Les quasi-sûretés mobilières spéciales peuvent servir à garantir le paiement de sa créance au créancier, même s’il ne s’agit pas de leur fonction principale. Elles permettent de pallier les inconvénients liés au gage, car elles utilisent un droit réel sur le bien afin de renforcer la position du créancier.
Deux techniques sont utilisées : – le créancier possesseur d’un bien dont il n’est pas propriétaire, cherche à se prévaloir de sa possession pour obtenir le paiement de sa créance.
– le créancier est propriétaire d’un bien, dont il n’a pas la possession.
§1 : La possession en tant que sûreté : le droit de rétention.
Le droit de rétention permet au créancier qui détient la chose de son débiteur, d’en refuser la restitution jusqu’à complet paiement de sa créance. Le droit de rétention fait penser à un diminutif du gage avec dépossession : le rétenteur, comme le gagiste, conserve la possession d’un bien ce qui incite le débiteur à s’exécuter et ce qui permet de bloquer les autres créanciers.
A/ Les conditions du droit de rétention.
1) La créance.
Le droit de rétention ne devrait pouvoir être opposé par un rétenteur créancier que si la créance est à la fois certaine, liquide et exigible. En effet, ce droit étant exercé unilatéralement par le créancier (sans convention entre le débiteur comme dans le gage avec dépossession), il ne devrait pouvoir retenir la chose d’autrui à titre de garantie que si sa créance est indiscutable, et non pas simplement éventuelle.
Toutefois, la jurisprudence admet que le droit de rétention est légitime même si la créance n’est pas liquide, à condition qu’elle le devienne lorsque le débiteur agit en justice pour réclamer son bien : le créancier peut commettre une voie de fait dont la validité est subordonnée à l’action en justice du débiteur.
Elle admet aussi la légitimité du droit de rétention lorsque la créance n’est pas exigible : si le débiteur bénéficie d’une prorogation judiciaire ou légale de sa dette, le créancier est en droit d’opposer son droit de rétention. La jurisprudence valide un moyen de justice privé (moyen de pression exercé par le créancier contre le débiteur), alors que le créancier n’a aucun titre juridique conventionnel pour justifier la rétention.
Les conditions du droit de rétention relativement à la créance suivent un régime relativement analogue à celui du gage : elle doit être déterminée, mais il n’est pas requis qu’elle soit exigible ou liquide. Mais le droit de rétention n’est légitime que si la créance est certaine (dans le gage, elle peut être éventuelle).
2) Le détention du bien du débiteur.
Le droit de rétention s’applique à une chose corporelle certaine dont le créancier est mis en possession. Ce droit est donc exclu : – en présence d’un bien incorporel ou immobilier (insusceptibles de détention) ;
– en présence d’une chose corporelle hors commerce. L’art.1128 c.civ. est appliqué par analogie car il n’y a pas de convention entre le créancier et le rétenteur sur la chose : ce droit est refusé à un entrepreneur de pompes funèbres sur le cadavre (Tribunal de la Seine, 20/12/1932), de même qu’à un dentiste sur les prothèses même non posées (prolongement du corps humain). Le droit de rétention est illégitime parce que le corps humain n’est pas une chose : on applique l’art.6 c.civ.
– pour des raisons morales ou déontologiques. La déontologie d’un avocat l’empêche de retenir les pièces confiées par son client.
Þ Comme dans le gage avec dépossession, la chose doit être corporelle, certaine et dans le commerce.
3) La connexité.
La connexité suscite deux difficultés préalables : – il faut encadrer le droit de retenir la chose d’autrui : le créancier ne doit pas pouvoir retenir n’importe quelle chose appartenant à son débiteur.
– le droit de rétention n’étant admis par aucun texte général du code civil, la jurisprudence a dû interpréter certains textes spéciaux en fixant des limites.
a_ Les cas de rétention prévus par la loi.
L’art.1612 c.civ. prévoit que le vendeur n’est pas tenu de délivrer la chose si l’acheteur n’en paye pas le prix. Ce texte, implicitement relatif à la vente au comptant, s’applique alors même que le vendeur n’est plus propriétaire de la chose et ne dispose d’aucun titre pour justifier sa possession.
