Le droit du travail est une matière complexe : – il est très réglementé. La connaissance de la discipline est rendue difficile de par la multiplicité des sources du droit du travail, et du fait qu’il s’agit d’une discipline éminemment jurisprudentielle. Certains auteurs ont préconisé de « brûler le code du travail », ce qui peut avoir deux significations : simplifier le code du travail, réduire les textes, les rendre plus lisibles pour rendre le code plus opératoire ; ou retourner au droit commun des contrats, dans lequel les parties sont libres de contracter sans aucune contrainte légale ni administrative. Cette seconde analyse marquerait un véritable retour en arrière en rapprochant le contrat de travail, du contrat de louage de service.
– il est au cœur des choix politiques, et reflète les grandes orientations économiques et sociales. Il existe une interaction entre le droit du travail et l’orientation économique (le contenu des lois Aubry sur les 35H est inséparable des contraintes économiques ; la législation sur le travail précaire a été modifiée à chaque changement de tendance du gouvernement), et entre le droit du travail et les orientations sociales (problème du travail du dimanche).
I/ Les frontières du droit du travail.
A/ Le droit du travail, une branche du droit social.
Le droit social comprend deux branches : le droit du travail et le droit de la sécurité sociale.
Le social est tout ce qui se rapporte à la société.
L’adjectif « social » a entretenu ces 100 dernières années des rapports étroits avec ce qui relève du monde des travailleurs, et en ce sens, le droit du travail est bien le droit des travailleurs.
Le social est aussi ce qui est en rapport avec le collectif. Le droit social contient l’idée d’un droit collectif.
L’idée du social contient aussi l’idée de rétablir des équilibres entre des parties qui ne sont pas dans une situation d’égalité (aide aux personnes « fragilisées »). L’origine historique du droit du travail est la protection du travailleur, qui est en état d’infériorité par rapport à l’employeur.
Initialement, le droit du travail s’intéressait aux travailleurs qui travaillent, alors que la sécurité sociale s’intéressait aux travailleurs sans emploi (fournir un revenu de remplacement). Aujourd’hui, ces deux branches sont relativement autonomes, notamment en raison de l’évolution de la sécurité sociale. La loi sur la Couverture Maladie Universelle, entrée en vigueur au 1/1/2000, témoigne de l’élargissement du champs d’action de la sécurité sociale à l’ensemble des travailleurs. Il existe toutefois entre ces deux branches des points de rencontre (définition uniforme du travailleur salarié,…) et de chevauchement (une salariée enceinte dépend du droit du travail pour ce qui est de la suspension du contrat, et du droit de la sécurité sociale pour son revenu de remplacement).
B/ Le droit du travail salarié.
Il était autrefois nommé « législation ouvrière » ou « législation industrielle ». Ce changement de terminologie a marqué une extension du champs d’application du droit du travail, qui a vocation à s’appliquer à tous les salariés. Il régit les relations de travail salarié, mais pas celles de travail indépendant. La notion de droit du travail est donc trop large, mais aussi trop réduite car elle ne fait pas référence à un pan important du droit du travail, le droit de l’emploi.
Þ Aujourd’hui, le droit du travail est le droit du travail subordonné (= exercé dans un cadre contractuel).
C/ Le droit du travail, un droit né des relations individuelles et collectives de travail.
Les relations collectives de travail sont les relations nouées entre un employeur ou un groupe d’employeurs, et les salariés établis en groupement (syndicat,…).
D/ Le droit du travail et le droit des contrats.
Ä Une dépendance envers le droit des contrats : le droit du travail emprunte incontestablement au droit des contrats, et plus généralement au droit des obligations. Le contrat de travail est un contrat.
Originellement, le contrat de travail est un contrat de louage de services réglementé par l’art.1779 c.civ. Pour Teyssié, le droit du travail est autonome mais pas indépendant du droit civil : il puise beaucoup de règles fondatrices dans le droit des contrats (conditions de formation, d’exécution ou de rupture). L’existence de dispositions spéciales dans le code du travail exclut l’application des règles civiles, mais, a contrario, en l’absence de dispositions spéciales, il faut se référer au code civil.
