Elle a lieu en plusieurs étapes, sauf pour les sociétés unipersonnelles. Plusieurs personnes concluent un accord de principe sur un projet d’entreprise, puis contractent une promesse de société constatant leur engagement de conclure le contrat de société aux conditions convenues. Un associé qui refuserait de conclure le contrat devrait verser des dommages et intérêts.
Chapitre 1 : La société est une manifestation de volonté.
Section 1 : Les conditions de validité du droit commun des contrats (art. 1108).
§1 : Le consentement des associés.
A/ La sincérité du consentement.
Les associés peuvent avoir simuler un contrat de société, notamment pour conclure un contrat de prêt usuraire, ou pour dissimuler un contrat de travail afin d’échapper aux lois sociales.
Les conséquences de la simulation : – entre les parties : l’acte secret prime (autonomie de la volonté) si la société secrète est licite. Si l’acte secret est nul, le contrat de société produit normalement effet.
– avec les tiers : ils peuvent, selon leur intérêt, invoquer la réalité de la convention des parties, ou s’en tenir à l’apparence qu’elles ont créées.
Le contrat de société peut aussi dissimuler les agissements du véritable opérateur économique, notamment quand la loi prévoit un nombre minimum d’associés. La Cour de cassation sera conciliante quand l’opérateur ne manifeste aucune intention de fraude (Com, 30/1/1961), mais annulera toute société dont le but est de contourner une règle légale impérative ou de mettre en échec les droits d’un tiers.
B/ L’intégrité du consentement : l’absence de vices du consentement.
L’erreur (la plus fréquente) : pour la doctrine majoritaire, une erreur sur la personne d’un coassocié (sur sa personne, sa moralité ou ses compétences) doit entraîner la nullité de la société en cas d’une société de personnes (intuitus personae), de même qu’une erreur sur la nature du contrat réellement conclu. Les erreurs sur la valeur des apports ou les chances de succès de l’entreprise sont inopérantes.
Le dol : les manœuvres dolosives doivent avoir déterminé l’adhésion au contrat.
Il n’existe aucun exemple de violence en matière de société.
§2 : La capacité de contracter.
Il s’agit des capacités de jouissance et d’exercice. Certaines personnes n’ont pas le droit de faire du commerce, ni directement ni à travers une société qui ferait d’eux des commerçants : les avocats, avoués, notaires, huissiers, fonctionnaires, experts-comptables, commissaires aux comptes,…
A/ Les mineurs.
Même émancipés, ils ne peuvent pas être commerçants. Cette incapacité ressemble à une incapacité de jouissance, mais le mineur peut s’associer dans une société où les risques sont limités.
Non émancipés, ils ne pourront pas souscrire eux-mêmes leur titre d’associé. L’incapacité d’exercice existe même s’il n’y a pas d’incapacité de jouissance : il faut le concours d’un représentant légal. A défaut, l’engagement du mineur est nul de nullité relative (seul le mineur devenu majeur ou son représentant légal peuvent l’invoquer). Le mineur peut confirmer l’acte nul à sa majorité. En raison du caractère rétroactif de la nullité, les bénéfices distribués au profit du mineur devraient être restitués, mais l’art.1312 du code civil énonce qu’ils ne sont pas restituables par le mineur, présumé les avoir dissipés. Si le mineur a fait croire aux associés, par des manœuvres, qu’il était majeur, il engage sa responsabilité délictuelle.
B/ Les personnes interdites ou atteintes d’incapacités autres.
Les auteurs de certains délits (fraude fiscale,…) et les personnes qui ont fait des faillites à répétition ne peuvent plus exercer de professions industrielles ou commerciales, ni de professions libérales.
C/ Le sort des étrangers.
Les associés en nom, les associés commandités et les personnes non commerçantes dirigeant une personne morale commerçante par la forme (PDG de SA, gérant de SARL) doivent obtenir une carte de commerçants étrangers. Les ressortissants des pays membres de l’Union Européenne et les étrangers titulaires de la carte de résidants en France en sont dispensés.
§3 : Un objet certain.
Ä L’objet du contrat de société : les sociétés ont une sphère d’activité qu’il ne leur est pas permis de dépasser. Tous les actes de la société doivent être fondamentalement intéressés : à défaut, la société sort de sa spécialité, l’acte devient suspect et devrait être annulable en justice.
L’objet social d’une société est son objet statutaire : une assemblée générale extraordinaire peut décider de le changer dans le cadre de l’objet légal sous condition de quorum et de vote. La distinction entre objet statutaire et objet réel a été posée par la jurisprudence : l’objet statutaire est celui prévu par le statut ; l’objet réel est celui qui est réellement exercé. Cette distinction est très importante dans certains cas.
Ä L’objet de la souscription (de l’apport) : il s’agit de la nature de la chose ou prestation, fournie par l’associé pour libérer un apport et recevoir en échange des titres sociaux.
§4 : La cause du contrat de société.
C’est le motif qui a conduit une personne à s’associer avec d’autres. Il faut distinguer les mobiles personnels des associés et la raison qui a poussé la personne à s’engager comme associé.
Il s’agit de la perspective de participer à une œuvre commune : la réalisation d’un profit en vue de le partager. L’illicéité de la cause (volonté des associés de faire échec au droit des créanciers de l’un d’eux, division en filiales pour éviter la création d’un CE,…) conduit à l’annulation de la société.
Section 2 : Les conditions spécifiques au contrat de société.
§1 : Une pluralité d’associés.
A/ Le principe des sociétés pluripersonnelles.
En principe, une société est un contrat. Cette notion est d’ailleurs évoquée par l’art.1832 c.civ., qui pose nombre de conditions l’impliquant nécessairement (participation au résultat, affectio societatis,…). Il contient aussi l’idée qu’il faut plusieurs associés pour faire une société. L’art.1833 énonce par ailleurs que toute société doit être constituée dans l’intérêt commun des associés.
La loi prévoit un minimum de 2 personnes pour une société de personnes ou une SARL, de 4 pour une société en commandite par actions, et de 7 pour une SA. La SARL ne peut regrouper plus de 50 associés. Les associés ne possèdent pas forcément le même nombre de parts sociales, et la société peut devenir unipersonnelle en cours d’existence suite au départ de tous les associés sauf un. L’article 1844-5 consacre la validité de ce type de société sous réserve que l’associé unique régularise la situation dans l’année en faisant entrer une ou plusieurs personnes dans le capital, le procédé utilisé étant alors indifférent (cessions de parts, augmentation de capital social,…). A l’expiration de cette période d’un an, la dissolution de la société est encourue. Le tribunal peut accorder un délai supplémentaire de 6 mois, et la loi interdit au juge de dissoudre la société si la régularisation du capital social a eu lieu au jour où il statue sur le fond.
B/ L’exception des sociétés unipersonnelles.
