Définition de la coutume: c’est un fait qui devient une règle juridique. Un comportement spontané reproduit pourra devenir obligatoire sous peine d’être sanctionné par le droit international.
La position du problème
Distinction entre :
- le processus coutumier : l’ensemble des modalités concrètes qui conduisent à la formation des normes coutumières.
- la norme coutumière : le résultat du processus.
Les éléments constitutifs de la coutume sont :
- la pratique (élément matériel)
- l’opinio juris : la conviction d’agir conformément au droit.
Ces deux éléments sont soit envisagés comme élément de formation de la coutume, soit seulement comme éléments d’existence.
La question du fondement ne peut être résolue d’un point de vue théorique.
La théorie volontariste enseigne qu’une volonté tacite des Etats existe à la base des coutumes. L’opinio juris fonde le caractère obligatoire de la coutume, car il est un accord tacite. Cette théorie mène à une application limitée de la coutume vis-à-vis des seuls Etats consentants.
La thèse des objectivistes considère que la coutume est reconnue comme une nécessité sociale, et donc comme une norme liant les Etats dans certains domaines. La coutume est obligatoire, en ce qu’elle est conforme aux intérêts supérieurs de la communauté internationale. L’opinio juris est une conviction commune de l’ensemble des Etats de la communauté internationale.
Þ CPJI, 7/9/1927 Affaire du Lotus adopte la thèse objectiviste.
Les différents processus de formation de la coutume
Le processus classique
Formation progressive
On considère que la coutume se forme par un usage qui se répète par un long laps de temps.
Il faut:
- une répétition des précédents
- l’homogénéité de ces précédents
- de la durée : un long délai dans le temps pour que se répète les précédents
CIJ, 12/4/1960 Affaire du droit de passage en territoire indien (Portugal c/ Inde) : elle a considéré qu’il y avait une règle coutumière qui s’était créée entre les deux Etats en reprenant ces 3 conditions.
Formation spontanée
La coutume est le produit d’une évolution dans le temps : elle provient d’un changement graduel dans le comportement des Etats. A la différence des traités, il n’y a ni stratégie, ni volonté délibérée.
C’est une coutume sage : une coutume stabilisatrice visant à refléter les intérêts des Etats sur un grand nombre d’années. La coutume traditionnelle a au contraire une fonction conservatrice du DI : elle a donc beaucoup plus de chance d’être suivie.
Les éléments contemporains de formation de la coutume
De nouveaux moyens de formation sont apparus, marquant l’abandon du facteur temps dans la formation de la coutume internationale : les coutumes sauvages sont adoptées plus rapidement.
- Un large consensus obtenu dans le cadre de l’adoption de certaines résolutions de grandes OI peut donner naissance à une coutume.
Ce sera le cas avec les OI de la Famille des Nations-Unies (ONU, OIT, UNESCO, OMS). Ces résolutions traduisent quasi instantanément une opinio juris internationale.
L’adoption de la Charte Universelle des Droits de l’Homme par une résolution de l’AGONU a ainsi donné lieu à des coutumes internationales en matière de Droit de l’Homme. Cette opinio juris internationale en elle-même ne crée pas la coutume : il faut en plus une pratique internationale suivie par les Etats.
Avis CIJ, 8/7/1996 Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires : il existe une opinio juris en faveur de l’interdiction de l’utilisation de cette arme (beaucoup de résolution d’AG dans ce sens), mais il n’y a pas de pratique assez uniforme pour créer une règle coutumière (dissuasion et non pas interdiction). - La coutume résulte d’une pratique immédiate et instantanée des Etats, liée à la mise en place d’une conférence internationale.
Ces conférences étant souvent longues, les Etats adoptent certaines pratiques avant de signer le traité. Ex : lors des conférences sur le droit de la mer (1958 à 1982), les Etats latino-américains ont élargi leur mer territorial à 200 miles marins : les Etats ont adopté des ZEE de 200 miles. La Convention de Montego Bay (1982) a consacré cette règle coutumière, qui était née instantanément.
Þ Le processus contemporain comporte des différences avec le processus classique.
La formation de la coutume:
- n’a plus de caractère progressif, car la pratique est quasiment instantanée.
CIJ, 20/2/1969 Affaire de la délimitation du plateau continental de la Mer du Nord : le facteur temps n’est plus considéré comme un élément nécessaire à la formation d’une coutume internationale. - n’a plus de caractère spontané. Il y a des volontés délibérées de certains Etats de la créer.
Plusieurs raisons:
- les Etats sont plus interdépendants : les Etats voisins adoptent les mêmes pratiques.
- les OI contribuent à l’élaboration des coutumes (lieu de concertation ou de réunion).
- les Etats du tiers monde veulent promouvoir un nouvel ordre juridique international.
La coutume sauvage est adoptée rapidement : elle est déstabilisatrice, car elle cherche à changer le droit. Cette notion de coutume sauvage est aujourd’hui abandonnée, les tensions avec les Etats du Tiers-Monde s’étant apaisées. Les règles coutumières adoptées à l’heure actuelle sont de simples réformes et non plus de révolutions. Ces nouvelles coutumes coexistent avec celles élaborées par le processus classique, qui est encore privilégié dans certains cas, les coutumes classiques étant moins contestées.
En tant que processus de formation:
- l’opinio juris prend la forme d’un accord exprès clair et net lorsqu’il est traduit par les résolutions d’AG, mais prend la forme d’un accord mou ni clair ni net, lorsqu’il résulte d’une conférence internationale.
- la pratique précède l’opinio juris en cas de conférence internationale, elle suit l’opinio juris en cas de résolution d’AG.
Les critères d’existence de la coutume
Les deux critères d’existence de la coutume
L’élément matériel : la pratique.