L’art.1948 c.civ. autorise le dépositaire à retenir la chose déposée jusqu’à ce que le déposant l’ai payé.
L’art.2082 c.civ. permet au créancier gagiste de retenir le gage tant que le débiteur ne l’a pas payé.
Þ Ces trois textes autorisent celui qui est obligé de délivrer ou restituer une chose qui ne lui appartient pas, à opposer le droit de rétention si le prix n’a pas été payé. Le contrat fait naître une créance, et à raison de cette créance impayée, le créancier peut retenir.
b_ L’extension jurisprudentielle du domaine du droit de rétention.
Ä En présence d’un contrat entre le détenteur d’une chose et son propriétaire : le droit de rétention du créancier est admis par la jurisprudence lorsque l’exécution du contrat suppose que l’une des parties remette sa chose à autrui (l’idée de remise de la chose est présente dans les trois textes spéciaux).
Le droit de rétention est admis en cas de connexité juridique, c’est-à-dire si l’exécution du contrat suppose la remise d’une chose appartenant au débiteur : la détention de la chose découle de l’exécution du contrat.
Cette connexité juridique fera défaut si l’exécution du contrat ne rend pas nécessaire la mise en possession d’une autre chose appartenant au débiteur : le transporteur ne peut pas retenir les clés de l’appartement du débiteur quand elles ne sont pas l’objet de la livraison.
Ä En l’absence de contrat entre le détenteur d’une chose et son propriétaire : le droit de rétention est admis par la jurisprudence, en présence d’une obligation de restituer un bien à son propriétaire. Du fait de l’absence de contrat entre le créancier et le débiteur, on parle de connexité matérielle. Il existe deux cas : – un contrat est annulé ou résolu alors que le créancier a exécuté sa prestation. Chacun est alors obligé à des restitutions réciproques, mais celui qui a reçu un bien pourra refuser de le restituer tant que l’autre ne lui aura pas restitué ce qu’il lui doit. Il s’agit d’une extension de l’art.1612 c.civ., car comme dans la vente, la restitution du bien est subordonnée à une contre-restitution.
– le possesseur a non domino doit restituer le bien sur lequel il a fait des impenses. Il peut réclamer le remboursement de la plus-value qu’il a apporté au bien possédé (au titre de l’enrichissement sans cause ou de la gestion d’affaires), et bénéficie alors d’un droit de rétention, qui lui permet de retenir les biens appartenant à autrui tant qu’il n’a pas été payé.
Conclusion sur le droit de rétention : – le droit de rétention présente des similitudes avec le gage avec dépossession : la chose retenue ou gagée est un bien corporel certain ; la créance garantie est déterminée. Toutefois, dans le gage, le débiteur remet le bien en vertu d’une convention, et il n’a aucune relation avec la dette garantie, alors que le droit de rétention requiert une connexité juridique ou matérielle.
– la condition de connexité est destinée à limiter les prérogatives du créancier afin d’encadrer l’exercice du droit de rétention. En cas de remise du bien par le débiteur au créancier, la connexité rappelle la relation d’accessoire à principal qui existe dans le gage. Mais, le droit de rétention est une faculté unilatérale du créancier, dans lequel n’existe aucune convention accessoire, alors que la connexité impose une relation directe entre le bien remis et le contrat principal.
B/ Les effets du droit de rétention.
Le droit de rétention ne confère que le droit de bloquer la chose.
1) L’absence de droit de préférence et de droit de suite.
Le rétenteur (contrairement au gagiste) ne bénéficie pas du droit de préférence car il est un simple créancier chirographaire qui retient un bien : il ne peut pas se voir attribuer judiciairement le bien retenu, et, en cas de vente forcée en justice, il ne sera pas payé par préférence aux autres créanciers.
Le rétenteur ne peut pas exercer le droit de suite sur le bien retenu : il ne peut pas revendiquer contre un possesseur de bonne foi, mais il peut revendiquer le bien lorsqu’il est dépossédé involontairement.
Þ Le rétenteur et le gagiste perdent tout deux tout droit réel en cas de dépossession volontaire.
2) Le droit de rétention.
