A l’origine, en France, la consécration des libertés publiques a été confiée au pouvoir constituant : les constitutions révolutionnaires (précédées de déclaration) et celle de 1848 (précédée d’un préambule) comprenaient dans leurs corps même la garantie des droits et libertés des déclarations. Ces droits et libertés avaient donc valeur constitutionnelle. Jusqu’à la IIIème République, on retrouve cette garantie constitutionnelle des libertés, mais les lois constitutionnelles de 1875 sont muettes à ce sujet.
§1 : Le débat sous la IIIème République.
Aucune disposition constitutionnelle ne vient garantir les droits et libertés, qui relèvent donc du législatif. Inquiets de cette toute puissance législative, Duguy et Auriou ont voulu reconnaître une valeur constitutionnelle à la DDHC, en raison de l’existence d’une coutume constitutionnelle à laquelle la DDHC se serait incorporée avec le temps, et du fait que les droits reconnus par la DDHC sont des droits naturels, inaliénables, imprescriptibles, qui se trouvent de par leur nature au sommet de la hiérarchie des normes.
Esmin et Carré de Malberg ont critiqué cette thèse : depuis 1792, la DDHC n’a plus qu’une valeur philosophique et morale. Elle énonce des principes trop vagues pour constituer de vraies règles de droit.
Pour le CE, si la DDHC n’a pas de valeur juridique en elle-même, les principes qu’elle énonce peuvent être retenus comme PGD ayant une valeur juridique au maximum égale à celle des lois.
§2 : La valeur juridique du préambule de 1946.
La constitution de 1946 reconnaît des droits et libertés publiques, mais dans un préambule placé en tête de la constitution. Or, le contrôle du Comité constitutionnel était expressément limité aux titres de la constitution : une loi pouvait porter atteinte aux droits et libertés sans que le Comité puisse en être saisi. Les auteurs de la constitution n’auraient donc pas voulu donner une valeur constitutionnelle au préambule.
Les juridictions judiciaires lui ont accordé une vraie valeur juridique : le Tribunal civil de la Seine a cassé le 22/1/1947 une disposition testamentaire estimée contraire au préambule qui se réfère à la DDHC. Le CE considérait encore que la DDHC et le préambule n’avaient pas de valeur juridique en eux-mêmes, mais que le JA pouvait y puiser des PGD dont le respect s’impose aux autorités administratives, mais auxquels le législateur peut déroger. Pour la doctrine, le préambule avait valeur constitutionnelle du fait de son adoption en même temps que la constitution par le pouvoir constituant (référendum).
Il a tout de même été admis que l’on pouvait invoquer la méconnaissance de certaines dispositions, dès lors qu’elles sont assez précises pour que leur méconnaissance puisse être censurée : cela marque une certaine tendance à reconnaître la valeur constitutionnelle du préambule et des textes auxquels il renvoie.
§3 : La constitution de 1958.
Les constituants auraient voulu intégrer le préambule de 1946 et la DDHC à la constitution de 1958, car : – en acceptant la constitution par référendum, le peuple a donné valeur juridique au préambule.
– la constitution de 1958 ne reprend pas, s’agissant du Conseil constitutionnel, les réserves faites en 1946 à propos de la compétence du Comité constitutionnel.
Le Conseil constitutionnel dans sa décision du 16/7/1971 précise que le préambule fait partie de la constitution, de même que les textes auquel il fait référence, et à travers eux les PFRLR.
Pour constitutionnaliser un droit ou une liberté, le Conseil constitutionnel a d’abord invoqué des PFRLR, ce qui a été critiqué, car le caractère vague de la notion de PFRLR lui laissait un trop grand pouvoir d’interprétation et a fait craindre un « gouvernement des juges ». Aujourd’hui, il semble se référer davantage aux articles de la DDHC ou du préambule de 1946. Ainsi, en 1976, il a érigé la liberté d’opinion et de conscience en PFRLR, alors qu’il aurait pu se référer à l’art. 10 de la DDHC ; dans les décisions des 10-11/10/1984 à propos de la liberté de communication, il se réfère à l’art. 11 de la DDHC. Parfois, il englobe la liberté qu’il veut reconnaître dans une liberté plus large et qui a valeur constitutionnelle : le droit au respect de la vie privée a été consacré au travers de la liberté individuelle.
Le CE reconnaît une valeur constitutionnelle au préambule de 1958 et aux textes auxquels il renvoie depuis CE, 12/2/1960 Société Eky. Il se réfère aussi, quand il le peut, aux textes mêmes de la DDHC ou du préambule de 1946, et utilise moins les PGD. Depuis CE, 3/7/1996 Koné, il reconnaît l’existence de PFRLR : l’Etat doit refuser l’extradition d’un étranger quand elle est demandée dans un but politique.