La recherche de la pratique des sujets du DI.
Les actes peuvent résulter de tout sujet de droit international : Etat, OI, organisations judiciaires et arbitrales, ONG, mouvements de libération nationale.
Les actes à portée :
- externe : les traités des Etats conclus entre eux ou avec des OI ; les actes concertés non conventionnels (indices du comportement des Etats, même s’ils n’ont pas de force obligatoire) ; les actes unilatéraux (déclarations, notes diplomatiques traduisant le comportement des Etats).
- interne : les lois nationales des Etats (indices de leur comportement : ZEE), les décisions judiciaires internes (le juge interne applique le DI et le droit interne : il exprime donc la position d’un Etat face à l’application de la règle coutumière) ; les actes de l’exécutif (décrets et règlements).
Les actes des particuliers ne peuvent traduire le comportement de l’Etat, qui résulte uniquement des actes émis par les organes de l’Etat. Ces actes peuvent être exprès ou tacites, le silence valant toujours acquiescement en DI.
L’acte matériel peut résulter d’un comportement positif ou d’une abstention. CPJI, 7/9/1927 Affaire du Lotus ; CIJ 18/12/1951 Affaire des Pêcheries anglo-norvégiennes : une abstention peut être à l’origine d’une coutume internationale.
Constance et cohérence de la pratique des États
Il ne doit pas s’agir d’un seul acte isolé. La répétition doit se faire sur une certaine durée. Il faut une certaine fréquence de l’acte.
Cohérence : il ne faut pas d’actes contradictoires. La pratique doit être uniforme.
Þ Une jurisprudence très riche a affirmé ces critères.
- CIJ, 20/11/1950 Affaire du Droit d’asile : la pratique des Etats doit être constante, cohérente, et uniforme
- CIJ 27/6/1986 Affaire des activités militaires et para-militaires des USA au Nicaragua et contre celui-ci : la pratique des Etats ne doit pas forcément être parfaite.
Généralité de la pratique
Dans une première acception, la pratique générale n’est ni unanime, ni systématique. Cette définition a été retenue par CIJ, 27/6/1986 Affaire des activités militaires et para-militaires des USA au Nicaragua et contre celui-ci, afin de reconnaître le caractère coutumier de l’interdiction du recours à la force.
Dans une seconde acception, une pratique sera générale si elle est suivie par un nombre suffisant d’Etats « particulièrement intéressés » à la règle coutumière.
Cette conception a été utilisée par CIJ, 20/2/1969 Affaire du plateau continental de la Mer du Nord.
L’élément psychologique : l’opinio juris sive necessitatis
Il s’agit de la conviction d’accomplir une obligation juridique. Cet élément a été consacré par l’art.38 du statut de la CPJI, repris dans celui de la CIJ : il parle de « pratique acceptée comme étant le droit ».
CIJ, 20/2/1969 Affaire du plateau continental de la Mer du Nord : il faut rechercher si cet élément existe, afin de bien le distinguer des actes accomplis par courtoisie ou tradition.
Avis CIJ, 8/7/1996 Licéité de l’emploi de l’arme nucléaire : il existe une pratique générale, mais pas d’opinio juris claire et précise en faveur du non emploi de l’arme nucléaire.
L’existence de l’opinio juris
On essaye de la prouver :
- par l’induction de la pratique. La pratique des Etats exprimerait leur opinio juris. C’est le processus d’analyse auquel s’est livré CIJ, 12/10/1984 Affaire de la délimitation des frontières maritimes dans la région du Golfe du Maine (Canada c/ USA).
- par détermination autonome : la manière dont les actes sont accomplis permet de distinguer ceux qui expriment ou non l’opinio juris. La CIJ a essayé de le démontrer dans CIJ, 20/2/1969 Affaire du Plateau continental dans la Mer du Nord.
Caractère général.
Il faut l’opinio juris d’une grande majorité d’Etats de la communauté internationale, ces Etats étant suffisamment représentatifs de l’ensemble des systèmes juridiques et de l’ensemble des régions du monde. Ce critère a été posé par la sentence arbitrale du 19/1/1977 Texaco Calasiatic.
Cette généralité s’applique aussi aux actes prouvant l’opinio juris.
Þ Ces deux critères sont nécessaires et suffisants.
Constatation de l’existence d’une coutume.
La constatation de l’existence d’une coutume nécessite l’intervention de personnes chargées de la formuler. L’interprète participe parfois à la formation de la coutume.
- Les sujets qui constatent l’existence de la coutume : les Etats, les OI, les juridictions internes et internationales (application d’une coutume à un différent), la Commission du DI (codifie les coutumes), et la doctrine internationaliste (les manuels de DIP peuvent contribuer à la formation d’une coutume).
- L’importance de leur travail vis-à-vis des règles coutumières : ils ne créent pas la coutume, mais se contentent de la constater. Il faut les deux éléments constitutifs de la coutume.
Ils peuvent participer indirectement à la formation d’une coutume, ou peuvent la consolider
La CDI doit codifier les règles coutumières, et formuler le droit progressif (du droit nouveau) lorsqu’une matière n’est pas réglementée. Souvent, en formulant les règles coutumières, elle les complète, et ces nouvelles règles vont s’imposer aux Etats.
La CIJ a eu un grand rôle dans la consolidation et l’élaboration des coutumes dans les affaires de Délimitation maritime. Les principes qu’elle dégage dans ses arrêts ont tendance à être considérés par les Etats comme des principes du droit coutumier.
- La preuve de la coutume : elle incombe à celui qui l’invoque, que ce soit en matière contentieuse ou diplomatique. Cette preuve est difficile, car les actes diplomatiques qui ont pu créer la coutume ne sont pas toujours publiés (effort récent en ce sens).