Ä L’autonomie du droit du travail : – en cas de lacune du droit du travail pour régler des questions précises, le juge fait d’avantage appel à des dispositions connexes du droit du travail plutôt qu’au droit civil, et, même lorsque ce dernier s’applique en droit du travail, il est aménagé. Ainsi, dans certaines circonstances, l’employeur peut, sous certaines conditions, dispenser l’employé d’exécuter sa prestation de travail pour ne pas avoir à le payer.
Les civilistes se sont longtemps méfiés du droit du travail qu’ils soupçonnaient d’être un droit de classe (classe ouvrière) minant l’unité du droit civil, tandis que les travaillistes se méfiaient du droit civil qu’ils considéraient comme un droit de classe (classe capitaliste). Des rapports complexes en résultent : le droit du travail cherche notamment la sécurité des individus, alors que le droit civil vise à gérer une situation où les individus n’ont plus la maîtrise de leurs corps, insérés dans une organisation conçue par autrui.
– en droit du travail, la volonté se soumet dans la relation de travail, alors que dans le contrat civil, elle s’engage. Le droit civil n’a pas vocation à régir des relations dominées par l’idée de subordination : il véhicule une fiction égalitaire alors que le droit du travail cherche à s’en débarrasser, et cherche concrètement à régler des situations déséquilibrées.
E/ Le droit du travail, le droit de l’activité, et le droit de l’emploi.
Cette terminologie permet de voir les mutations du droit du travail. Aujourd’hui, il n’a plus seulement vocation à régir l’exécution d’une prestation de travail, même si c’est le cœur du droit du travail.
Ä Le droit du travail et le droit de l’activité : le droit du travail s’intéresse depuis longtemps déjà à l’activité et l’inactivité du salarié (suspension du contrat de travail pour maladie, congés,…). Certains contrats mis en place récemment n’ont pas pour objet central l’exercice d’une prestation de travail, mais répondent à une logique d’insertion et de formation complémentaire (contrat d’apprentissage, contrat emploi-solidarité, contrat initiative-emploi, contrat emploi-jeune,…). A l’extrême de cette conception, le rapport Boissona avait proposé la mise en place d’un contrat d’activité conclu entre un individu et un groupement d’intérêt public, et devant régir toute la vie active de l’individu tant pendant ses périodes de travail que de non-travail : l’individu bénéficierait ainsi d’un revenu stable durant toute sa vie active.
Ä Le droit du travail, le droit de l’emploi et le droit à l’emploi : le préambule de la constitution de 1946 affirme que chacun a le devoir de travailler, et le droit d’obtenir un emploi. Mais ce droit à l’emploi ne doit pas s’entendre d’une obligation de résultat : sa constitutionnalisation justifie la mise en place d’un système d’assurance chômage. Le droit à l’emploi a aussi débouché sur la mise en place d’une politique de l’emploi (formation, adaptation des chômeurs, mise en contact de l’offre et de la demande,…).
Le droit de l’emploi fait partie du droit du travail : ce sont tous ces contrats nouveaux dont l’objet est de permettre à l’individu d’accéder à un vrai travail.
II/ Historique du droit du travail.
· Pour le droit romain, celui qui était chargé d’exécuter la prestation de travail n’était pas une personne mais une chose (« esclave ») : la relation de travail était appréhendée à travers le louage de choses. Notre droit du travail trouve sa source dans le principe chrétien qui refuse d’assimiler le travail à une marchandise, et qui refuse donc de soumettre intégralement le travail aux lois du marché.
· Sous l’Ancien Régime, les corps se voyaient concéder une mission en contrepartie d’un monopole : les corporations étaient des corps exerçant une activité économique. Le droit du travail n’était alors pas l’organisation des relations entre employeurs et salariés, mais l’organisation économique de la corporation autour de 3 principes : – une hiérarchie inégalitaire (maîtres > compagnons > apprentis).
