Ce n’est pas un vrai système présidentiel, mais un système hybride.
La théorie de la démocratie socialiste s’est appliquée en URSS de 1921 (adoption de la constitution léniniste) jusqu’à 85, qui marque le point de départ de la tentative de réforme de cette constitution. Cette tentative va échouer car l’URSS, en tant qu’état disparaît en décembre 1991 pour faire place à la fédération de Russie.
L’évolution de l’URSS va s’enclencher difficilement à partir de 85, sous la poussée des événements d’Europe centrale, notamment de Pologne, qui rejette le modèle soviétique. L’URSS ne s’y opposera pas. En 85, Gorbatchev acceptera cette évolution mais refusera de céder sur des points essentiels, tels que l’abrogation de l’article 6 de la constitution (qui pose le principe selon lequel le rôle dirigeant du PC est de fonder la constitution du PC comme parti unique), ou la modification de son propre rôle (secrétaire général du PCUS et président du soviet suprême). Les réformes ont alors pour but de développer les assemblées et l’état de droit, et en 90, elles consistent à admettre la responsabilité d’un conseil de ministres devant les assemblées, et on commence à admettre le principe d’un chef d’état de toute l’union. Il manque deux choses aux réformes : l’abrogation du rôle dirigeant du PCUS et l’organisation des pouvoirs publics sur une base parlementaire.
Le coup d’état d’août 91 échoue, mais permet à Eltsine de remporter un succès. Deux actes du Congrès de décembre 91 adoptent une déclaration des droits de l’homme et proclament l’auto dissolution de l’URSS. La fédération de Russie succède à l’état soviétique.
Le référendum du 12/12/93 (53% de participation) adopte à une majorité de 60% la nouvelle constitution.
La prépondérance présidentielle dans l’exécutif bicéphale.
· Le statut du président.
Son statut est très influencé par la doctrine constitutionnelle américaine : il est élu au SUD pour 4 ans et il peut exercer au maximum 2 mandats successifs. Il n’y a pas de vice-présidence.
Les pouvoirs sont beaucoup plus importants que ceux d’un chef d’état de régime présidentiel : il est le garant de la constitution et des droits et libertés = il peut saisir la cour constitutionnelle pour des questions fédérales ou fédérées. Il détermine les orientations fondamentales de la politique intérieure et extérieure de l’état = il dispose d’un pouvoir décrétale autonome, indépendant du parlement et du gouvernement : le gouvernement devra prendre des décisions conformément aux décrets du président.
L’influence occidentale sur le président apparaît au niveau de son statut = prêter serment, responsabilité pénale, discours après élections,…
Le reste de ses attributs découle des prérogatives d’un chef d’état parlementaire telles qu’on peut les trouver dans la constitution française, c’est à dire le droit de dissolution, la demande de référendum, la présidence du conseil de gouvernement, le pouvoir de nomination des fonctionnaires fédéraux et des juges les plus importants, le pouvoir de création d’institutions fédérales dans les états fédérés. Il dispose d’un appareil administratif et militaire important pour exercer ses pouvoirs = il dispose directement des services de 3 ministères (défense, affaires étrangères, intérieur), et d’autres services lui sont rattachés (informations télé et radio, contre espionnage, communication et information gouvernementale,…)
· Le gouvernement.
Sa formation ressemble à ce qu’est un gouvernement en régime parlementaire. Il est nommé par le président avec l’approbation de la chambre basse : normalement, le président ne peut nommer le chef de gouvernement et les ministres que si la Douma les accepte. En cas de 3 refus successifs d’accepter la nomination du chef de gouvernement par la Douma, le président de la fédération peut dissoudre cette dernière, nommer un chef de gouvernement et organiser de nouvelles élections. En cas de conflit entre le président de la fédération et la Douma, le président a le dernier mot.
Par ailleurs, la constitution confère au président de la fédération le pouvoir de révoquer discrétionnairement le gouvernement ou les ministres. Le gouvernement se trouve dans une situation de double responsabilité devant le Parlement et le président = parlementarisme orléaniste. Dans la pratique, on constate que le président use facilement de ce pouvoir de révocation des ministres, ce qui semble une atteinte à la constitution qui prévoit seulement que les ministres sont nommés après approbation de la Douma, or le président ignore cette approbation.
Les attributions sont assez ambiguës : la tâche du chef de gouvernement est de définir les orientations fondamentales de l’activité gouvernementale, ce qui est différent de la politique qui revient au président. La répartition des compétences est donc tout à fait ambiguë car le président détermine les orientations fondamentales de la politique tandis que le gouvernement semble confiné dans un travail d’exécution subalterne. La primauté présidentielle dans l’exécutif est renforcée par d’autres dispositions : le président peut présider les conseils de gouvernement, et le gouvernement doit respecter les décrets présidentiels.
