§1 : A l’égard des sujets du DI.
L’opposabilité des règles coutumières varie selon sa portée ratione loci.
A/ Les coutumes générales.
Elles concernent l’ensemble des Etats de la communauté internationale.
Opposabilité générale : – la coutume sera opposable à un Etat, même s’il n’a pas directement participé à sa formation : un Etat qui n’a rien fait sera lié par la coutume internationale formée par d’autres Etats.
– la coutume sera opposable à un Etat, même s’il ne l’a pas expressément accepté.
– l’Etat peut expressément rejeter une coutume en élevant une objection persistante au moment de sa formation (thèse de l’objecteur persistant en DI). L’objection doit émaner d’un organe capable d’engager l’Etat au niveau international ; elle doit être émise au moment précis de la formation de la coutume (CIJ, 18/12/1951 Affaire des pêcheries anglo-norvégiennes) ; et elle doit être persistante, ce qui suppose une continuité du comportement de l’Etat dans son refus de la coutume. Il n’y a pas d’autres exemples depuis 1951.
Les Etats nouveaux sont soumis à la thèse de l’objection persistante, bien qu’ils n’existaient pas lors de la formation de la coutume : ils sont donc liés par toute coutume internationale. Ils sont liés par le droit coutumier du seul fait de leur statut d’Etat : ce serait inhérent au statut d’Etat.
– un Etat va se voir opposer des coutumes créées par d’autres Etats. La coutume créée par une OI liera ses Etats membres si elle rentre dans son domaine de compétence (sauf objection persistante). Si elle déborde du domaine de compétence (excès de pouvoir), les Etats membres ne sont pas liés. Une coutume créée par une OI ne sera pas opposable aux Etats non membres, sauf s’ils l’ont accepté.
Þ La coutume lie les Etats de la communauté internationale de façon beaucoup plus contraignante que les traités : par principe, elle s’applique uniformément à l’égard de tous les Etats.
Différences avec les traités : – on ne peut pas formuler de réserve à une coutume ;
– elle est opposable à tout Etat, même s’il ne l’a pas expressément accepté ;
– on ne peut pas se dégager d’une coutume comme on se retire d’un traité.
B/ Les coutumes régionales et locales.
Les coutumes régionales ne lient qu’un groupe d’Etats d’une même région. Leur existence a été reconnue par CIJ, 20/11/1950 Affaire du Droit d’asile. Cet arrêt précise que les Etats ne seront liés juridiquement par la coutume que s’ils ont directement participer à sa formation. Cette règle s’applique aussi aux coutumes locales : c’est l’inverse de la coutume générale.
Les coutumes locales ne lient que deux Etats. Leur existence a été reconnue dans une seule affaire : CIJ, 2/4/1960 Affaire du Droit de passage en territoire indien.
§2 : A l’égard des normes du DIP.
A/ Les rapports des coutumes avec les autres normes en dehors de toute codification.
1) Les rapports entre deux coutumes.
Lorsque deux coutumes générales portent sur le même objet, la coutume nouvelle modifie la coutume antérieure, et l’emporte donc sur elle.
Lorsqu’une coutume spéciale concerne un domaine régis par une coutume générale, la coutume spéciale peut déroger à la coutume générale, qu’elle lui soit postérieure ou antérieure.
Lorsqu’une coutume générale et une coutume régionale ou locale portent sur le même objet, la coutume régionale ou locale pourra l’emporter sur la coutume générale à condition de ne pas porter atteinte aux droits des tiers (Etats non concernés par la coutume locale, mais concernés par la coutume générale). Cette règle a été dégagée par CIJ, 20/11/1950 Affaire du Droit d’asile. En cas d’atteinte aux droits des tiers, la responsabilité internationale de l’Etat fautif pourra être engagée.
2) Les rapports entre une coutume et un traité (en dehors de toute codification).
a_ La coutume peut être modifiée ou complétée par un traité.
Les Etats peuvent prendre par voie conventionnelle, des règles qui modifient ou complètent les règles coutumières. Dans ce cas, le nombre des Etats parties à la convention sera nécessairement plus faible que le nombre des Etats concernés par la coutume générale : le traité ne peut modifier la coutume que dans le respect des droits des Etats tiers (Etats concernés par la coutume, mais pas parties au traité).
La Convention de Vienne de 1969 ne traite pas cette question, car les Etats n’ont pas réussi à s’entendre sur ce point lors de sa rédaction.
b_ La coutume peut modifier, compléter ou abroger un traité.
CIJ avis, 21/6/1971 Affaire du Sud-Ouest Africain : une coutume postérieure peut modifier ou compléter un traité antérieur. Ainsi, l’article 27 de la Charte des Nations-Unies prévoit l’adoption de résolutions par le CSONU avec le vote positif des 5 membres permanents, mais la pratique de ces membres permanents a consacré une règle coutumière modifiant cette règle.
3) Les rapports entre une coutume et un acte unilatéral.
a_ Les rapports entre une norme coutumière et un acte juridique unilatéral étatique.
La coutume l’emporte sur les actes juridiques unilatéraux étatiques, qu’elle leur soit postérieure ou antérieure. Si un Etat prend un tel acte en contradiction avec une coutume générale, l’acte sera illicite.
