Il s’agit de celui qui, par divers procédés, apporte son concours à l’auteur ou au coauteur d’une infraction. La complicité a longtemps été décrite comme un emprunt de la criminalité (de l’auteur principal). Cette analyse est excessive, et elle a été critiquée par de nombreux auteurs dont le Doyen Carbonnier, pour qui le complice aide en poursuivant lui-même un certain but. Il s’agit donc d’un emprunt de pénalité.
L’article 121-6 du nouveau code pénal dispose que « sera puni comme auteur le complice de l’infraction au sens de l’article 121-7″‘. Cette notion de « punir comme auteur » distingue le nouveau de l’ancien code pénal, puisque ce dernier prévoyait que le complice était puni « des mêmes peines que l’auteur principal ».
Section 1 : La condition préalable = une infraction principale punissable.
§1 : L’infraction principale, condition d’existence.
La Cour de cassation rappelle souvent (ex : dans un arrêt du 28/5/1990) que le fait principal constitue un des éléments nécessaires de la complicité.
A/ La nature de l’infraction.
L’article 121-7 du code pénal prévoit qu’il s’agit avant tout d’un crime ou d’un délit, c’est-à-dire une infraction intentionnelle.
En principe, ce n’est donc pas possible pour les délits non intentionnels car l’auteur principal n’ayant pas voulu le résultat, il est difficile d’admettre qu’il ai pu recevoir une assistance consciente pour commettre cet acte. Mais la cour de Chambéry a retenu cette possibilité, dans un arrêt du 8/3/1956 en retenant la complicité d’un homicide par imprudence à l’encontre de passagers d’un bobsleigh pour l’infraction réalisée par le conducteur. Cette solution est critiquable en raison du rôle que jouent les passagers d’un bobsleigh, qui de ce fait devraient plutôt être considérés comme coauteurs.
Par principe, la Cour de cassation refusait le complicité en matière de contravention, et utilisait la coaction. Mais depuis la réforme du code pénal, il est possible d’envisager cette extension car l’article 127 alinéa 2 (sur la complicité par instigation) vise celui qui aura provoqué une infraction, alors qu’avant la réforme il y avait seulement « crime ou délit ».
B/ Les caractères de l’infraction.
Elle doit toujours être punissable : le fait principal doit donc être prévu par la loi. Cette règle a posé problème dans le cas de suicide, mais depuis la loi de 1987, la provocation au suicide est incriminée comme un crime autonome (cette loi est reprise aux articles 223-13 à 223-16 du code pénal).
Elle doit au moins avoir été tentée : le désistement volontaire exclue donc la complicité. Le fait principal ne doit pas être couvert par un fait justificatif, une amnistie, ou par une impossibilité de poursuite due à la prescription de l’action publique, ou au retrait de la plainte.
Crim 27/11/1992 (affaire Touvier) : cassation en raison de la contradiction de motif contenue dans la décision de la chambre d’accusation, celle-ci déclarant que les assassinats perpétrés durant la seconde guerre mondiale contre des otages n’étaient pas des crimes contre l’humanité, et dans le même temps estimant que ces assassinats avaient été commis à l’instigation de responsables de la GESTAPO. Il existe donc une contradiction entre le refus d’y voir un crime, et l’utilisation de la notion d’instigation.
Quand l’infraction existe, l’auteur de l’infraction principale n’a pas à être directement puni = il peut y avoir une amnistie pour raison personnelle, non imputabilité, … sans que cela ne rejaillisse sur le sort du complice.
Si l’auteur principal est poursuivi et qu’il bénéficie d’une ordonnance de non-lieu en raison de l’absence de fait principal, les complices qui feraient l’objet de la même procédure ne pourraient pas non plus être condamnés. En revanche, la jurisprudence considère que les poursuites ultérieures contre l’auteur principal permettent la condamnation des complices en raison du caractère relatif de la chose jugée. Cette solution est très contestable sur l’analyse même de la complicité.
Crim 31/1/1996 : l’auteur principal et 3 complices, dont un est l’auteur moral, sont jugés. L’auteur principal et 2 complices sont acquittés par la Cour d’Assises, qui condamne le troisième pour complicité d’assassinat par instigation. Il forme un pourvoi en cassation au motif qu’il n’est pas possible d’être considéré comme l’instigateur d’une tentative de crime réputée inexistante au vue des acquittements prononcés par la Cour d’Assises : la Cour de cassation rejette, car le verdict négatif rendu en faveur de l’auteur principal et de certains des complices n’exclue pas la criminalité de l’action, et ne prouve pas que le délit n’a pas été commis.