Le président de la fédération peut annuler les arrêtés gouvernementaux contraires à la constitution, aux lois fédérales et aux décrets du président. Ce pouvoir d’annulation est non définitif, car il consiste à suspendre les décisions dans l’attente des décisions des tribunaux. Il en résulte un déséquilibre des deux institutions de l’exécutif, le chef de l’état étant irresponsable politiquement (irresponsabilité pénale sauf haute trahison et actes graves) alors que le gouvernement est responsable politiquement (devant le parlement et le président) et ses décisions sont susceptibles de recours devant les juridictions.
On attend donc que la Cour constitutionnelle, instaurée en 93 mais qui ne fonctionne que depuis 94, crée une jurisprudence susceptible de clarifier cette répartition ambiguë des compétences.
Le fédéralisme.
La fédération de Russie est, comme l’URSS de 1924, un état fédéral. La question du fédéralisme a été au cœur des préoccupations des constituants mais dans l’ensemble elle est au cœur des préoccupations des politiques. L’URSS a sombré en décembre 1991 car les dirigeants d’alors ne sont pas parvenus à réformer les institutions du fédéralisme, telles qu’elles existaient dans la constitution de l’URSS. Le fédéralisme était prévu dans la constitution de l’URSS mais son authenticité était vidée par les mécanismes du régime de l’époque. C’est pour cette raison que les républiques de l’URSS, faute d’obtenir une révision des institutions du fédéralisme, à partir de 1990, vont se proclamer unilatéralement indépendante et par la suite, l’opinion publique reprochera à Gorbatchev d’avoir laissé l’URSS se démanteler et d’avoir été incapable de proposer de faire accepter par les républiques un nouveau pacte fédéral.
En conséquence, dans la constitution de 93 tout est fait pour empêcher un nouveau démantèlement de la fédération de Russie. Elle contient des institutions fédérales rénovées et des moyens de contrôle qui vont instaurer un système fédéral très centralisé.
· Le caractère du fédéralisme russe.
C’est un fédéralisme centralisé, caractérisé par les mécanismes de répartition des compétences. La constitution énumère dans son article 71 les compétences exclusives de la fédération (18 matières) ; l’article 72 énumère les compétences conjointes de la fédération et des états fédérés ; l’article 73 précise que les autres domaines sont de la compétence des sujets de la fédération.
Ce centralisme peut aussi être mis en œuvre par toute une série d’institutions et de pouvoirs de l’état central : la citoyenneté russe, une langue unique, le pouvoir pour le président de créer des institutions fédérales, de nommer des agents, de suspendre les actes des exécutifs fédérés et des autres sujets de la fédération (villes, régions,…). Les contrôles de l’état central ont pour but d’empêcher le démantèlement de la fédération.
· Les institutions du fédéralisme.
Elles sont d’au moins quatre natures : les sujets de la fédération (les entités fédérées, au nombre de 89), la chambre haute (le conseil de la fédération), les ministères fédéraux, les juridictions à compétence fédérale.
Les sujets sont représentés à la chambre haute et sont des entités territoriales disposant d’un minimum de statut dans la constitution fédérale. Il y a 21 républiques, 6 territoires, 49 régions, une région autonome, 2 villes fédérales (Moscou et Saint Petersbourg) et 10 districts autonomes. L’article 5 précise que seules les républiques ont droit à une constitution et à une législation.
Le conseil de la fédération est composé de 178 membres (2 par sujets) élus de façon provisoire selon un mode particulier. Parmi les représentants, l’un représente l’assemblée fédérée et l’autre l’exécutif fédéré. Ses attributions législatives et budgétaires sont partagées avec la Douma et certaines de ses attributions spécifiques se rapprochent de celles du Sénat américain. Mandat de 4 ans, et pas de procédure de dissolution.
Le gouvernement ne comprend plus aujourd’hui que des ministres fédéraux = des ministres à compétence fédérale, alors que sous le régime soviétique, le gouvernement comprenait aussi des ministres républicains.
Les cours de justice à compétence fédérale : La Cour Constitutionnelle de Russie a compétence pour contrôler la conformité à la constitution des lois fédérales et fédérées, des textes administratifs du gouvernement de la Russie et des gouvernements fédérés. Elle est composée de 19 juges nommés en partie par le président alors que l’autre partie est élue par des institutions comme le parlement. La Cour Suprême de la Fédération est compétente en matière civile, administrative et pénale. La Cour Supérieure d’Arbitrage ne connaît que des litiges économiques.