– des règles professionnelles visant à réglementer la qualité des produits.
– un monopole de fabrication et de distribution garanti par le pouvoir royal.
Le rapport de travail était organisé indépendamment des pouvoirs publics au sein même de la corporation. L’interdiction de travailler le dimanche était déjà connue (fondements religieux).
· La Révolution a aboli les corporations, qui étaient contraires à la philosophie révolutionnaire et post-révolutionnaire, ainsi qu’au principe de liberté du travail (tout individu peut exercer la profession de son choix sans devoir passer par un corps). Dans cette conception libérale et individuelle, le contrat triomphe y compris dans les relations de travail. L’intervention protectrice de l’Etat est malvenue, et la volonté individuelle est la seule source des droits et obligations (principe d’autonomie de la volonté).
· Le code civil de 1804 s’intéresse peu au contrat de travail : il est juste en ce qu’il émane de la rencontre des volontés entre employeur et employés, peu importe la modicité du salaire et la dureté des conditions de travail. Il est très dur de mettre en jeu la responsabilité de l’employeur en cas d’accident ou de maladie.
· Le rapport Villermé (1840) donne son essor au droit du travail contemporain. Il décrit les faits : les travailleurs faibles (femmes et enfants) travaillent trop, la durée quotidienne de travail est trop longue (plus de 12H), les salaires sont modiques, les conditions d’hygiène mauvaises, la discipline rigoureuse,…
Ce rapport débouche sur des mesures concrètes : la loi de 1841 sur le travail des enfants (age minimal, durée du travail,…) et sur d’autres lois après la révolution de 1848 (liberté d’association, durée du travail pour les adultes,…). Un droit ouvrier se développe entre 1874 et 1914 (loi de 1884 instaurant la liberté syndicale, repos hebdomadaire, loi de 1898 organisant la protection des ouvriers contre les accidents de travail,…). A partir de 1901, la rédaction du code du travail commence.
· Après la première guerre mondiale, des loi importants sont adoptées : la loi de 1919 organise le statut général des conventions collectives, une autre loi de 1919 impose la journée de 8H,…
Dans les années 1930, l’arrivée au pouvoir du Front Populaire amène des réformes fondamentales : les accords de Matignon du 7/6/1936 instaurent la semaine de 40H et les congés payés.
· Après la deuxième guerre mondiale, le droit du travail est marqué par les orientations politiques : il suit tantôt une ligne étatique et dirigiste, tantôt une ligne libérale et flexible. Néanmoins, le droit syndical, le droit de grève et l’organisation collective du travail ne sont jamais remis en cause.
Dans les années 1950, des innovations importantes ont lieu : les comités d’entreprise (1946) visent à assurer l’expression collective des salariés ; le SMIG (1950) ; la 3ème semaine de congés payés (1956). L’évolution du droit du travail est relancée après mai 1968 : une loi de 1971 pose la règle de la mensualisation des salaires, ce qui permet aux salariés d’être payés même les jours fériés ; une loi de 1973 protège les salariés en cas de faillite ; deux lois de 1973 et 1975 reforment le droit du licenciement.
· Le droit du travail contemporain est marqué par : – une tendance à la contractualisation : on semble préférer le droit conventionnel, notamment le droit conventionnel collectif, à la loi. Ex des 2 lois Aubry.
– un changement d’objectif. Historiquement, le droit du travail était protecteur des salariés, mais aujourd’hui, il cherche à réaliser un compromis entre la nécessité de protéger les salariés surtout en période de chômage, et la nécessité de répondre aux besoins de souplesse des entreprises. Depuis 1982, il s’efforce de satisfaire les revendications de flexibilité des entreprises afin de résorber le chômage : les mesures d’exonération des cotisations sociales (ex des 2 lois Aubry) se multiplient, ainsi que les mesures permettant à l’employeur d’aménager facilement le temps de travail, et que les contrats atypiques (CDD, emplois à temps partiel, contrat d’intérim,…). Ce retour à une conception libérale du droit du travail a été largement facilitée par le déclin du mouvement syndical.