La société a été voulue unipersonnelle dès le départ. La loi du 11/7/1985 permet à une personne juridique de créer à elle seule une EURL (catégorie particulière de SARL). Il s’agit alors d’une société sans associé. Depuis 1985, il est possible de créer une SA unipersonnelle (l’Etat en est alors le seul actionnaire) ; la loi du 23/6/1999 permet la constitution d’une société d’exercice libéral par un seul professionnel libéral (loi intervenue pour briser la jurisprudence qui était opposée à cette pratique) et la loi du 12/7/1999 permet la création d’une société par actions simplifiée unipersonnelle. Cette dernière possibilité devrait profondément modifier la physionomie du droit des sociétés.
§2 : L’obligation d’un apport.
Chaque associé doit faire un apport : s’ils sont effectués à l’aide de dons manuels consentis par un seul associé envers les autres, Jeantin considère que la société est fictive.
Le mot « apport » désigne à la fois une opération juridique et l’objet de cette opération.
Ä Une opération juridique : elle consiste à mettre à disposition de la société les biens et droits que l’associé s’est engagé à fournir en échange de droits sociaux (« parts d’intérêts », « parts sociales », « actions »).
L’apport peut être fait en propriété, ou ne porter que sur la jouissance des biens et droits. L’apport peut être fait au profit d’une société dotée de la personnalité juridique, mais aussi dans le cadre d’une société qui n’en est pas pourvue : il est alors réputé devenir un bien indivis, ou, s’il n’y a pas de création d’indivision, il est remis à l’associé gérant qui peut l’utiliser.
Ä L’objet de cette opération juridique : le bien ou le droit procuré par l’associé à la collectivité. Les apports ont tous en trait commun d’être destinés à permettre à la société de réaliser son objet social.
A/ La diversité des apports.
L’article 1843-3 consacre la distinction traditionnelle entre 3 types d’apports. La souscription est la prise de l’engagement ; la libération est le paiement effectif.
Ä Les apports en numéraire (en argent). L’apport est égal à la valeur nominale de la part d’associé, telle qu’elle est fixée par la loi ou le statut. En principe, il doit être libéré en totalité lors de la souscription, mais la loi ou les statuts prévoient que les actionnaires d’une SA peuvent ne libérer leurs apports que pour moitié au moment de la souscription et le reste dans les 5 années suivantes. Dans tous les cas, les titres sociaux sont attribués au souscripteur immédiatement et en bloc.
L’apport suppose en échange, une remise de droits sociaux : l’apporteur n’a jamais droit à être remboursé du capital investi dans la société, ni aucun droit à un bénéfice (les organes sociaux doivent décider de le distribuer). Un apport en compte courant consenti par l’associé au profit de la société n’est donc qu’une opération de crédit, car l’apporteur a droit au remboursement indépendamment de la situation bénéficiaire ou perdante de la société : il percevra un intérêt, considéré sur les plans fiscal et comptable comme une charge pour la société, alors que le dividende n’est pas déductible du résultat. Cet associé devrait pouvoir être remboursé sans tenir compte des difficultés de trésorerie, mais il a été estimé que la demande de remboursement pouvait être abusive, voire contraire à l’affectio societatis (CA Aix, 6/10/1981).
Pour la Cour de cassation, le compte courant d’associé est remboursable selon les modalités convenues. Com, 24/6/1997 admet juste qu’il faut laisser un préavis suffisant à la société pour rembourser.
Ä L’apport en industrie consiste à mettre à disposition de la société son travail, ses connaissances, son savoir faire (apport de carnet d’adresses,…). Un apport en industrie illicite (trafic politique pour obtenir un marché) pourra être annulé. Pour en faciliter l’évaluation (nécessaire à la remise des droits sociaux correspondants), la loi stipule que, sauf clause contraire, la part qui revient à l’apporteur en industrie est égale à celle de l’associé qui a le moins apporté en nature ou numéraire.
L’apporteur est censé se libérer tout le temps où il reste associé, mais la société n’a aucune garantie sur le fait qu’il continuera à s’exécuter pendant tout ce temps : une jurisprudence ancienne décidait que l’apport en industrie entraînait des droits réduits dès lors que l’activité de l’associé se réduisait. Le risque de contentieux juridique a conduit le législateur à envisager d’interdire ce type d’apport, ce qu’il a fait dans le cadre de la SA et de la SARL (sauf pour le cas visé à l’article 38 al.2 de la loi du 24/6/1966).
Ä L’apport en nature peut résider en un immeuble ou un meuble, un bien corporel ou non (fond de commerce, marque, brevet, portefeuille de titre,…). Le législateur a mis en place des mesures permettant l’évaluation la plus fidèle possible de cet apport : – pour les SARL. Un commissaire aux apports est chargé de les évaluer : il rend une estimation pour chaque bien, ou pour l’ensemble si aucun bien ne vaut plus de 50.000F et si l’ensemble des biens apportés n’excède pas la moitié du capital social. Si aucun commissaire n’est nommé, ou si les associés choisissent une valeur différente de celle fixée par le rapport du commissaire, ils seront solidairement responsables pendant 5 ans des dommages qui pourraient en résulter. Cette exception au principe de responsabilité illimitée des associés de SARL s’explique par le fait que le capital est le « gage des créanciers » : si le minimum légal n’est pas atteint, ou que le capital est faussement surévalué, il y a tromperie sur le montant du capital social, et la protection devient inopérante. Quand le commissaire surévalue un bien apporté en nature, il commet une faute susceptible d’engager sa responsabilité (Com, 26/5/1983).
– pour les SA. Le commissaire aux apports estime la valeur de chaque bien en nature : les actionnaires sont obligés de l’accepter, et, en cas de surévaluation, les tiers ne pourront se retourner que contre le commissaire.
· L’apport en propriété : la société obtient un droit réel sur le bien, qui doit lui être effectivement délivré, et sur lequel l’apporteur doit la garantie d’éviction et des vices cachés. Il reçoit en échange le prix sous forme de droits sociaux soumis aux aléas de la société. Il ne bénéficie ni du privilège du vendeur ni de la faculté de demander la rescision pour lésion pour l’apport d’un immeuble avec lésion de plus de 7/12.
· L’apport en jouissance : l’apporteur reste propriétaire du bien qui est mis à la disposition de la société. Si l’apport porte sur : – un corps certain : la société n’a aucun droit réel sur le bien, mais peut en jouir librement. Elle a juste un droit de créance contre l’apporteur, qui doit entretenir la chose apportée en état de servir pour l’usage auquel elle est destinée. Il reprend en principe la chose quand la société prend fin.
– une chose de genre : la société est présumée en devenir propriétaire, à charge pour elle d’en restituer l’équivalent à sa dissolution. La propriété et les risques sont transférées à la société.
B/ Conditions générales de validité des apports.
· L’apporteur doit garantir l’existence de l’apport : la chose doit exister, être dans le commerce et être appréciable en argent. On assimile souvent à cette catégorie les apports de chose sans valeur (brevet tombé dans le domaine public,…). De tels apports fictifs sont frappés de nullité et font perdre à leurs auteurs la qualité d’associés. Pour certains auteurs, un apport fictif entraîne la nullité de la société.