Le fédéralisme russe tel qu’il est prévu par la constitution se complète d’un traité fédéral du 31/3/92 destiné à délimiter les compétences entre l’état fédéral et les sujets. Ce traité a une importance capitale car il a été la condition essentielle pour que les sujets acceptent le nouveau projet de constitution.
Le parlement bicaméral.
La Douma et le Conseil de la fédération constituent l’assemblée fédérale, mais celle-ci ne siège regroupée que des circonstances exceptionnelles : pour élire les juges à la cour constitutionnelle, pour entendre les messages du président,…
La Douma comprend 450 députés élus pour 4 ans selon un double mode de scrutin : 225 membres sont élus au scrutin de liste à la RP (barrage de 5%), et les 225 restants sont élus au SM uninominal à un tour (25% au moins de participation). Elle vote son règlement et élit son président. Le conseil de la fédération comprend 178 membres (2 représentants par sujets), dont le mandat est de 4 ans.
Les parlementaires ne sont pas liés par des incompatibilités avec des fonctions ministérielles ou de chef d’exécutif local.
· Les pouvoirs des deux assemblées.
* La Douma d’état : elle dispose des pouvoirs classiques dans un régime parlementaire : l’initiative législative, le vote du budget fédéral, le pouvoir d’approbation du chef de gouvernement, la motion de censure et la question de confiance (procédures identiques qui laissent le dernier mot au président, celui-ci pouvant décider de renvoyer le gouvernement ou de dissoudre la Douma). Elle seule peut renverser le gouvernement et être dissoute. Elle assure aussi la mise en accusation dans la procédure de la responsabilité pénale du président pour haute trahison.
* Le conseil de la fédération : il partage avec la Douma des compétences normales : initiative législative, vote du budget, contrôle du gouvernement. La constitution prévoit que, pour les lois fédérales, il doit se prononcer dans les 14 jours suivant la transmission du texte. A défaut, le texte est considéré comme approuvé tacitement, et en cas de conflit entre les deux chambres, la Douma a le dernier mot et adopte le texte à la majorité des 2/3. La constitution impose que l’examen par le conseil de la fédération ait lieu dans certaines hypothèses (art. 106) : budget fédéral, impôts fédéraux, déclaration de guerre, modification des frontières à l’intérieur de la Russie.
L’initiative législative appartient aux deux chambres, mais aussi au président fédéral, au gouvernement, aux parlements fédérés et aux 3 juridictions suprêmes.
· Les rapports Président / Parlement.
Le président se trouve en situation dominante, car au terme des différentes hypothèses, il a le dernier mot.
Dans l’investiture du PM (art. 111), au bout du troisième refus de la Douma d’investir le PM, il peut décider de dissoudre la Douma.
Pour la motion de censure et la question de confiance (art. 117), il peut accepter la démission du gouvernement ou décider de dissoudre la Douma.
D’autres éléments tendent à prouver sa situation dominante = il a l’initiative législative, il peut décider de l’organisation d’un référendum, et on trouve les mêmes rapports que sous la Cinquième République en France, mais de façon accentués.
· La révision de la constitution.
Les chapitres 1,2 et 9, relatifs aux fondements constitutionnels, aux droits de l’homme, et à la révision de la constitution, sont soumis à une procédure particulière : les deux chambres doivent approuver le texte à la majorité des 3/5, puis une assemblée constituante réunie pour l’occasion choisit entre un vote à la majorité des 2/3 et un recours à un référendum.
Pour les autres chapitres, le projet de révision doit être approuvé à la majorité des 3/5 à la Douma, et à la majorité des ¾ au conseil de la fédération. Ensuite, le texte doit être ratifié par les 2/3 des sujets de la fédération (= 60).
La nature hybride du système russe actuel.
Chaque observateur reconnaît que ce système est inclassable : au mieux il est mixte ou hybride. Cette même doctrine explique ce constat par le fait que la préparation de la constitution a été influencée par la doctrine constitutionnelle américaine ou européenne (surtout française). On trouve aussi certains traits de la tradition soviétique.
Les éléments ressortant du système présidentiel sont contenus dans le statut du président (élection au SUD, procédure de destitution, plus de pouvoirs que les présidents américain ou français), dans ses attributions,…
Les éléments du régime parlementaire ressortent dans la dualité de l’exécutif (responsabilité devant la chambre basse de la deuxième tête), du partage de l’initiative législative (entre l’assemblée et le gouvernement).
Ce régime apparaît en tous les cas déséquilibré tant les pouvoirs du président sont forts.