Sur le plan idéologique, on se demande si le droit du travail doit être un outil au service de l’économie, ou au contraire un fond de certaines valeurs morales et éthiques auxquelles l’économie doit se soumettre ?
III/ Les sources du droit du travail.
Une source du droit est un acte ou fait juridique générateur d’une norme impérative.
A/ Les sources internes.
1) Les sources étatiques (le bloc légal).
a_ La loi constitutionnelle.
Le préambule de la constitution de 1946 traite du droit de grève, de la liberté syndicale, du droit syndical, de l’égalité de traitement entre les hommes et les femmes, de la non discrimination en fonction des origines, opinions ou croyance des salariés,…
Pour le Conseil constitutionnel, le droit au travail (contenu dans ce préambule) est le droit de poser les règles propres à assurer au mieux le droit pour chacun d’obtenir un emploi. L’Etat doit donc assurer une politique de l’emploi dynamique et l’indemnisation des chômeurs. Il s’agit d’une obligation de moyens.
Certains PGD (CC, 1971 : ils ont valeur constitutionnelle) sont en relation avec le droit du travail, notamment l’interdiction de licencier une salariée en état de grossesse (CE, 8/6/1973 Dame Peynet).
L’art.34 de la constitution donne compétence à la loi pour les principes fondamentaux du droit du travail et du droit syndical : le règlement est compétent pour tout le reste. Cela pose le problème de la frontière entre principes fondamentaux et autres règles : le droit du travail tend à être très réglementaire.
b_ La loi et le règlement.
Le code du travail (achevé en 1910) est incomplet. Des pans entiers figurent dans des textes séparés : la réglementation de certaines professions (marins, agriculteurs,…), tout ce qui concerne la situation applicable aux salariés lorsque l’entreprise est en difficulté, et tout le droit conventionnel bien qu’une grande part du droit du travail soit de nature conventionnelle.
2) Les sources professionnelles.
a_ Le règlement intérieur (anciennement « règlement d’atelier »).
Certains considèrent ce pouvoir normatif de l’employeur comme une anomalie juridique, en ce qu’il s’analyse comme un pouvoir disciplinaire privé d’un homme sur un autre. Le règlement intérieur est un acte unilatéral issu de l’employeur, et qui vise à organiser le travail par le biais d’un certain nombre de normes destinées à faciliter la vie de chaque individu dans l’entreprise
Avant 1982, ce pouvoir normatif n’était pratiquement pas limité. La gauche a voulu le supprimer en 1981, mais face au risque de résurgence indirect (notes de service,…), elle a simplement réformé ce pouvoir afin d’en contrôler l’exercice, et de parvenir à un équilibre entre la nécessité de préserver la puissance normative de l’employeur et la nécessité de protéger le salarié contre l’arbitraire patronal : on a voulu en faire une source mineure du droit du travail, ce qui a été atteint.
· Règles d’élaboration : selon l’art. L122-33 (loi du 4/8/1982), toute entreprise de plus de 20 salariés est tenue d’adopter un règlement intérieur. Les entreprises de moins de 20 salariés ne sont pas obligées d’en adopter un, mais si elles le font, elles seront liées par ses dispositions.
Avant la rédaction du règlement, l’employeur doit consulter (avis simple) le Comité d’Entreprise (ou s’il n’en existe pas, les délégués du personnel), ainsi que le Comité d’Hygiène et de Sécurité des Conditions de Travail sur les questions relevant de l’hygiène et de la sécurité (art. L122-36).
Une fois rédigé, le règlement intérieur doit être communiqué à l’Inspection du Travail (contrôle administratif de légalité), et un exemplaire doit être déposé au greffe du Conseil de Prud’hommes. Le règlement doit aussi être affiché dans l’entreprise à une place convenable et accessible dans les lieux où le travail est effectué et dans les locaux d’embauchage.
Le règlement entre en vigueur un mois après l’accomplissement des formalités de publicité.