Si un apport est surévalué, l’apporteur est indûment favorisé par rapport à ses coassociés, et les tiers risquent d’être trompés par cette richesse qui n’existe pas. La sanction est en principe une mise en cause de la responsabilité éventuellement pénale de l’apporteur.
· L’apport doit être fait sans idée de fraude (dans le seul but d’échapper à un créancier,…).
Ccass. 23/11/1994 : l’inopposabilité peut être prononcée si tous les associés connaissaient la fraude.
§3 : La vocation de chaque associé à une part du résultat social.
A/ Les principes applicables au partage.
Le droit de partager les bénéfices est le droit pour chaque associé de venir au partage du profit réalisé par la société, après qu’une décision sociale en ai permis la distribution au moins partielle.
Ä Le partage d’un bénéfice : le dividende est la part du bénéfice distribuée et effectivement versée aux associés. Il se fera le plus souvent en numéraire ou en nature (nouvelles actions). Une partie est mise en : – réserve légale. Les SA doivent constituer une réserve obligatoire égale au dixième du capital social.
– réserve statutaire : l’obligation est inscrite dans le statut, mais peut en être supprimé.
– réserve pour financer un investissement : constitution d’une capacité d’autofinancement.
La mise en réserve n’est pas une atteinte au principe selon lequel une société doit partager son bénéfice, car elle ne fait que différer le moment où le partage intervient. Ce sera au plus tard à la dissolution de la société, les réserves constituant alors un « bonus de liquidation ». Les réserves étant disponibles, et les réserves légales qui dépassent la limite minimum, peuvent servir à augmenter le capital social.
Ä Le partage des pertes : en théorie, les pertes ne peuvent être constatées que lors de la dissolution de la société, car la valeur de certains biens varie en cours de société (immeuble,…). La pratique tend toutefois à les constater tous les ans, ce qui n’entraîne pas forcément l’obligation pour l’associé de les combler. La contribution au partage des pertes en cours de société se fait indirectement : un associé qui veut céder ses droits sociaux, et qui les vend à perte suite à une dépréciation du titre due à la diminution de l’actif net de la société ; une diminution du capital en cours de société afin de rétablir la parité entre les valeurs nominale et réelles des titres, entraîne soit une diminution du nombre de titres détenus par chaque associé, soit une diminution de leur valeur nominal.
· Dans une société à risques illimités, un créancier social qui n’est pas intégralement payé peut poursuivre les associés sur leur patrimoine personnel : la contribution aux pertes est alors totale.
Si la société est : – commerciale (SNC, Commandite), la responsabilité des associés est indéfinie et solidaire. Ni le bénéfice de discussion ni celui de division ne peuvent jouer : la société doit quand même avoir été mise en demeure de payer par un acte extrajudiciaire (huissier). A défaut, la mise en demeure ne sera pas valable, et ne permettra pas de poursuivre les associés. Chacun étant responsable solidairement, l’associé poursuivi dispose d’actions récursoires contre ses co-associés, mais il devra diviser ses recours.
Le cédant reste tenu solidairement des dettes nées antérieurement à la cession, et le cessionnaire est tenu de toutes les dettes (nées antérieurement à la cession et à naître) : ce principe est d’ordre public, et il n’est donc pas possible d’y déroger. La seule possibilité est de limiter par contrat la responsabilité de l’associé, mais il faut alors un accord individuel avec chaque créancier.
– civile, l’obligation aux dettes est indéfinie mais conjointe. Le créancier doit diviser ses recours en fonction du nombre d’associés. La règle de la part virile s’appliquait avant que la loi du 4/1/1978 n’instaure un partage en proportion des apports (art. 1845-1 al.1 et 1857 du code civil). De même, avant cette loi, un créancier pouvait assigner en paiement un associé sans avoir préalablement mis en demeure ou assigné la société. Depuis cette loi, la société doit avoir été préalablement et vainement poursuivie (bénéfice de discussion) : il faut avoir épuisé toutes les poursuites contre la société. Pour CA Paris, 17/12/1982 il faut attendre la clôture des opérations de liquidation judiciaire de la société avant de pouvoir se retourner contre les associés.
· Dans une société à risques limités (SARL, SA), la contribution aux pertes est limitée pour chaque associé, à la valeur qu’il a apporté. Il ne peut jamais y avoir de poursuites sur leur patrimoine personnel : ce sera la différence entre la mise de départ et ce qu’ils reçoivent à la dissolution de la société.
B/ Les modalités du partage.
Il a normalement lieu en proportion de la valeur de l’apport sur le montant total du capital. Chacun des droits sociaux revient aux associés comme un droit, entre autres, à une quotité dans le résultat.
Les auteurs anciens et la jurisprudence étaient attachés au principe de l’égalité absolue des associés nonobstant l’importance respective des apports. L’article 1844-1 al.1 énonce aujourd’hui le principe de la proportionnalité, mais cette règle est supplétive : les statuts peuvent prévoir d’autres modes de répartition, et peuvent même stipuler une répartition variable des bénéfices et pertes selon les associés. Des avantages peuvent être accordés : dans une SA, il est possible de réserver des actions privilégiées donnant droit à une part supplémentaire du résultat ou prévoyant une contribution moins importante aux pertes.
1)La portée de la prohibition des clauses léonines.
L’art. 1844-1 al.2 du code civil semble indiquer que cette clause ne doit être reconnue que dans les cas extrêmes de spoliation, quand les pertes sont supportées par un seul associé, ou quand les bénéfices ne reviennent qu’à un seul associé.
Com, 18/10/1994 a considéré comme clause léonine une disposition statutaire instituant au profit d’un associé une rente forfaitaire mensuelle en échange de ses droits : il est donc exonéré de toutes contributions aux pertes. La clause n’aurait pas été léonine si elle avait prévu qu’en cas de perte, l’associé renonce à sa redevance et s’engage à assumer sa part dans la contribution aux pertes.
Cette question a retrouvé l’actualité avec les pactes d’actionnaires : des dispositions qui devraient être dans les statuts de la société, sont contenues dans des document annexes. L’article 1844-1 al.2 conduit à ne s’intéresser qu’aux dispositions concernant à proprement parler les statuts. L’alinéa 1 pose le principe de la liberté de répartition entre associés : seules les clauses prévues dans les statuts peuvent être frappées d’interdiction. Pour la Cour de cassation, les clauses léonines inscrites dans les statuts sont les seules à être interdites, sous réserve de l’hypothèse de fraude (convention séparée pour contourner l’interdiction). Com, 10/1/1989 : seule est prohibée la clause qui porte atteinte au pacte social.
La première chambre civile a une position opposée (Civ.1, 7/4/1987) : l’engagement de céder des parts à un prix déterminé dans une convention de cession, renferme un pacte léonin car il exonère l’acquéreur de toute participation aux pertes en lui garantissant la non dépréciation des titres même en cas de perte.