Il existe une exception pour les actes unilatéraux qui expriment une objection persistante à la coutume.
b_ Les rapports entre une norme coutumière et un acte juridique unilatéral d’une OI.
Face à une recommandation (résolution dénuée de force obligatoire), la coutume primera toujours qu’elle soit antérieure ou postérieure. Cette résolution peut exprimer une opinio juris : si une pratique conforme existe, une nouvelle coutume naîtra et primera sur la coutume ancienne.
Face à une décision (résolution pourvue de force obligatoire pour les Etats membres de l’OI), il semble que les coutumes les plus fondamentales du DI primeront. La CIJ a en effet affirmé que les résolutions du CSONU devaient respecter les grands principes du DI (CIJ, 21/6/1971 Affaire du Sud-Ouest Africain ; CIJ, 14/4/1992 Affaire Lockerbie).
4) Les rapports entre la coutume et les PGD.
Les PGD sont des principes souvent issus du droit interne et directement transposés au niveau du droit international (principe du contradictoire, principe d’égalité des parties devant un juge,…).
Le principe serait que la coutume général l’emporte sur ces PGD.
B/ La codification et ses répercussions.
1) Le contenu de la codification.
a_ Notion.
Il s’agit de la formulation écrite de la règle coutumière : on inscrit les coutumes dans un texte qui les regroupe et les classe. La codification est souvent associée au processus du développement progressif du droit. Toutefois, dans ce dernier, il s’agit de la création et de l’affirmation d’une règle nouvelle, alors que la codification consiste simplement à écrire une règle existante.
Ces processus sont associés, car pour formuler une coutume par écrit, on est toujours amené à la compléter. Or, dès qu’on la complète, on ne transcrit plus le droit, mais on le crée.
b_ Les différentes formes et techniques.
Autrefois, la codification était doctrinale : elle se faisait dans des codes ou manuels de DIP. Ces codifications étaient donc dénuées de toute force obligatoire.
Aujourd’hui, la codification est assurée par la Commission du Droit International, qui est un organe subsidiaire de l’ONU créé en 1947, dont la mission principale est la codification du DIP et le développement progressif du droit. Elle est composée de 34 juristes indépendants des Etats, représentants toutes les régions du monde. La CDI travaille sur des projets élaborés par un rapporteur qui a recensé l’opinio juris des Etats sur différents sujets. Le projet est soumis à l’AGONU, repart devant la CDI qui le retravaille, puis il revient devant l’AGONU qui se prononce définitivement par le vote d’une résolution, qui : – en fait un simple modèle de règle, c’est-à-dire un texte dénué de force obligatoire.
– en fait un traité international, qui est donc soumis à la signature des Etats membres de l’ONU.
– en fait une simple déclaration solennelle, c’est-à-dire que le texte prend la valeur d’une résolution dénuée de force obligatoire (Ex : la Charte des Nations-Unies sur les droits de l’Homme de 1948).
– convoque une conférence internationale pour élaborer une convention internationale sur le sujet.
Þ La CDI est ainsi à l’origine de la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités, et des Conventions de 1961 et 1963 sur les relations diplomatiques et consulaires. Elle a aussi connu des échecs cuisants dans les domaines de la responsabilité internationale et de l’immunité de juridiction des Etats.
c_ Les avantages et inconvénients de la codification.
L’avantage premier est que cela permet de fixer de façon certaine la règle coutumière. On évite ainsi a priori les contestations, ce qui contribue à renforcer l’autorité de la règle coutumière.
L’inconvénient majeur est que la règle écrite prend le pas sur la règle coutumière, et que l’on perd ainsi la souplesse de la coutume. Tout dépendra de la force juridique de l’instrument de ratification.
2) Les répercussions.
a_ Persistance de la règle coutumière même codifiée.
Lorsque la codification par convention conduit à une modification même substantielle de la coutume, il faudra appliquer les règles relatives aux rapports entre traité et coutume.
Lorsque la convention n’entraîne pas de modification de la coutume existante, il y a persistance de la règle coutumière, et opposabilité de la convention de codification (CIJ, 10/5/1984 Affaire des activités militaires et paramilitaires des USA au Nicaragua et contre celui-ci : arrêt sur la compétence).
b_ Relance de la coutume par la codification.
La convention réalise une « cristallisation » de la coutume, c’est-à-dire une consolidation de l’existence d’une règle coutumière : la convention consolide l’existence d’une coutume en voie de formation. Cette solution a été affirmée par CIJ, 20/2/1969 Affaire du plateau continental de la Mer du Nord, qui a aussi posé les 4 conditions qui doivent être réunies pour qu’une convention soit à l’origine d’une règle coutumière : – la disposition conventionnelle qui cristallise la coutume doit avoir un caractère normatif.
– la convention doit fait l’objet d’une participation large et représentative des Etats, englobant les « Etats particulièrement intéressés ».
– la disposition en cause ne doit pas avoir fait l’objet d’une réserve.
– il faut une pratique conforme des Etats après l’entrée en vigueur de la convention.