· La force obligatoire : le règlement s’applique à tous les salariés de l’entreprise (même embauchés avant son élaboration), ainsi qu’aux personnes venues y travailler sans en être salariées (travailleur temporaire).
· Contenu : depuis la loi de 1982, le contenu est strictement encadré par l’art.L122-34 du code du travail.
Les clauses obligatoires (art. L122-24) : – relatives à la sécurité : consignes générales de sécurité, consignes pour l’exécution de travaux dangereux, toutes les mesures imposées par l’employeur en matière de lutte contre le tabagisme (CE, 18/3/1998),…
– relatives à l’hygiène : les conditions d’utilisation des douches, l’obligation de se rendre aux visites médicales, les conditions de prise de repas,…
– relatives à la discipline : les règles générales et permanentes, notamment la nature et l’échelle des sanctions que peut prendre l’employeur.
– relatives au droit de la défense des salariés.
– rappel des dispositions légales relatives à l’abus d’autorité en matière sexuelle.
Les clauses interdites (art. L122-35) : – les clauses qui doivent figurer dans un autre cadre (convention collective ou contrat) : déroulement de la période d’essai, organisation des congés payés, conditions d’accomplissement des heures supplémentaires, conditions d’exercice du droit de grève,….
– les clauses contraires aux lois ou règlements.
– les clauses contraires aux droits et libertés des salariés sauf si ces restrictions sont justifiées par la nature de la tache à accomplir et proportionnées au but recherché. Ainsi, la fouille des salariés ne peut être prévue que pour des raisons de sécurité collective (crainte d’entrées ou de sorties de produits dangereux) ; la fouille du vestiaire des salariés peut être autorisée pour des raisons d’hygiène et de sécurité en présence du salarié lui-même ; les salariés peuvent être soumis à un test d’alcoolémie si cela est nécessaire pour la sécurité de l’entreprise ; les clauses portant atteinte à la vie privée (interdiction du mariage entre collègues, obligation d’adopter un type de coiffure,…) sont en principe interdites. Une circulaire du ministère du travail a dressé toute une liste de clauses interdites, mais par nature, la valeur juridique d’une circulaire est inférieure à celle d’une décision de jurisprudence.
– les clauses discriminatoires en raison du sexe, des mœurs, de la situation familiale,…
b_ Les usages (coutumes).
Ä Les usages externes à l’entreprise (usages professionnels) : il s’agit de coutumes issues des corporations de la Révolution, et qui se sont maintenues. Ces usages professionnels sont en voie de disparition du fait de la dislocation de la notion de métier, et de l’importance prise par d’autres sources du droit du travail : ils ne s’appliquent qu’à défaut de convention collective, or elles se sont multipliées.
Ä Les usages internes à l’entreprise (usages d’entreprise) : il s’agit d’une source fondamentale du droit du travail, qui correspond le plus souvent à des avantages accordés aux salariés.
· Les critères : – généralité : l’usage doit s’appliquer à une catégorie abstraite de salariés. Il ne doit pas être réservé nommément à un salarié.
– fixité : l’avantage conféré ne doit pas dépendre du pouvoir discrétionnaire de l’employeur.
– constance : il faut une répétition et une continuité (acte isolé insuffisant) : une prime annuelle versée pendant 3 ans sera un usage, mais par une prime mensuelle versée pendant 3 mois.
· La dénonciation : l’employeur peut toujours dénoncer unilatéralement un usage interne, mais il devra alors avertir individuellement chaque salarié (un courrier à chacun : pas de dénonciation implicite), et respecter un préavis suffisant (art. L132-8 par analogie : un préavis de 3 mois serait suffisant).
Une dénonciation, même régulière, n’emporte pas de modification du contrat de travail, car l’usage n’est pas incorporé au contrat de travail. De plus, le salarié ne peut invoquer aucun droit acquis.
Soc, 20/10/1998 : si le niveau de la rémunération dépendait d’un usage dénoncé par l’employeur, il devra être fixé dans un accord contractuel. Pour la Cour, le salaire fait partie du socle contractuel par nature.
c_ Les sources conventionnelles.