· Les conventions de portage : le porteur accepte sur la demande du donneur d’ordre, d’acheter des droits sociaux, qui devront être transférés après un certain délai à une troisième personne, moyennant un prix fixé à l’avance. Ce procédé sert à dissimuler le véritable actionnaire majoritaire d’une société, ou pour donner à un financier extérieur une garantie réelle en sûreté au concours qu’il octroie : le porteur ne veut pas réellement devenir propriétaire, mais le devient pour rendre service ou pour avoir des garanties. Le prix des droits sociaux ayant pu chuter, le donneur d’ordre faisait annuler le contrat sur la base de la clause léonine. La jurisprudence valide aujourd’hui le portage : Com, 19/5/1992 et Com, 24/5/1994.
· Les opérations de cession de contrôle : il s’agit de la cession de droits sociaux entraînant un changement de majorité dans le capital de la société émettrice, et le remplacement des dirigeants. Cette opération est souvent échelonnée dans le temps : prise de contrôle (50.01%) puis acquisition du reste au même prix unitaire dans les années suivantes. Le prix est donc compris à l’avance, alors que la valeur des droits sociaux peut varier sensiblement. Pour la jurisprudence, le seul fait de déterminer le prix à l’avance constituait une clause léonine, mais Com. 20/5/1986 considère que la convention de cession de droits sociaux a une finalité propre, doit donc présenter des modalités, notamment le prix des actions restants à acheter, et ne peut donc pas caractériser une clause léonine interdite.
2)La sanction de la clause léonine.
L’article 360 de la loi de 1966 interdit de prononcer la nullité d’une SARL ou d’une société par actions en raison de la présence d’une clause léonine dans les statuts. Pour les autres sociétés, l’article 1172 du code civil stipule que dès qu’une clause est réputée avoir été la cause déterminante et impulsive d’un contrat, la nullité encourue par la clause doit rejaillir sur tout le contrat. Le fait que des dispositions spéciales expresses aient été prévu pour écarter la dissolution d’une SARL ou d’une société par actions tendait à prouver que le droit commun conduisait à la nullité de l’ensemble de la société.
La doctrine majoritaire (Merle, Viandier, Cozian) et la jurisprudence (Civ.1, 26/1/1988) estiment malgré tout que la clause léonine, quelle que soit le type de société considérée, est réputée non écrite. Le reste du statut doit donc être respectée, y compris par l’associé bénéficiaire de la clause léonine. Quand la clause annulée porte sur le partage des bénéfices, il est réalisé en fonction de l’article 1844-1 al.1.
§4 : L’affectio societatis.
A/ La notion.
Selon Viandier, l’affectio societatis est une application du concept général de bonne foi issu du droit commun contractuel, transposée au contrat de société. L’effet pratique le plus apparent du contrat (la volonté de coopérer à une œuvre commune) se retrouve dans l’affectio societatis.
Pour la jurisprudence (notamment Com, 3/6/1986), c’est une collaboration effective à l’exploitation dans un intérêt commun, et sur un pied d’égalité avec les autres associés.
Collaborer signifie concourir activement aux activités sociales, à l’administration des affaires sociales ou à son contrôle : aucun groupement forcé dans lequel les ressortissants demeurent passifs ne le traduit.
Sur un pied d’égalité exclue qu’un associé soit subordonné à un autre.
B/ L’utilité.
L’affectio societatis désigne un sentiment d’appartenance à une collectivité : elle augmente en même temps que les risques encourus (elle est plus développée chez des associés en nom collectif ou commandités que des actionnaires de SA). Au sein d’une société, les associés qui ont des fonctions de dirigeants sociaux ont une affectio societatis plus importantes que les actionnaires bailleurs de fond.
L’utilité de ce critère peut être mis en doute dans les sociétés unipersonnelles. Pour M. Didier, cette notion est inutile, car elle ramène au droit de chaque associé à participer aux décisions sociales.
En fait, elle sert à mettre à jour des situations de société fictives, et à mieux distinguer la société des autres contrats comportant une participation aux bénéfices (contrat de travail, prêt,…). En effet, l’affectio societatis est le seul critère du contrat de société qui se manifeste pendant toute la vie de la société.
Com, 12/10/1993 : l’affectio societatis ne pouvant se retrouver dans un contrat de prêt, le juge en a déduit l’existence d’un contrat de société en participation. Toutefois, ce critère n’est utilisable que si l’affectio societatis fait défaut chez tous les associés, et le fait qu’il n’apparaisse pas ou plus en cours de société n’est pas suffisant pour disqualifier un contrat de société (CA Paris, 10/5/1995).
§5 : Les statuts.
Les articles 1835 du code civil et 2 de la loi de 1966 édictent que tout statut doit être écrit. Toutefois, une société peut ne pas en être dotée (société en participation, société créée de fait,…). L’écrit sert surtout à fixer les règles applicables dans les rapports entre sociétés, et à inscrire la société au RCS.
A/ Les mentions obligatoires.
L’article 1835 du code civil (toutes les sociétés) et l’article 2 de la loi de 1966 (sociétés commerciales) énoncent des mentions devant figurer dans les statuts. A défaut, tout intéressé peut en demander la régularisation. La nullité n’est encourue que si le défaut de mention est dû à un vice du consentement.
Le statut exhaustif comporte toutes les mentions : il s’agit d’une recopie de la loi. Cela permet aux non juristes de comprendre les statuts, mais impose de les réactualiser à chaque modification de la loi.
Le statut abrégé ne comporte que des renvois à la règle générale, et n’a donc pas besoin d’être modifié.
Le statut doit être publié afin d’informer les tiers (Com, 2/6/1992).
Parmi les formalités obligatoires, l’objet social peut être rédigé de façon précise (tel fonds de commerce à tel endroit pour telle activité) ou plus large (« toute activité de rachat pour revente »). Si le dirigeant le dépasse : – une société à risques limités ne sera engagée qu’à l’égard des tiers de bonne foi.
– une société à risques illimités ne sera pas engagée : le tiers se remboursera sur le patrimoine personnel du dirigeant.
Les clauses limitatives des pouvoirs des dirigeants ne sont jamais opposables aux tiers qu’ils soient de bonne ou mauvaise foi (art. 49 al.6 de la loi de 1966 pour les SARL ; art. 14 al.3 pour les SNC). La société est donc engagée, et les associés peuvent juste agir en responsabilité contre les dirigeants
B/ Les actes extrastatutaires.
Le préambule des statuts a une valeur contraignante statutaire (Rennes, 26/9/1984), sous réserve qu’il soit précis (Versailles, 8/7/1993) ; dans le cas contraire, il perd cette valeur.
Un accord sur les apports, l’objet de la société et la forme de cette dernière constitue une promesse de société, dont la rupture unilatérale engage la responsabilité de son auteur (Com, 28/4/1987).
