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Introduction aux Libertés publiques


§1 : Spécificité et raisons d’être du cours.

A/ Sa spécificité : une matière réellement pluridisciplinaire.

L’objet de ce droit est l’étude des règles qui concourent à la consécration, l’aménagement et la protection des libertés publiques. Ce droit se trouve au carrefour de beaucoup de disciplines juridiques.

Les principales libertés publiques sont consacrées par des déclarations des droits, des préambules (droit constitutionnel) ou par des textes internationaux (DIP) ; leur aménagement fait appel au droit administratif (pouvoir de police) ; le droit pénal et la procédure pénale viennent garantir l’exercice de la liberté individuelle ; et on retrouve du DIP au niveau de la protection des libertés.

B/ Ses raisons d’être.

Ä Des raisons pédagogiques : ce cours est nécessaire à une formation juridique complète. Il permet aussi de décloisonner les différentes branches du droit.

Ä Des raisons théoriques : on a jamais autant entendu parler de libertés publiques et des droits de l’homme. Pour certains, c’est qu’ils sont en déclin, menacés ; pour d’autres cela tient au fait qu’ils sont en expansion (abolition du bloc communiste, progrès des droits de l’homme en Afrique, et même en France).
§2 : La notion de liberté publique.

A/ La liberté.

C’est une possibilité, un pouvoir d’autodétermination. Le droit étudie les règles qui régissent les conditions de formation et d’exercice des libertés (aspect relationnel).

B/ Les libertés publiques.

Pour certains, il existe des libertés privées accordées comme un privilège (droit de propriété,…) alors que les libertés publiques seraient reconnues à tous. Pour d’autres, la distinction tient aux relations qu’elles entraînent. Les libertés privées concernent les relations de privé à privé, alors que les libertés publiques concerneraient les relations de personnes publiques à citoyen. En fait, cette distinction est artificielle car il n’existe pas vraiment de libertés privées, toute liberté reconnue par le droit étant une liberté publique.

C/ Libertés publiques et Droits de l’Homme.

Ces deux notions sont employées indifféremment. Mais elles se distinguent pourtant sur deux points.

· Un plan différent : la notion de Droits de l’Homme est plus ancienne que celle de libertés publiques, mais son emploi a longtemps été réservé au plan international. Cette notion est rattachée à la théorie du droit naturel : l’homme possède des droits inhérents à sa nature, qui subsistent même si un Etat ne les reconnaît pas ou les bafoue ; les libertés publiques doivent être reconnues par un texte pour exister.

· Un contenu différent : – les libertés publiques sont considérées comme des pouvoirs de choix reconnu à l’individu, qui entraînent pour autrui la simple obligation de les respecter. Elles donnent un droit d’agir.

– les Droits de l’Homme constituent des droits d’exiger : la société doit fournir des prestations positives à l’individu titulaire de la créance.

Þ Les libertés publiques sont les pouvoirs d’autodétermination de la personne humaine ou des groupes que la puissance publique reconnaît, définit, aménage et garantit.
§1 : Les libertés publiques reconnues en droit français.

A la différence de certains pays, il n’y a pas de liste officielle. Pour en établir une, il faut confronter les textes qui consacrent ces libertés (DDHC 1789, préambule de 1946) avec les conventions internationales (CEDH,…) et certaines dispositions législatives (loi sur la liberté de la presse, d’association,…).

A/ La classification des libertés publiques reconnues.

· Selon la valeur des libertés publiques : libertés publiques fondamentales ou ordinaires. Le Conseil Constitutionnel utilise ce critère : les libertés fondamentales ne sont jamais soumises à autorisation préalable, ne peuvent pas être restreintes par la loi, et doivent être appliquées uniformément sur l’ensemble du territoire de la République (liberté d’association, de la presse,…).

· Selon l’objet : liberté d’aller et venir / de la presse / de conscience / … = une énumération.

· Selon le mode d’exercice de la liberté : libertés individuelles ou collectives.

1) Les libertés individuelles.

Chaque individu en est titulaire et peut les mettre en œuvre seul sans avoir à se concerter avec d’autres.