Les accords interprofessionnels sont les accords collectifs les plus élevés dans la hiérarchie : ils s’imposent à toutes les professions, ainsi qu’aux conventions collectives inférieures.
Les conventions collectives de branche ont un champ d’application calibrée : elles ne visent qu’une seule activité : métallurgie, tourisme,….
Les accords d’entreprise ne concernent qu’une seule société.
La convention collective déroge à la loi sauf pour les domaines liés à l’ordre public absolu (art.6 c.civ.). Pour tous les domaines qui ne sont pas liés à l’ordre public absolu, la clause la plus favorable joue.
B/ Les sources internationales.
1) Les sources extra communautaires.
Ä Les traités bilatéraux : ils visent souvent à fixer le statut des travailleurs ressortissants d’un Etat signataire, installés sur le territoire de l’autre Etat partie au traité. Ils vont organiser une réciprocité qui concernera un principe intégral de non discrimination.
Ä Les traités multilatéraux : en droit du travail, ils sont élaborés par l’Organisation Internationale du Travail, créée par le traité de Versailles (1919), et réformée en 1944 par la déclaration de Philadelphie. Elle comprend deux organes : le Bureau International du Travail (rôle administratif) et la Conférence Internationale du Travail (élaboration et vote des textes). Chaque Etat membre y envoie 3 personnes : un représentant du gouvernement, un délégué employeur et un délégué salarié. Les textes sont adoptés et ratifiés suivant le schéma classique. Le domaine de compétence de l’OIT est varié : il s’intéresse à toutes les mesures économiques et financières qui ont une résonance sociale (Ex : convention n°5 sur le travail forcé, conventions de 1987 et 1998 sur la liberté syndicale, convention n°1 sur la durée du travail,…).
Défaut de ces conventions : – comme toute négociations multilatérales, l’accord n’est trouvé que sur des normes très faibles, et souvent inférieures à celle des pays industrialisés.
– la plupart des conventions internationales ne sont pas d’applicabilité directe, mais demeurent de simples sources d’inspiration : elles sont mal appliquées en droit interne.
· La Convention Européenne de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales (1950) contient quelques principes généraux (interdiction du travail obligatoire, liberté syndicale,…) mais n’apporte rien de plus que les conventions de l’OIT. Toutefois, les juges de la CEDH l’invoquent souvent.
· Le pacte relatif aux droits sociaux, économiques et culturels du 19/12/1966 fait notamment référence au droit à un salaire équitable, et indique que la durée du travail doit avoir une limite raisonnable.
· La Charte Sociale Européenne signée à Turin en 1961 dans le cadre du Conseil de l’Europe a cherché à obtenir le maximum de ratification (peu ambitieuse) : elle aborde les conditions de travail, les conditions salariales, elle invoque le droit de grève et le droit syndical. Elle va plus loin que l’OIT sur certains points (droit de grève), mais est beaucoup plus vague sur d’autres questions (principe de non discrimination,…).
2) Les sources communautaires.
Ä Le traité CE de Rome (1957) est un traité économique : il se préoccupe peu du social, car on considérait alors que les réalisations sociales devaient découler des progrès économiques.
Ce traité contient tout de même 2 objectifs à connotation sociale : la recherche d’un haut degré d’emploi grâce à l’élaboration d’une politique de formation professionnelle, et l’harmonisation vers le haut des législations sociales. Il pose aussi les principes de libre circulation des travailleurs (art.48), et d’égalité de rémunération entre homme et femme (art.119), il annonce une politique de formation professionnelle (art.128), et encourage une collaboration étroite des Etats en matière de droit du travail (art.118).
Plusieurs directives ont été prises sur la base de l’art.100 relatif au rapprochement des législations en vue de l’établissement du marché commun : elles traitent notamment de l’égalité de traitement entre hommes et femmes, des licenciements collectifs, de la protection des salariés en cas de transfert d’entreprise,…
Ä L’Acte Unique Européen de 1986 prévoit que le Conseil peut adopter à la majorité qualifiée des directives fixant des prescriptions minimales en matière de santé et de sécurité des travailleurs (art.118A). Ce passage de l’unanimité à la majorité qualifiée a permis l’adoption de plusieurs directives, concernant la sécurité et la santé des femmes enceintes, ainsi que l’aménagement du temps du travail.