Un protocole d’accord peut avoir une valeur contraignante après la signature des statuts (Com, 24/2/1987) : il a vocation à s’appliquer lorsqu’il comporte des obligations précises et que les statuts ne prévoient rien. Mais si les statuts contiennent l’obligation inverse, ils l’emportent car ils sont plus récents. Si un associé majoritaire modifie les statuts et rompt un principe issu du protocole, la Cour de cassation n’annulera sûrement pas la modification, mais pourra engager la responsabilité civile de l’associé.
Section 3 : La sanction des irrégularités de construction.
Comme tout acte juridique irrégulier, une société irrégulièrement constituée s’expose à une nullité, qui en matière de société, est rétroactive : tous les actes conclus par la société depuis son origine peuvent être annulés. Cette solution étant injuste pour les associés non responsables de la nullité et pour les tiers en rapport avec la société, la loi permettait de régulariser la nullité pour éviter l’annulation, et si la cause de nullité ne pouvait pas être régularisée, la jurisprudence ne faisait jouer la nullité que pour l’avenir.
La loi du 24/7/1966 a réduit les cas de nullité : quand une cause de nullité se présente, une procédure de régularisation est prévue, et à défaut, la loi atténue les effets de la nullité tout en prévoyant un mécanisme de responsabilité des associés et fondateurs responsables de la nullité.
§1 : La nullité de la société.
A/ Les causes de nullité.
La loi de 1966 a supprimé toute une série de cause de nullité, notamment celles fondées sur des vices de forme ou défaut d’accomplissement d’une mesure de publicité. Une société commerciale ne peut plus être annulée en l’absence de disposition le prévoyant. L’article 360 de la loi de 1966, repris à l’article 1844-10 du code civil, énonce que « la nullité de la société ne peut résulter que de la violation des articles 1832, 1832-1 al.1 et 1833 du code civil ou de l’une des causes de nullité des contrats en général ».
Ä La loi du 24/7/1966 prévoit un seul cas de nullité pour les SNC et sociétés en commandite simple, fondé sur le défaut d’accomplissement d’une formalité de publicité (art. 361). Cette hypothèse est rare : la formalité doit avoir été omise, le greffier du tribunal de commerce ne doit pas s’en être aperçu, pas plus que tout intéressé pendant la durée de la prescription, et elle ne doit pas avoir été régularisée.
Elle ne prévoit aucune clause de nullité spécifique pour les SARL, et un seul cas pour les SA (lors de la constitution d’une SA avec appel public à l’épargne).
Ä La méconnaissance des conditions de validité du droit commun des contrats peut entraîner la nullité des sociétés pour défaut de capacité de contracter, absence d’objet déterminé ou d’une clause licite, méconnaissance d’une règle spécifique aux contrats de société, absence de pluralité d’associé quand elle est requise, défaut d’apport, absence de partage du résultat, ou défaut d’affectio societatis.
1) Les cas généraux.
La nullité peut résulter de l’absence de pluralité d’associé ; de l’absence ou de la fictivité des apports ; du défaut d’affectio societatis ; du défaut de stipulation d’un objet social ou de la mise en œuvre d’un objet social illicite ou immoral ; de l’absence de cause ou d’une cause illicite ; d’un vice du consentement ou de l’incapacité d’un ou plusieurs associés ; de l’existence d’une fraude (si tous les associés y ont participé).
2) Les SARL et SA.
Une directive du Conseil des communautés européennes du 9/3/1968, partiellement transposée par une ordonnance du 20/12/1969 énumère limitativement les causes d’annulation de SA et SARL. Les cas admis sont : – le défaut d’acte constitutif = l’absence de pacte social, mais pas le défaut d’immatriculation.
– le caractère illicite ou contraire à l’ordre public de l’objet social. Le droit français considère l’objet social réel, mais l’arrêt Marleasing de la CJCE du 13/11/1990 rappelle que, en droit communautaire, il faut prendre en compte l’objet statutaire. La doctrine française a beaucoup critiquée cette solution, qui a tout de même le mérite de distinguer les conditions de constitution de celles de validité. Si une société dotée d’un objet licite commet des actes contraires à l’ordre public, seuls ces actes devront être annulés.
– l’absence dans le statut, de dénomination sociale, du montant du capital social ou d’objet social.
– le défaut de versement du minimum libérable lors de la souscription par les associés, l’incapacité de tous les associés fondateurs, ou un nombre d’associé inférieur au minimum légal.
Selon l’article 11 de la directive de 1968, la fraude n’est pas une cause de nullité des SARL ou SA, mais, les auteurs français considèrent qu’elle doit entraîner la nullité de toute société. L’arrêt Marleasing énonce que le juge national saisi d’un litige entrant dans le champ d’application de la directive est tenu d’appliquer ce texte, en conformité à sa finalité visant à limiter la nullité des SA et SARL aux cas prévus.
Civ.1, 17/3/1992 laisse à penser que la fraude demeure une cause de nullité de toute société, y compris les SA et SARL. Com, 28/1/1992 (Demuth) considère de plus qu’une société ne peut être annulée pour fraude que si tous les associés y ont concouru. Un arrêt du 7/10/1998 n’exige plus que tous les associés aient participé à la fraude. Mais comme il est intervenu à propos d’un contrat classique, il n’est pas sur qu’il s’applique au droit des sociétés. Seuls Cozian et Viandier pensent qu’il s’agit d’un revirement de jurisprudence, le reste de la doctrine n’étant pas sur que le contrat de société soit concerné.
B/ Le régime de l’action en nullité.
Quand la cause de nullité existe, le sort de la société devient précaire, et dépend de la pugnacité de la personne titulaire du droit d’agir en nullité et de la longueur du délai de prescription de l’action.
Ä Les personnes recevables à agir : – si la règle violée a pour but de protéger un intérêt général, ce sera un régime de nullité absolue : tout intéressé pourra agir s’il justifie un intérêt légitime et personnel.
Intérêt personnel : le juge n’a pas à tirer d’autres conséquences de la nullité que celles qu’elle a vis-à-vis du demandeur à l’action.
Intérêt légitime : le demandeur doit détenir des droits légitimes qu’il a acquis et susceptibles d’être affectés par l’existence et le fonctionnement irrégulier de la société (un intérêt purement pécuniaire, tel que la disparition d’un concurrent,… ne serait pas légitime). L’action des associés et dirigeants de la société est présumée légitime, même pour un nouvel actionnaire, car la qualité d’associé se justifie lorsqu’il engage l’action, et non pas lors de la constitution de l’irrégularité. Le juge examiner la recevabilité de l’action des créanciers, car leur but est souvent illégitime (échapper à des obligations, éliminer un concurrent,…).
– quand la nullité sanctionne la violation d’une règle de protection d’un intérêt particulier (incapacité, dol, violence, erreur), seul l’incapable et la personne dont le consentement a été altéré auront un intérêt légitime à poursuivre la nullité de la société (nullité relative).