Il existe une différence entre le droit de rétention du rétenteur et celui du créancier gagiste : l’art.2082 c.civ. permet au créancier gagiste de devenir simple rétenteur en l’absence de toute connexité ; dans le droit de rétention pur, la rétention n’est légitime que s’il existe un lien de connexité (un garagiste qui remet un véhicule à son client sans être payé, puis qui répare à nouveau le véhicule en étant payé, ne dispose d’aucun droit de rétention car la seconde créance connexe à la détention du véhicule est payée).
Le droit de rétention est : – opposable erga omnès, même aux créanciers privilégiés et aux créanciers gagistes sur véhicule automobile (son droit de rétention primitif est primé par celui effectif du rétenteur).
– indivisible : le créancier rétenteur peut retenir la chose en entier tant qu’il n’est pas intégralement payé, même en cas de paiement partiel.
Le rétenteur non payé peut s’opposer à la saisie d’un bien par un créancier, ainsi que refuser de restituer le bien au liquidateur de la société : la faculté de blocage qui lui est conféré par le droit de rétention le place en position de force face aux autres créanciers, notamment si la chose retenue est d’une valeur supérieure à la créance. C’est pourquoi le droit de rétention est qualifié de « quasi sûreté réelle » bien qu’il ne confère aucun droit de préférence.
§2 : La propriété en tant que sûreté.
La propriété utilisée comme une sûreté fonctionne exactement à l’inverse du droit de rétention : le propriétaire du bien n’en est jamais possesseur, mais juste propriétaire en titre. Une personne cherchera à obtenir la propriété d’un bien que son débiteur possède, non pas pour exercer un droit réel plénier dessus, mais pour obtenir une garantie. Ainsi, le vendeur de matériel d’équipement qui a inséré une clause de réserve de propriété et qui sait que le débiteur est défaillant, va chercher à récupérer la possession du bien. L’avantage est qu’il n’a pas à faire saisir et vendre les biens du débiteur : il lui suffit de récupérer sa chose.
Il existe deux techniques : – le débiteur transmet au créancier un droit de propriété temporaire sur un bien, qui lui sera rendu lorsqu’il effectuera son remboursement (double transfert de propriété) ;
– la propriété est transférée au débiteur après paiement intégral.
A/ Le double transfert de propriété à titre de garantie.
Des praticiens ont imaginé un double transfert de propriété à titre de garantie, à partir de l’institution anglo-saxonne du « trust » (démembrement de la propriété) qui permet une propriété temporaire.
1) La présentation de la « fiducie-sûreté ».
La technique de la fiducie-sûreté a été imaginée afin d’obtenir une sûreté plus efficace que le gage. L’opération de fiducie-sûreté se déroule en deux temps : dans un premier temps, le débiteur vend un bien dont il est propriétaire, au créancier qui n’en paiera le prix que dans un second temps ; dans le second temps : – le débiteur rembourse sa dette au créancier, qui lui revend alors le bien acquis étant entendu que les sommes que le créancier et le débiteur se doivent réciproquement en tant qu’acquéreurs se compensent
– si le débiteur est défaillant, le créancier conserve la propriété du bien, et du fait du bénéfice de compensation, il ne paye au débiteur que la différence entre le prix du bien et le montant de la dette.
Þ La propriété a vocation à n’être transmise que temporairement, du moins lorsque le débiteur rembourse, car le créancier cherche juste à obtenir une sûreté déguisée. Cette opération de fiducie-sûreté est nulle car elle constitue une fraude à la loi, en ce qu’elle vise uniquement à faire échec au gage.
2) Le cas particulier de la cession de créances Dailly.
La loi Dailly du 2/1/1981 autorise exceptionnellement la fiducie-sûreté, au travers de la cession fiduciaire de créances professionnelles. Le débiteur transfert la propriété de ses créances au banquier, qui n’en paye pas immédiatement le prix : – si le débiteur paye son banquier à échéance, le banquier retransfère ses créances au débiteur (les prix de vente et de revente se compensent).
– si le débiteur est défaillant, le banquier reste propriétaire et il impute le paiement dû par le débiteur sur celui du prix d’achat des créances professionnelles.
