie du travail : rien de ce qui est indemnitaire) par le premier employeur. Toutefois, les salariés ne pourront lui réclamer le paiement de ces sommes que s’il existe un lien de droit entre les employeurs successifs. Le second employeur est alors subrogé dans les droits du salarié, et peut réclamer le paiement au premier employeur.

· Le nouvel employeur peut imposer des changements de condition de travail, car il conserve le droit d’organiser ses services (Soc, 8/3/1995). Le régime des modifications suit le régime normal.

Les modifications qui remettraient en cause l’idée même de poursuite du contrat sont interdites : l’employeur ne peut pas imposer une nouvelle période d’essai, ni modifier la clause de mobilité.

Ä Le salarié qui refuse le transfert de son contrat de travail est considéré comme démissionnaire, et cette démission ne peut pas être requalifiée en licenciement (le refus n’est pas imputable à l’employeur).

Lorsque les salariés s’étaient vu conférer des droits par une convention collective applicable au premier employeur : – si aucune convention collective n’est applicable dans la nouvelle entreprise, l’art.L132-8 du code du travail considère que les salariés transférés pourront invoquer les droits issus des accords applicables dans l’entreprise cédante pendant un an, plus un délai de 3 mois correspondant au préavis de dénonciation. Si au delà de ce délai de 15 mois, aucun accord collectif n’a été conclu dans la nouvelle entreprise, les salariés conservent les bénéfices des avantages acquis.

– si une convention collective est applicable dans l’entreprise cessionnaire, la jurisprudence considère que les salariés transférés sont provisoirement soumis à l’ancienne convention collective, et non pas à celle de la nouvelle entreprise (Soc, 26/6/1985). L’employeur est alors invité à négocier et à trouver un accord qui s’applique à l’ensemble des travailleurs : tant que cet accord n’a pas été conclu, les salariés restent sous le régime de l’ancienne convention.

La même règle s’applique aux accords d’entreprise.

Le nouvel employeur est tenu par les usages d’entreprise de l’ancien employeur, jusqu’à la dénonciation individuelle dans un délai raisonnable, qui est généralement de 3 mois.

B/ Le licenciement du salarié transféré.

L’art.L122-4 du code du travail prévoit qu’un CDI peut être rompu à l’initiative d’une des parties contractantes. Le nouvel employeur peut donc licencier tout salarié qui ne lui conviendrait pas, ou qui a refusé une modification du contrat jugée indispensable par l’employeur.

L’employeur peut aussi sanctionner disciplinairement un salarié pour une faute qu’il aurait commise avant le transfert de l’entreprise (dans la limite des deux mois d’ancienneté des faits reprochés à partir du moment où l’employeur en a eu connaissance).

En tous les cas, les juge du fond apprécieront si le licenciement a une cause réelle et sérieuse.

Au plan pécuniaire, les indemnités versées au salarié tiendront compte de l’ancienneté accumulée auprès du premier employeur. Au plan non pécuniaire, l’employeur devra délivrer un certificat de travail unique, car techniquement, le salarié n’aura eu qu’un seul employeur .

Section 3 : La suspension du contrat de travail.
§1 : Les cas de suspension propres au salarié.

A/ Les cas de suspension résultant d’une attitude volontaire (les congés).

· Les congés pour convenance personnelle ne sont pas rémunérés, et nécessitent l’accord de l’employeur. Les congés sabbatiques : ils peuvent durer de 6 à 11 mois.

Les congés pour création d’entreprise : ils durent 1 ou 2 ans.

Les congés de solidarité internationale : pour participer à une mission humanitaire hors France (6 mois).

· Les congés de formation et d’enseignement : congés individuels de formation, congé de bilan des compétences, congé de formation des élus locaux (prévu par le code des communes),….

· Les congés consécutifs à des évènements d’ordre familial : congé de naissance, congé parental d’éducation, congé pour mariage, congé pour décès, congé en raison de la maladie d’un enfant,…

La protection des femmes enceintes : – l’art.L122-25 du code du travail interdit à l’employeur de tenir compte l’état de grossesse d’une femme pour refuser de l’embaucher ;

– l’art.L122-32 du code du travail permet aux femmes enceintes ou qui ont accouché dans les deux mois précédents, de quitter leur emploi sans respecter le préavis. A la fin du congé de maternité, elles bénéficient d’une priorité de réembauchage dans leur emploi précédent, et si l’employeur a pourvu ce poste, il est tenu de leur fournir un emploi équivalent (Soc, 22/5/1997).

– l’art.L122-26 du code du travail permet à la femme enceinte de suspendre son contrat de la 6ème semaine précédant la date présumée d’accouchement, à la 10ème semaine après l’accouchement. Cette durée est rallongée (jusqu’à 46 semaines) en cas de naissances multiples, s’il s’agit au moins du troisième enfant, ou si l’état pathologique de la salariée nécessite un congé plus long. Ces congés sont d’ordre public, et la suspension durera au moins 8 semaines dont 6 après l’accouchement (art.L224-1 du code du travail). Pendant cette période, la salariée touche une revenu de remplacement, versé par la Caisse d’Assurance Maladie, qui ne peut pas être inférieur au revenu net qui était perçu.