Ä La prescription de l’action en nullité : le délai a été fixé à 3 ans (art. 367 de la loi de 1966 pour les sociétés commerciales ; art. 1844-14 du code civil pour les sociétés civiles), pour éviter que la société ne reste trop longtemps exposée aux risques d’une action en nullité.
En cas d’irrégularité de constitution, le délai court du jour de la constitution de la société (signature des statuts), ce qui pose problème quand l’irrégularité ne se révèle qu’après plusieurs années : CA Paris, 1/12/1992 ne fait courir le délai qu’au jour de la découverte de la cause de nullité (art. 1304 al.2 c.civ., normalement applicables aux seules hypothèses d’erreur ou de dol affectant la formation du contrat). Avant cet arrêt, les juges essayaient déjà de retarder son point de départ, ce qui explique que la prescription de l’action en nullité d’une société soit une vraie prescription et non pas une forclusion (la prescription joue mécaniquement, sans cause de suspension ou d’interruption ; le défendeur à l’action ne peut invoquer la nullité que dans le délai de prescription).
Cette prescription triennale n’est pas applicable en cas de nullité pour illicéité de l’objet social. La CJCE considère l’objet statutaire alors que le droit français considère l’objet réel.
§2 : La régularisation de la société irrégulièrement constituée.
Il s’agit de la suppression de l’irrégularité par celui qui pourrait l’invoquer. La loi a généralisé cette procédure pour restreindre les cas de nullité de société.
A/ La régularisation des vices sanctionnés par la nullité.
L’article 362 de la loi du 24/7/1966 énonce que toute irrégularité peut être couverte, sauf celle fondée sur l’illicéité de l’objet social.
En cas d’incapacité ou de vice du consentement, l’associé peut être mis en demeure par ces coassociés d’exercer l’action en nullité ou de régulariser (par un nouvel accord non vicié ou par un accord donné quand la cause d’incapacité a disparue). S’il ne fait rien dans les 6 mois de la mise en demeure, il perd son droit. S’il agit en nullité, la loi permet aux autres créanciers de faire autoriser par le juge le rachat des droits sociaux de l’associé. L’art. 1843-4 du code civil permet le recours à la fixation du prix par expertise en cas de désaccord sur les conditions de sortie de l’associé (prix des parts,…)
B/ La régularisation des vices non sanctionnés par la nullité.
Il s’agit de l’hypothèse où l’irrégularité n’ayant pas été remarquée, la régularisation n’a pas été faite en temps voulu. Il peut aussi s’agir du manque d’une mention obligatoire dans le statut.
La loi permet à tout intéressé de demander la régularisation au Tribunal de commerce, et si les dirigeants ne le font pas, une astreinte peut être prononcée pour l’exécution de la régularisation.
Si personne ne voit rien, passé 3 ans, l’irrégularité est effacée : elle n’existe plus, et il n’est même plus possible d’en demander la régularisation.
§3 : Les effets de la nullité.
La loi pose le principe de la non-rétroactivité de la nullité d’une société, qui ne joue que pour l’avenir, comme la dissolution de la société : la société nulle est liquidée conformément aux statuts. Ce principe a été posé par l’article 1844-15 al.1 du code civil, et l’article 368 de la loi du 24/7/1966, la loi ayant juste recopié les solutions jurisprudentielles existants en matière de sociétés de fait. Une telle société a été immatriculée, a fonctionné, puis a été annulée en justice pour vice de constitution mais continue à fonctionner : c’est une société devenue de fait. Les sociétés de fait et créée de fait ont longtemps été confondues, ce qui n’est pas très grave dans la mesure où elles sont soumises au même régime juridique.
En vertu de ce principe, la société doit exécuter les obligations qu’elle a souscrit avant son annulation.
Par exception : – un associé incapable est quitte de toute charge vis-à-vis des tiers et associés, sauf pour les sociétés dont l’objet est illicite, et en cas d’absence totale de consentement.
– ni les associés ni la société ne peuvent se prévaloir de la nullité à l’égard des tiers de bonne foi (ignorants le risque d’annulation). Depuis la loi de 1966, les tiers n’ont plus d’option entre l’annulation rétroactive de la société et le maintien pour le passé de celle-ci : s’ils sont débiteurs, ils doivent payer leurs dettes à la société ; s’ils sont créanciers, la jurisprudence estime que la nullité n’est pas rétroactive (Com, 22/6/1999).
– la nullité peut jouer de façon rétroactive quand elle est invoquée par la société à l’encontre de tiers de mauvaise foi (interprétation a contrario de l’art. 369 de la loi du 24/7/1966). De plus, la nullité prononcée sur le fondement des vices du consentement ou de l’incapacité peut toujours être opposée par la société aux tiers même s’ils sont de bonne foi.
· Vis-à-vis des tiers : le jugement qui prononce la nullité ne produit ses effets pour les SA et SARL qu’après avoir été publié au Bulletin Officiel Des Annonces Civiles et Commerciales. Avant cette publication, il est inopposable aux tiers : la responsabilité des associés est indéfinie et solidaire si l’activité était commerciale ; conjointe si l’activité était civile. Un associé incapable ou victime d’un vice du consentement peut opposer la nullité aux tiers, même de bonne foi.
§4 : La responsabilité des fondateurs en cas de constitution irrégulière de la société.
On a reproché à la nullité d’être inefficace, les auteurs de l’irrégularité n’étant pas plus atteints que les autres associés par la disparition de la société, alors qu’ils ont même profité du fonctionnement de la société pendant un certain temps. De plus, les tiers peuvent avoir un préjudice quand la société disparaît.
Ä Quand le vice a entraîné la nullité de la société : la détermination de la personne responsable et de la proportion qui lui incombe, relèvent du droit commun.
Pour les SARL, la loi précise que les premiers gérants sont responsables solidairement avec les associés auxquels la responsabilité est imputable.
Dans les SA, les fondateurs et administrateurs en fonction sont déclarés solidairement responsables du dommage résultant de l’annulation de la société. La même responsabilité solidaire peut être prononcée contre les actionnaires dont les apports et avantages en nature n’ont pas été prouvés, de même que pour les gérants et membres du conseil de surveillance des commandites par actions.
L’action en responsabilité est prescrite par 3 années à compter du jour où la décision judiciaire prononçant l’annulation de la société intervient et passe en force de chose jugée. Si le vice a été régularisé, la régularisation ne fait pas obstacle à l’exercice d’actions en dommages et intérêts si un préjudice subsiste après cette régularisation. La prescription de 3 années court à compter de la date de régularisation du vice.
Ä Quand le vice n’est pas susceptible de faire encourir la nullité : du moment que l’irrégularité en cause a causé un préjudice à un associé ou un tiers, les personnes agissant pour le compte de la société sont solidairement responsables. Le délai de prescription est de 10 ans.
Chapitre 2 : La société est potentiellement une personne morale.