Ä Les libertés de la personne physique (= du corps) :

· La sûreté (« liberté individuelle proprement dite ») : elle a pour objet d’assurer la sécurité juridique de l’individu face au pouvoir (art. 7-8-9 de la DDHC). Cette fonction répressive doit être confiée à une autorité judiciaire distincte du pouvoir exécutif, présentant diverses garanties pour le citoyen (légalité des délits et peines, non rétroactivité des lois pénales, indépendance du juge, présomption d’innocence,…).

· La liberté de la vie privée. La vie privée est la sphère secrète de l’individu dont il peut refuser légitimement l’accès à autrui : elle est protégée par des dispositions ponctuelles (secret médical,…), par des conventions internationales (CEDH) et par la loi du 17/7/1970 consacrant le principe du droit de chacun au respect de sa vie privée, et renforçant les pouvoirs du juge pour faire cesser les atteintes à l’intimité de la vie privée.

· La liberté d’aller et venir : le Conseil Constitutionnel la reconnaît comme une liberté fondamentale depuis 1979. Elle est absolue pour un national qui veut se déplacer sur le territoire français ; plus relative pour un national voulant aller à l’étranger ; et réglementée pour un étranger voulant venir en France. Elle varie aussi selon le mode de déplacement : la liberté du piéton est plus forte que celle de l’automobiliste.

· Les libertés corporelles visent à exclure toute intervention d’un tiers dans la vie physique de la personne sans son consentement :           – le droit à la vie : les droits de donner la vie (liberté de procréer artificiellement ou non), de refuser de procréer (avortement,…) et de mettre fin à la vie (suicide, euthanasie,…).

– le droit à l’intégrité physique : une sanction pénale réprime ceux qui y portent atteinte (coups et blessures, torture,…), sauf atteintes légales pour motif de santé publique ou d’ordre public. En principe, le commerce du corps est interdit, sauf la prostitution. Le don de corps est possible, mais il existe des problèmes pour les prélèvements d’organes in vivo et post mortem.

Ä Les libertés de l’esprit : l’individu doit en jouir dans l’exercice de ses activités intellectuelles personnelles.

· Les libertés d’opinion (art. 10 DDHC): chaque individu est libre d’adopter et d’exprimer dans tout domaine l’opinion de son choix. L’Etat doit garantir cette liberté en respectant les opinions des citoyens (neutralité du SP) et en veillant à son respect dans leurs relations privées (employeurs/salariés).

· La liberté religieuse dépasse la liberté d’opinion. Elle comporte la liberté de conscience (choix entre croyance ou non) et celle de la pratique individuelle ou collective de la religion.

· La liberté de l’enseignement suscite des débats passionnés en raison de l’existence des enseignements public et privé.

· La liberté d’information et de communication regroupe les libertés de la presse (consacrée dès 1789 mais instituée en 1881 : doit être envisagée sous l’angle de la presse, du journaliste, du public,…) et la liberté de la communication individuelle (remonte à 1982 et vise radio et télévision : régime mixte avec des secteurs public et privé ; indépendance du pouvoir assurée par le CSA).

2) Les libertés collectives.

Elles appartiennent à chaque individu mais ne peuvent s’exercer que collectivement : chacun ne peut l’utiliser que si d’autres sont d’accords pour le faire en même temps et dans le même sens : des groupements momentanés (manifestation) ou permanents (associations, syndicats,…) naissent. Bien que consacrées plus tard que les libertés individuelles, elles ont pris une importance primordiale qui ne cesse de croître :      – liberté de réunion (1881) : quelques réglementations existent.

– liberté de manifestation : en général sur la voie publique. Reconnue par la CEDH, elle est assez mal vue en France, et son exercice est subordonné à diverses conditions (déclaration préalable,…).

– liberté d’association : elle a été consacrée en 1901 puis élevée au rang de PFRLR en 1971. Il est possible de dissoudre des associations, et il existe des régimes spécifiques (partis politiques,…).

B/ La valeur de la classification.

Elle est relative car :                                       – beaucoup de libertés débordent des catégories : la liberté de la presse est classée dans les libertés de l’esprit, mais pourrait aussi l’être dans les libertés collectives, économiques,…

– les différentes libertés sont étroitement solidaires. La liberté religieuse présente un aspect individuel (croire ou non), mais aussi collectif (liberté de réunion, de manifestation,…)

Les libertés sont les composantes d’un seul et même ensemble. Pour Riveiro, elles sont les pièces d’un même ensemble de civilisation que le droit ne fait que traduire.