§2 : L’emprunt de qualification.
Avant le code de 1994, le complice empruntait la criminalité de l’auteur principal. Aujourd’hui, il est condamné comme s’il était lui-même auteur de l’infraction, et les peines prononcées peuvent être les mêmes que celles prononcées contre l’auteur principal.
Ex : le parricide est puni plus sévèrement que le crime en raison du lien de parenté qui existe entre l’auteur et la victime. Avant 1994, le complice d’un parricide était puni des mêmes peines que l’auteur principal, et cette punition était automatique. Depuis 1994, la complice est puni comme l’auteur : celui qui commet le parricide sera puni de la peine aggravée, et le complice (puni comme auteur d’un crime) se verra appliquer la peine de droit commun en matière de crime (absence de lien de parenté avec la victime).
Le code pénal a changé la définition de la complicité en raison de la responsabilité pénale des personnes morales : une personne physique peut-être déclarée complice d’un acte imputé à la personne morale.
Dans la plupart des cas, il n’y a pas eu de changement entre les peines prononcées avant et après le nouveau code, mais il existe quelques différences quand on a affaire à des infractions à qualification aggravées.
Section 2 : L’acte de complicité.
§1 : L’élément matériel.
La complicité est définie par l’article 121-7 du code pénal : « Est complice d’un crime ou d’un délit la personne qui, sciemment, par aide ou assistance, en a facilité la préparation ou la conservation. Est également complice la personne, qui par don, promesse, menace, ordre abus d’autorité ou de pouvoir, aura provoqué à une infraction ou donné des instructions pour la commettre ».
Ä La complicité peut donc prendre la forme de provocations ou d’instructions : l’acte est en principe un acte positif, car il est difficile de concevoir une complicité pour une abstention (elle sera plutôt assimilée au fait principal).
Crim, 19/12/1989 : la Cour de cassation retient une complicité par abstention pour un parricide : la mère du parricide aurait facilité la commission du crime en n’empêchant pas l’enfant de saisir l’arme. Cette solution est contestable.
Ä Il doit s’agir d’actes antérieurs ou concomitants, qui ont facilité ou aidé la réalisation de l’infraction. Il ne peut pas y avoir de complicité du fait d’actes postérieurs à l’infraction. Si on veut les incriminer, il faut alors les assimiler à l’infraction principale (ex : depuis 1975, le recel est une infraction principale).
Ä La provocation doit avoir lieu par don, promesse, menace, abus d’autorité : un simple conseil sera donc insuffisant, car il faut un lien de causalité entre la provocation et l’infraction : l’organisation d’un piège de telle sorte que celui qui y tombe est obligé de commettre l’infraction est constitutif de complicité.
L’instruction fait penser à la provocation, mais en moins fort : dès lors, la complicité par instruction doit-elle avoir lieu par les mêmes moyens, ou une simple instruction suffit-elle ?
Crim 21/9/1994 : le passager d’une voiture qui incite le conducteur à ne pas obtempérer aux ordres des policiers, est complice en raison des ordres qu’il a donné, même s’il n’y avait aucun lieu de subordination entre le passager et son conducteur.
§2 : L’élément moral.
Il faut une intention coupable : elle joue un rôle essentiel puisque la matérialité de l’acte ne révèle pas à elle seule l’infraction. Cette intention peut prendre la forme d’un dol général ou d’un dol spécial dans certains cas : pour le complice, on trouve les deux.
Crim 23/1/1997 Papon : la Cour de cassation prend ses distances quand à cette idée en matière de crime contre l’humanité. Elle a considéré que le dernier alinéa de l’article 6 du statut du Tribunal militaire international de Nuremberg n’exigeait pas que le complice d’un crime contre l’humanité ai adhéré à la politique d’hégémonie idéologique suivie par les auteurs principaux (constitutif du dol spécial). Il est donc possible de poursuivre une personne pour crime contre l’humanité même en l’absence de dol même en l’absence de dol spécial.