La société est valablement constituée quand le contrat de société est parfaitement valable. Avant 1966, ce moment coïncidait avec la naissance de la personnalité juridique, ce qui était imprécis. L’article 5 de la loi du 24/7/1966 a introduit un critère incontestable pour dater la naissance de la personnalité juridique de la société, généralisé par la suite à toutes les sociétés par la loi du 4/1/1978 : l’immatriculation au Registre du Commerce et des Sociétés.
Entre 1850 et 1920, les auteurs allemands (Savigny,…) estimaient que la personnalité juridique suppose une volonté propre chez tous les sujets de droit, et ne peut donc coïncider qu’avec la personnalité humaine : un groupement de personnes ne peut pas avoir une volonté propre, distincte de celles particulières de ses membres. La loi peut artificiellement créer une personnalité juridique, mais il ne faut recourir à cette fiction qu’en cas de strict nécessité pour satisfaire des buts qui ne pourraient être réalisés autrement.
Cette conception a influencé le droit français : les associations n’accèdent à la pleine personnalité juridique que si elles sont reconnues d’utilité publique (au nom de l’Etat). Depuis la loi du 4/1/1978, les sociétés peuvent aussi être constituées non pas pour réaliser un profit, mais en vue de faire des économies.
Pour le reste, l’influence de cette théorie était relative : il a fallu attendre une nouvelle définition de la notion des droits subjectifs pour que la naissance de la personnalité morale ne soit plus subordonnée à une autorisation légale. L’existence d’une volonté collective inhérente au groupe n’est plus nécessaire, et il suffit de mettre en relief l’existence d’un intérêt collectif propre au groupement et distinct d’un intérêt individuel de ses membres, protégé par l’organisation que les associés ont voulu mettre en place. Une personne morale se distinguait donc par 2 traits caractéristiques, à savoir un intérêt collectif, et l’existence d’une organisation suffisante pour permettre l’expression de cet intérêt collectif.
Cette théorie, appelée « doctrine réaliste » a été consacrée par la jurisprudence à propos des Comités d’Etablissement en droit du travail : la loi avait expressément conféré la personnalité civile aux Comités d’Entreprise, mais avait omis de le faire pour les Comités d’Etablissement. Civ.2, 28/1/1954 a reconnu, dans le silence de la loi, la personnalité juridique de ces Comités d’Etablissement : « la personnalité civile n’est pas une création de la loi. Elle appartient à tout groupement pourvu d’une possibilité d’expression collective pour la défense d’intérêts licites, dignes par suite d’être juridiquement reconnus et protégés ».
Soc, 23/1/1990 Bendix semble consacrer plus nettement la doctrine de la réalité : les comités de groupe (articles L.439-1 et suivants du code du travail) sont dotés d’une possibilité d’expression collective pour la défense des intérêts dont ils ont la charge. Ils possèdent donc la personnalité civile qui leur permet d’ester en justice. Cette solution a été confirmée par Soc, 17/4/1991 pour les comités d’hygiène et de sécurité.
Þ Après l’arrêt de la deuxième chambre civile rendu en 1954 qui ne tranchait pas vraiment, les deux arrêts de la chambre sociale se prononcent nettement pour la doctrine réaliste. Mais toutes ces solutions ont été rendu en droit du travail. En dehors de ce domaine particulier, la jurisprudence n’a appliqué la théorie de la réalité que pour la seule hypothèse, aujourd’hui obsolète, de la masse des créanciers de la liquidation de biens (loi du 13/7/1967 abrogée depuis). Com, 17/1/1956 a personnifié la masse avec l’application des mêmes critères que ceux de la théorie de la réalité de la personne morale.
La question de la personnalité morale rebondit avec le nouveau code pénal de 1994 qui prévoit la responsabilité pénale des personnes morales : le débat ne semble pas concerner les groupements sociétaires car la loi ne reconnaît de personnalité qu’aux sociétés soumises à immatriculation au RCS. Même si un groupement sociétaire rassemble un ou plusieurs intérêts légitimes juridiques distincts de ceux de ses membres et dispose d’organes aptes à disposer d’un mode d’expression collectif, il ne peut pas avoir de personnalité juridique. Une société en participation a bien un intérêt collectif distinct de celui des participants, et à travers son gérant, elle dispose d’une possibilité d’expression collective, mais faute d’immatriculation au RCS, elle ne peut pas avoir la personnalité juridique, ce que l’article 1871 alinéa 1 lui refuse expressément.
Pour Cozian et Viandier, la loi consacre la théorie de la fiction. En fait, l’immatriculation n’est pas une demande d’autorisation administrative, mais une formalité légalement obligatoire qui doit aboutir à l’immatriculation, et dont l’intérêt est d’organiser une publicité à l’égard des tiers. Le greffier n’est pas un fonctionnaire mais un officier ministériel : son contrôle se limite à la conformité formelle des mentions du statut avec les dispositions légales.
Section 1 : Les sociétés non immatriculées.
Leur point commun est de ne pas avoir la personnalité juridique. Pour le reste, elles sont très hétérogènes : pour certaines, le défaut d’immatriculation n’est que provisoire (société en formation) ; pour d’autres, l’absence d’immatriculation est volontaire : les associés ont voulu constituer une société, mais ne veulent pas qu’elle acquiert la personnalité juridique (société en participation) ; enfin, il peut s’agir d’une société qui ne parvient pas à se constituer (société créée de fait).
§1 : La société en formation.
Les associés doivent accomplir des actes, traduisant leur volonté non équivoque de créer une société. Ex : ils signent les statuts, décident d’ouvrir un compte bancaire au nom de la société, demandent au tribunal de désigner un commissaire aux apports si la société se constitue par des apports en nature,…
La loi n’a pas expressément fixé ce point de départ, et il faut donc étudier au cas par cas pour savoir si la société est ou non en formation. Pendant la période de formation, qui peut durer de quelques jours à quelques années, les rapports entre associés sont régis par les PGD applicables aux contrats et obligations (art. 1842 al.2 du code civil), et par les statuts de la société, s’ils ont déjà été signés. Une modification du pacte social pendant cette période ne pourra avoir lieu que selon la règle de l’unanimité (application du mutuus dissensus et du mutuus consensus du droit commun).
A/ Le régime des actes accomplis pendant la période de formation.
La loi prévoit 3 modalités de reprise : – un acte conclu avant la signature des statuts. La reprise sera effectuée automatiquement par l’annexion au statut, d’un état de tous les actes accomplis pour le compte de la société, et qui indique pour chacun d’eux l’engagement qui en découle pour la société. Cet état devra être présenté aux associés avant la signature des statuts, puis il sera annexé au statut. Si le formalisme n’est pas scrupuleusement respecté, les statuts, même signés, n’emportent pas la reprise des engagements. L’associé qui a pris l’engagement reste alors seul responsable de son exécution vis-à-vis des tiers.
– un acte conclu entre la signature des statuts et l’immatriculation sera automatiquement repris par la société lors de son immatriculation au RCS, s’il a été pris en vertu d’un mandat donné par tous les associés à une personne déterminée, et précisant les actes concernés.