Avant la période de suspension du contrat, l’employeur pourra accepter un aménagement du contrat.

– l’art.L122-25-2 du code du travail interdit tout licenciement d’une salariée pendant sa grossesse et pendant la période de suspension du contrat. A défaut, le licenciement est nul, mais aucune réintégration n’est possible : l’employeur est tenu de verser au minimum le montant du salaire qui aurait été dû pendant la période couverte par la nullité (art.L122-30 du code du travail). Toutefois, la rupture du contrat est possible durant la période d’essai, ainsi que pour faute grave non liée à l’état de grossesse (Crim, 8/1/1991 : détournement de fonds,…) ou pour motif économique. Un licenciement intervenu pendant le congé maternité ne prend toutefois effet qu’à la fin de ce congé.

B/ Les cas de suspension résultant d’une attitude involontaire.

1) Les maladies professionnelles et accidents du travail.

· Un accident du travail (art.L411-1 du code de la sécurité sociale) est un accident soudain, survenu par le fait ou à l’occasion du travail, à toute personne salariée ou travaillant à quelque titre que ce soit et en quelque lieu pour un ou plusieurs employeurs. En droit du travail, les accidents de trajet en sont exclus.

La suspension du contrat n’est pas limitée dans le temps : elle sera même étendue à une éventuelle phase de réadaptation ou de rééducation. Elle n’a pas pour effet de décaler le terme normal d’un CDD.

Pendant la période de suspension du contrat, le salarié ne peut pas être licencié (art.L122-32-2 du code du travail) sauf faute grave ou motif économique (ex : Soc, 17/1/1996).

· Une maladie professionnelle est le résultat d’un processus à évolution lente: elle est causée par le travail habituel de la victime et entraîne son décès ou son incapacité permanente (art.L461-1 al.3 du code de la sécurité sociale). Un décret dresse une liste des maladies professionnelles.

A la fin de la période de suspension, le salarié ne sera réintégré qu’après avoir passé une visite médicale à l’inspection du travail, qui rend un avis d’aptitude ou d’inaptitude totale ou partielle. L’employeur peut demander une nouvelle visite s’il justifie du caractère aléatoire de la première décision.

En cas d’avis d’aptitude, le salarié doit être réintégré dans le même emploi ou dans un emploi similaire.

En cas d’avis d’inaptitude (appréciée au regard de l’état de santé du salarié et du poste occupé) l’employeur a une obligation positive de reclassement : il doit tout mettre en œuvre pour trouver un emploi adapté au salarié, et s’il ne parvient pas à lui proposer un poste ou que le salarié refuse le poste proposé, le salarié devra être licencié (ou démissionnera) et aura droit à une indemnité de rupture à hauteur du double de celle légalement prévue pour le salarié de droit commun.

2) Les maladies non professionnelles.

· Les maladies non professionnelles sont des troubles physiques ou psychiques, ou une lésion de l’organisme qui empêchent le salarié d’exercer son travail. L’IVG suit le régime de la maladie.

Le salarié malade doit informer l’employeur des motifs de son absence (= de sa maladie) dans un délai fixé par la convention collective (souvent 2 jours, parfois 3), et lui faire parvenir dans un délai raisonnable un certificat médical fourni par n’importe quel médecin. L’omission de cette procédure d’information peut justifier un licenciement pour cause réelle et sérieuse, mais ne peut pas valoir démission.

· Le code du travail ne définit pas la situation du salarié malade, mais selon une jurisprudence ancienne et constante (Ccass, 7/2/1934), la maladie est une cause de suspension du contrat et non pas de rupture. Soc, 9/1/1997 : une absence prolongée pour maladie n’est pas une cause réelle et sérieuse de licenciement. Toutefois, le salarié peut être licencié : – pour une cause autre que la maladie (Soc, 12/11/1975 : faute).

– en raison des conséquences de sa maladie sur le fonctionnement de l’entreprise. Dans une petite entreprise, l’absence fréquente d’un salarié peut obliger à le remplacer.

· Pendant la période de maladie, le salarié est dispensé d’exécuter sa prestation de travail, mais certaines obligations secondaires demeurent, notamment l’obligation de loyauté : le salarié n’a pas le droit d’exercer un autre emploi, ni de partir en vacances (Ccass, 16/6/1998 : le licenciement est justifié car le droit de la sécurité sociale impose au salarié de rester chez lui un certain nombre d’heures par jour : cette solution est critiquable en ce qu’un litige du droit du travail a été tranché par une règle du droit de la sécurité sociale, alors qu’on aurait pu considérer qu’il y avait violation de l’obligation de loyauté).

La Cour de cassation estime que le salarié peut refuser d’être sollicité à son domicile par l’employeur, mais elle pourrait moduler cette analyse vers une obligation de coopération du salarié.

· Sur le plan de la rémunération, un accord interprofessionnel du 10/12/1977 prévoit le maintien en tout ou partie du salaire dès lors que le salarié a au moins 3 ans d’ancienneté, qu’il justifie de sa maladie dans les 48H, et qu’il est pris en charge par la Sécurité sociale.

