§1 : Les foires.
A/ Création et organisation.
Les grandes foires apparaissent entre le XIème et le XIIème, notamment en Champagne. La foire de Lyon profite du déplacement vers l’est de l’axe de commerce après la guerre de 100 ans.
Les seigneurs voisins devaient donner leurs accords pour la tenue des foires. Les marchands se faisaient consentir un ensemble de privilèges (« la paix des foires ») les plaçant sous sa protection directe et spéciale : levée de la prohibition du prêt à intérêt (au XIème, l’Eglise interdisait l’usure de façon générale pour tout chrétien sous peine d’excommunication, mais cette pratique était autorisée pendant les foires).
B/ Des institutions originales.
Des officiers de foire sont désignés par les seigneurs pour assurer la garde des foires : ils reçoivent des pouvoirs de justice et de police, et sont compétents pour tout litige survenu durant la foire ou concernant ses commerçants. La procédure est rapide et les modes de preuve rationnels.
Pendant la foire, un notaire constatait les obligations contractées par un acte revêtu du sceau de la foire, lui donnant forces probante et exécutoire : le créancier muni de cet acte pouvait se présenter devant l’officier. La sentence était exécutée sur les biens amenés par le commerçant : si le produit de la vente était insuffisant ou si le marchant s’était enfui, l’officier délivrait un mandat d’exécution (« lettres de foire ») destiné à la juridiction du domicile du débiteur, qui devait alors se saisir de la personne et des biens du débiteur récalcitrant. La « défense des foires » incitait cette juridiction à mettre la décision à exécution, sous peine de voir tous ses ressortissants interdits de commerce à cette foire (= début de la contrainte par corps). Une organisation de la faillite du débiteur apparaît : les créanciers avec lettres de foire sont traités à égalité, mais sont payés par privilège par rapport aux autres créanciers (« la rigueur des foires »).
La première juridiction propre aux marchands est fondée en 1419 : « la conservation des foires de Lyon ». Elle est composée de juges choisis parmi eux, et reprend les compétences des officiers de foire.
§2 : Les communautés de métiers.
A partir du XIIème, les marchands et artisans créent des regroupements visant à préserver les intérêts du métier, en fixant des usages obligatoires pour tout ceux qui en font partie. Les associations (« métiers », « guildes » ou « hanses ») formées entre artisans sont moins puissantes que celles formées entre marchands et entrepreneurs. Au début du XIIIème, il faut faire partie d’un métier pour pouvoir l’exercer.
A Paris, elles se multiplient au cours du XIIIème, ce qui incite le prévôt à ordonner en 1268 la rédaction des métiers parisiens organisés (« le livre des métiers de Paris »), pour éviter la fabrication déloyale. La formation des métiers était libre, mais une fois la communauté organisée, ceux qui voulaient y entrer devaient jurer le métier ; les autres (« chambrelans ») devant travailler en dehors (situation précaire). Les maîtres sont les seuls à pouvoir exercer le métier pour leurs comptes : les compagnons travaillent à l’heure ou aux pièces pour le compte des maîtres ; les apprentis vivent avec la famille du maître et l’ont payé pour être instruit. En principe, un compagnon peut devenir maître dès qu’il a un certain niveau de connaissance, car le nombre de maître est rarement limité. Le nombre d’apprentis est par contre toujours réglementé pour éviter qu’il n’y ai trop de maître, ce qui conduirait à une baisse des prix. Les maîtres finiront par fermer le métier, et les compagnons ne pourront plus devenir maîtres.
Un petit nombre de maîtres (les « jurés », « gardes » ou « syndics du métier ») dirigent la communauté : ils sont élus pour un an par l’assemblée générale ou désignés par le seigneur, et sont chargés d’assurer le respect de la réglementation : ils pouvaient visiter à toute heure les ateliers et se saisir des fausses œuvres.
Les communautés de métiers sont autonomes, mais leur existence est soumise à l’accord du seigneur : les jurés doivent résoudre les conflits nés à l’intérieur du métier, mais l’arbitrage final revient au seigneur. En 1291, celui de Reims a tranché un conflit entre maîtres et ouvriers drapiers, et a ordonné la rédaction de statuts interdisant les alliances d’ouvriers contre les maîtres, ou de maîtres contre les ouvriers.
Þ Les rois favoriseront ces communautés, qui permettent le développement d’un droit commercial, quelquefois inséré dans leur statut. En Italie, certaines auront des juridictions spécifiques.
§3 : Le renouveau municipal.
La seigneurie ne favorise pas les échanges commerciaux. Au XIIème siècle, trois types de villes apparaissent : – les villes de prévôté sont créées avec l’assentiment du seigneur et du roi, et ont une autonomie modeste. Un prévôt administre la ville pour le compte du seigneur ou du roi. On en trouve surtout dans le centre, l’ouest et le sud-ouest. Les libertés y sont moindres que dans les autres villes.
– les communes jurées, présentes dans le nord et l’est, sont souvent créées avec un esprit de lutte contre le pouvoir seigneurial en place. Elles s’administrent elles-mêmes, ont quelques libertés, et bénéficient d’une juridiction particulière : origine des juridictions municipales.
– les villes de consulats sont copiées sur le modèle italien. Elles ont en général les mêmes libertés que les communes jurées, mais leur création n’est pas présidée par un esprit de lutte.
Þ Les villes ont favorisé le renouveau du commerce, car cette structure était adaptée aux échanges, au contraire des seigneuries. Les statuts des villes regroupés dans les Chartes municipales, accueillaient quelquefois de nouveaux usages du droit commercial. Mais ici aussi, les apports des villes françaises restent minces. Les villes italiennes sont celles qui en ont accueilli le plus : la République de Gènes accueille directement le droit des marchands dans ses statuts.