Com, 20/1/1987 : le mandat ne peut pas être général, mais doit être spécial. Cette exigence de spécialité fait qu’il doit spécifiquement porter sur un ou plusieurs actes déterminés.
Com, 3/4/1973 : le mandat doit être donné par tous les associés.
– un acte conclu à tout moment pourra être repris par ratification de l’assemblée générale des associés, lors d’une délibération spéciale de reprise à la majorité des associés.
Þ Com, 20/1/1987 : la reprise ne peut être effectuée que par l’une des trois formes prévues par la loi. La reprise tacite des engagements n’est pas autorisée (exécution volontaire par la société de l’engagement contracté,…), car cela serait trop dangereux pour les associés qui risquent à leur dépens de découvrir la portée de l’engagement après plusieurs mois ou années. La seule immatriculation de la société ne saurait valoir reprise des engagements. Ces principes sont généralement applicables aux sociétés commerciales.
Pour les sociétés civiles, l’article 1854 permet aux statuts d’autoriser un acte en dehors d’une assemblée générale quand tous les associés seront cosignataires d’un acte authentique. Cette possibilité d’éviter le formalisme d’une assemblée générale a été étendue aux SARL par l’article 57 de la loi du 24/7/1966.
Com, 27/10/1975 : il ne peut y avoir reprise par la société que si l’associé a indiqué à son cocontractant qu’il agissait au nom d’une société en formation.
B/ Les conséquences de la reprise (art. 1843 du code civil).
La reprise est rétroactive : l’engagement résultant de l’acte est considéré comme un acte social dès l’origine. Cette rétroactivité légale fait qu’il n’y a qu’une seule mutation, et donc un seul droit de mutation à payer à l’administration fiscale. Le fondateur est délié de toute obligation à l’égard des tiers cocontractants : la reprise substitue un débiteur à un autre.
Si la société ne reprend pas les actes souscrits à son compte, ou qu’elle les reprend irrégulièrement, la responsabilité englobe seulement les associés qui ont passé l’acte ou qui ont donné mandat de le passer, sans incomber aux personnes qui lui sont restées étrangères, même si elles ont pu acquérir par ailleurs la qualité de fondateur (Com, 7/4/1992). Leur responsabilité sera indéfinie et solidaire si la société est commerciale par la forme ou par l’objet ; indéfinie et conjointe si la société est civile.
CA Paris, 24/2/1977 : le mécanisme de la reprise ne peut servir que pour reprendre les actes juridiques, à l’exclusion de la responsabilité des actes délictuels ou quasi-délictuels des associés.
§2 : La société en participation.
A/ Définition.
Les associés conviennent de ne pas procéder à la formalité de l’immatriculation, tout en posant les bases d’une véritable société. Ils ne cherchent pas à créer un être moral distinct des associés, mais à rester propriétaire des biens qu’ils mettent à la disposition de la société.
Ce genre de société est un instrument de coopération utile dans la vie des affaires. Elle peut tendre à des finalités très variées : exploitation de chantiers importants pour des groupes de BTP, coproduction d’œuvres de cinéma, mise en commun des moyens et des risques en matière bancaire ou d’assurance,…
Depuis la loi du 4/1/1978, le caractère occulte n’est plus un critère de la société en participation.
B/ Régime juridique.
ÄToutes les conditions légales du contrat de société doivent être réunies. Toutefois, les apports sont seulement mis à la disposition de la société, soit sans aliénation (art. 1872 al.1 du code civil), soit en tant que bien indivis, alimentant la masse des droits détenus en indivision par les associés (art. 1872 al.3).
Ä Les participants peuvent librement choisir l’objet, le fonctionnement et les conditions de la société en participation. La loi renvoie à titre supplétif aux dispositions relatives aux SNC si la société en participation a un caractère commercial, ou aux sociétés civiles dans l’hypothèse contraire. Il n’est pas nécessaire d’établir un écrit, mais dans les faits, ces sociétés sont en général établies par écrit (document sommaire ou différents actes juridiques). Le droit fiscal incite à l’établissement d’un écrit car il soumet le régime de l’impôt sur le revenu et le bénéfice de la transparence fiscale, à la communication à l’administration du nom et de l’adresse des associés, ce qui est fourni par un écrit établissant la société.
Ä La responsabilité des associés à l’égard des tiers : l’article 1872-1 du code civil prévoit que, dans le cas où la société est occulte, chaque associé contracte en son nom personnel, et est seul engagé à l’égard des tiers. Si la société est ostensible, la responsabilité des associés est collective entre tous ceux qui se sont fait connaître des tiers : ceux qui sont restés dans l’anonymat ne seront pas responsables.
Com, 15/7/1987 : les associés ne seront collectivement responsables que s’ils se sont eux-mêmes manifestés par des actes qui leur sont personnels. La Cour de cassation admet tout de même que le nom des associés est officiel à l’égard des tiers, quand il figure sur les camions, sur le carnet de commande,…
Le régime de responsabilité collective s’applique de plus, en vertu d’une présomption lorsque l’associé a laissé croire qu’il entendait s’engager à son égard en s’immisçant dans la gestion, ou quand l’engagement a tourné au profit d’un associé resté anonyme (art. 1872-1 al.3 du code civil).
§3 : La société créée de fait.
A/ Définition.
Cette notion a été forgée par la doctrine (Doyen J. Emar) pour la distinguer de la société de fait.
La société créée de fait réunit tous les éléments du contrat de société, mais ne les révèle qu’à travers le comportement de 2 ou plusieurs personnes travaillant ensemble, partageant le résultat de leur travail, et donnant l’impression d’être animés par un affectio societatis, entendu ici comme la manifestation de l’intention de partager les produits et charges résultants de l’activité.
La société de fait est une société qui continue à fonctionner après avoir été annulée par justice suite à un vice de constitution. Elle découle des dispositions relatives à la liquidation des sociétés frappées de nullité : c’est une société devenue de fait. La société de fait et la société créée de fait ont longtemps été confondu, mais ce n’est pas très grave dans la mesure où elles sont soumises au même régime juridique.
La société en formation se distingue de la société créée de fait par une activité surtout limitée aux opérations indispensables pour le début d’exploitation de l’entreprise commune. La société créée de fait se caractérise 3 éléments : une activité dépassant les seuls actes nécessaires à la création de la société ; une activité importante ; une activité affectée d’une certaine durée. La jurisprudence ne fait pas un critère absolue de l’absence totale d’actes d’exploitation : Com, 9/11/1987 et 20/11/1990 admet que des personnes agissant comme des fondateurs pouvaient entreprendre immédiatement une exploitation commerciale de faible importance, s’ils ont engagé en parallèle une démarche en vue de l’immatriculation de la société.
Pourtant, l’enjeu d’un distinction nette est de taille : les associés d’une société créée de fait sont tous engagés à l’égard des tiers ; dans une société en formation, seuls les associés qui ont personnellement agi (fondateurs ou par le biais d’un mandat) peuvent être tenus à l’égard des tiers.