Après un délai de carence de 10 jours (qui peut être réduit voire supprimer par un accord d’entreprise), le salarié reçoit 90% de sa rémunération pendant 30 jours, puis 2/3 des 90% pendant les 30 jours suivants,… En principe l’indemnisation ne peut pas excéder 90 jours, mais le contrat de travail et l’accord collectif peuvent prévoir des dispositions plus favorables. Cette rémunération vient en complément des indemnités de Sécurité sociale.

· Lorsque le salarié revient dans l’entreprise au terme de la maladie, il doit retrouver son emploi ou un emploi similaire assorti d’une rémunération équivalente (Soc, 25/2/1997).

La visite médicale n’est obligatoire que si l’arrêt dure plus de 21 jours : la médecine du travail rend un avis motivé qui entraîne une obligation de reclassement positive de l’employeur.

En cas d’inaptitude totale, si le salarié ne démissionne pas, l’employeur doit le licencier, mais s’il n’a rien fait au delà d’un mois à compter de l’avis, il est tenu de verser le salaire dû (loi du 31/12/1992).
§2 : Les cas de suspension extérieurs au salarié.

A/ La suspension du fait de l’employeur.

La suspension du contrat de travail fait de l’employeur peut résulter de différentes circonstances, notamment : – du détachement du salarié : l’employeur le met à la disposition d’une autre entreprise, auquel cas, le contrat de travail est suspendu pendant le détachement, car l’employeur d’origine n’assure plus directement la fourniture du travail.

– de la fermeture hebdomadaire de l’entreprise, des congés payés,…

– de raisons économiques ou techniques : l’employeur ferme temporairement l’entreprise, car il n’a pas assez de commande. Le chômage technique n’entraîne pas la rupture du contrat de travail, mais la suspension permet à l’employeur de ne pas verser le salaire (un système d’aides publiques existe).

B/ Les cas de force majeure.

La force majeure est un événement imprévisible et irrésistible (cyclone, incarcération du salarié, refus de renouvellement de la carte de travail, destruction accidentelle de l’outil de travail,…).

La force majeure est, le plus souvent, une cause de rupture du contrat mais non imputable à l’employeur. Cependant, elle n’est pas automatique, et tant que le contrat n’est pas formellement rompu, il est suspendu et relève donc du régime de suspension du contrat de travail.

§3 : Les effets de la suspension du contrat de travail.

La suspension ne concerne que certaines obligations découlant du contrat de travail : il est en veille.

Les obligations principales du contrat de travail sont suspendues : l’employeur est dispensé de fournir un travail et une rémunération, et le salarié est dispensé de l’exécution de sa prestation.

A/ Le maintien des obligations contractuelles entre les parties.

Le salarié est dispensé de fournir sa prestation de travail : ce comportement n’est pas fautif et ne peut donc pas justifier à lui seul une cause réelle et sérieuse de licenciement. Le salarié peut toutefois être licencié pour un autre motif.

Les obligations secondaires demeurent applicables qu’elles soient expressément mentionnées dans le contrat, ou implicites : obligation de non-concurrence, obligation de discrétion, obligation de loyauté,…

B/ Le maintien des liens institutionnels entre le salarié et l’entreprise.

La suspension du contrat n’empêche pas le salarié de figurer parmi les effectifs de l’entreprise, s’il continue à percevoir sa rémunération. Mais en cas de congé non rémunéré (congé sabbatique,…), il ne fait plus partie des effectifs de l’entreprise, alors même que le contrat n’est pas rompu.

S’il fait partie des effectifs de l’entreprise, il pourra participer aux élections des représentants du personnel en qualité d’électeur (Soc, 8/4/1992) ou de candidat (Soc, 1/12/1993), mais il n’aurait pas le droit d’être désigné comme délégué syndical : l’art.L412-14 al.2 du code du travail dispose qu’il faut travailler dans l’entreprise depuis au moins un an, ce qui s’entendrait d’une durée de travail effective. Cette question ne s’est jamais posée devant la jurisprudence.

La suspension du contrat réduit l’étendue du pouvoir disciplinaire de l’employeur, car le salarié se place dans une grande mesure hors du lien de subordination : seules les obligations dont l’exécution n’est pas suspendue peuvent faire l’objet d’une sanction disciplinaire.

Ainsi, l’employeur peut sanctionner pendant la période de suspension, les fautes commises avant cette période, dans la limite du délai de prescription de 2 mois (Soc, 17/1/1996). De même, si le contrat de travail est suspendu à la suite de l’usage du droit de grève, le pouvoir disciplinaire est normalement paralysé, sauf faute lourde commise par le salarié (Soc, 16/12/1992).

La suspension n’a en principe aucun effet sur le calcul de l’ancienneté du salarié, qui est considéré comme ayant travaillé pendant cette période : il aura droit à tous les avantages légaux et conventionnels liés à l’ancienneté. Une suspension du contrat inférieure à 1 mois n’aura aucune effet sur l’acquisition des jours de congés, mais en cas de suspension supérieure à 1 mois, le salarié n’acquerra pas les jours de congés correspondant à cette période.