La Charte communautaire des Droits Sociaux Fondamentaux, signée par 11 Etats-membres, vise à instituer un socle social permettant d’éviter tout risque de dumping social. Il ne devait s’agir que d’un texte programmatique (sans effet obligatoire), mais aujourd’hui, la Grande-Bretagne (seul Etat a avoir fait jouer une clause « opting out ») a décidé d’y adhérer, et le Traité d’Amsterdam y fait directement référence.
Ä Le traité de Maastricht du 7/2/1992 contient en annexe, un protocole d’accord sur la politique sociale. Ce protocole encourage les négociations collectives en invitant les partenaires sociaux à négocier eux-mêmes les directives (ils négocient un texte, ensuite entériné par une directive), et en leur permettant de réaliser eux-mêmes la transposition de la directive en droit interne, une fois qu’elle a été élaborée.
Ce protocole étend aussi les questions pour lesquelles la majorité qualifiée suffit. Toutefois, il exclue expressément beaucoup de matières relevant du droit du travail (droit de grève, droit syndical,…), et il rappelle que certaines questions demeurent soumises à un vote à l’unanimité (licenciements,…).
Ä Le Traité d’Amsterdam du 2/10/1997 contient un titre entier (art.125 à 130) consacré à l’emploi. Il encourage une stratégie coordonnée pour l’emploi et le développement d’une main d’œuvre qualifiée. De plus, il intègre la Charte communautaire des Droits Sociaux Fondamentaux.
Ä La jurisprudence de la CJCE occupe aussi une grande place. CJCE, 1996 Royaume-Uni c/ Conseil des Communautés européennes confirme la validité de la directive « Aménagement du temps du travail » qui réglemente les périodes minimales de repos (quotidienne et hebdomadaire), fixe des durées maximales de travail, et définit le temps de travail effectif.
C/ La hiérarchie des sources.
Constitution
Traités et conventions
Loi/Actes d’exécutif (règlements et décrets)
Conventions collectives
Usages/Pouvoir normatif de l’employeur (règlement intérieur)
Contrats de travail
· Cette hiérarchie n’est pas rigide : une source inférieure peut déroger à une source supérieure si cela est favorable aux travailleurs. C’est pourquoi on dit que le droit du travail édicte un ordre public relatif. Malgré tout, il existe un ordre public absolu auquel il est impossible de déroger peu importe que la disposition puisse être plus favorable aux travailleurs (compétence des juridictions du droit du travail,…).
· Déterminer si une mesure est plus ou moins favorable qu’une autre est parfois difficile.
Soc, 19/2/1997 : la détermination du régime le plus favorable doit résulter d’une appréciation tenant compte des intérêts de l’ensemble des salariés et non de tel ou tel d’entre eux.
· Les sources internes et communautaires s’articulent parfois mal, notamment les directives, qui devraient être transposées en droit interne. A défaut, elles peuvent être directement applicables : il faut examiner son applicabilité directe article par article, et déterminer si un justiciable peut l’invoquer contre un autre. (problème de l’applicabilité directe horizontale).
IV/ La justice du travail.
Ä Les juridictions non spécialisées : – le Conseil constitutionnel.
– les juridictions répressives : elles peuvent être compétentes si le non-respect des règles de droit du travail constitue une infraction pénale (travail clandestin,…).
– le TGI : en tant que tribunal de droit commun, il est essentiellement compétent pour les conflits collectifs de travail (grève,…).
– les TI : les litiges concernant les élections professionnelles et la désignation des délégués syndicaux.
– les juridictions commerciales : les procédures collectives.
– les juridictions administratives : en cas de recours contre les décisions des inspecteurs du travail, eux-mêmes compétents pour annuler les règlements intérieurs.
Ä La juridiction spécialisée : le Conseil de Prud’hommes est issu d’une loi de mars 1806. Il s’agit d’une juridiction paritaire, non professionnelle. Un décret de 1848 a institué le paritarisme stricto sensu : égale représentation des salariés et patrons. Différentes lois ont modifié le système jusqu’à la loi de 1979.
· Domaine de compétence : – plan matériel : l’art.L511-1 du code du travail énonce que le Conseil de Prud’hommes « règle par voie de conciliation et à défaut par voie de jugement les différends individuels qui s’élèvent à l’occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du code du travail entre les employeurs et les salariés qu’ils emploient ». Sa compétence se limite donc aux seuls litiges individuels, à l’exclusion des litiges collectifs : il est quand même compétent si un syndicat défend un intérêt individuel. Il est compétent pour tout ce qui concerne le contrat de travail (existence, exécution, rupture,…), mais aussi des contrats voisins (contrat d’apprentissage, conventions de conversion,…). Sa compétence se limite aux cas strictement définis par la loi : les conventions de stage relèvent du TGI.
– plan territorial : le Conseil de Prud’hommes compétent est celui du lieu où le travail est effectué. A défaut de pouvoir prendre en compte ce critère, on utilise le domicile du salarié.
– plan pécuniaire : le Conseil de Prud’hommes est compétent pour tout litige, et le taux du ressort est fixé à 22.500F depuis le 1/1/2000. Le pourvoi en cassation est toujours possible.
Þ Art.L511-3 du code du travail : on ne peut pas déroger par convention contraire aux règles de compétence décrites. Dans le contrat de travail international, les compromis d’arbitrage sont valables.
· Organisation : les juges sont élus pour 5 ans par les salariés et les employeurs, chacun votant pour son collège. Pour être électeur, il faut avoir 16 ans, étant entendu que les chômeurs peuvent voter. Pour être éligible, il faut avoir 21 ans et être de nationalité française (compatibilité avec le droit européen ?). Les élections se déroulent pendant le temps de travail : le salarié est rémunéré, et l’employeur doit lui laisser un temps suffisant pour aller voter. Le scrutin se déroule souvent à la mairie, mais il peut aussi avoir lieu dans un local proche du lieu de travail.
Il existe au moins un Conseil de Prud’hommes dans chaque ressort de TGI (art.L511-3) : environ 300, tous organisés en 5 sections : industrie; commerce et service; agriculture; encadrement; activités diverses.
Un magistrat professionnel peut siéger en cas de partage égal des voix : l’art.L515-3 prévoit que le Conseil de Prud’hommes doit recourir à un juge départiteur qui siège au sein du TI.
Les conseillers prud’homaux sont des magistrats rémunérés par l’Etat (art.L514), qui est aussi tenu d’assurer leur formation. La loi oblige l’employeur à accorder des autorisations d’absence pour les périodes de formation (maximum de 6 semaines par mandat) et à laisser aux salariés le temps nécessaire pour participer aux séances de travail. Ces périodes d’absence sont considérées comme des périodes de travail effectives : l’Etat prend en charge la rémunération, mais en fait l’employeur l’avance et est ensuite remboursé par l’Etat. La rémunération accordée aux conseillers prud’homaux est faible (» le SMIC).
· Le procès est gouverné par les principes d’oralité des débats et de respect du contradictoire. Avant tout jugement, la loi impose une tentative de conciliation : si un accord est trouvé (de plus en plus rare), il est mentionné dans un procès-verbal de conciliation ; sinon, le procès-verbal de non conciliation saisit le bureau de jugement : – il rend un jugement immédiatement si l’affaire est simple.
– les juges demandent une instruction du dossier si l’affaire est compliquée.
– l’affaire est renvoyée à une date ultérieure devant le bureau de jugement, qui prend les décisions à la majorité absolue des voix, avec possibilité de recours au juge départiteur.
La formation des référés pourra être saisie en cas de mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse, en cas de dommage imminent, ou de trouble illicite.