Ä Les conditions de la cession de créances Dailly : il faut un bordereau signé par le débiteur, daté et qui comporte la liste des créances cédées, ainsi que la mention obligatoire « Cession de créances professionnelles par bordereau Dailly ». Les sous-débiteurs cédés doivent être des professionnels.
Ä Les effets de la cession : le créancier devient automatiquement propriétaire de la créance cédée. · Dans les relations entre le banquier et les autres créanciers : le banquier étant déjà propriétaire des créances cédées, il ne subit pas le concours des autres créanciers même privilégiés. Les sous-débiteurs lui payent en effet leur dette, et le produit de ses créances échappe au droit de gage général des créanciers.
· Dans les relations entre le banquier et le débiteur : le banquier échappe au risque de faillite du débiteur puisqu’en cas de défaillance du débiteur, le banquier lui oppose le bénéfice de la compensation, et ne verse que la soulte (différence de valeur entre les créances cédées et la dette dont est tenu le débiteur).
B/ Le transfert retardé de la propriété : la clause de réserve de propriété.
La clause de réserve de propriété permet au créancier de rester propriétaire en titre jusqu’au paiement complet de sa créance. Cette opération est utilisée en cas de vente, mais les établissements financiers y ont aussi recours dans le crédit-bail (l’établissement financier est propriétaire du bail et le loue au débiteur qui a une option d’achat en fin du contrat). Dans la vente avec réserve de propriété, soit le débiteur paye le prix complet et devient propriétaire du bien, soit il ne paye pas et le créancier reste propriétaire du bien.
1) Les conditions de validité et d’opposabilité.
La validité de la clause de réserve de propriété obéit au droit commun : il suffit qu’elle soit convenue entre les parties, expressément ou tacitement. L’objet de la vente est indifférent.
L’opposabilité de la clause est conditionnée à la rédaction d’un écrit au plus tard lors de la livraison. Les tiers ne sont pas informés sur un registre, mais une publicité spéciale semble possible si le créancier en fait mention sur le registre du tribunal de commerce du lieu du principal établissement du débiteur.
2) Les effets de la clause de réserve de propriété.
La clause de réserve de propriété a longtemps été inefficace, car elle était inopposable à la masse des créanciers lorsque le débiteur était en faillite. Face au risque d’appropriation et de vente du bien par la masse des créanciers, on a eu recours au gage sans dépossession, car il s’agissait du seul moyen d’obtenir un droit de préférence voire un droit de rétention sur le bien vendu.
Toutefois, la loi du 12/5/1980 a rendu la clause de réserve de propriété opposable aux créanciers de la faillite, ce qui permet au vendeur de conserver sa qualité de propriétaire et d’échapper au concours avec les autres créanciers. Le gage sans dépossession perd donc son intérêt car la clause de réserve de propriété permet au vendeur de revendiquer et d’obtenir restitution des marchandises en cas de non-paiement complet du prix. Le vendeur cumule donc deux qualités : en tant que propriétaire du bien, il peut exercer une action en revendication, et en tant que créancier du prix de vente, il doit produire sa créance au passif.
a_ Le vendeur en tant que propriétaire.
Le vendeur peut exercer comme tout propriétaire, une action en revendication qui est indivisible : tant que le vendeur demeure créancier d’une partie du prix, il peut revendiquer l’ensemble du bien. L’efficacité de l’action en revendication dépend de la publicité : – si la clause de réserve de propriété a fait l’objet d’une publicité spéciale, le vendeur obtient restitution du bien sans même avoir à le revendiquer.
– en l’absence de publicité spéciale, le vendeur doit revendiquer dans les trois mois du jugement d’ouverture de liquidation judiciaire, faute de quoi son droit de propriété sera inopposable aux tiers.
En pratique, cette action en revendication bute sur un obstacle lorsque le débiteur a vendu les biens dont il n’a pas la propriété, car le tiers acquéreur de bonne foi peut opposer l’art.2279 c.civ.
b_ Le vendeur en tant que créancier du prix de vente.
En tant que créancier du prix de vente, le vendeur doit produire sa créance au passif, ce qui est intéressant en cas de faillite du débiteur, car le créancier impayé pourra demander la résolution du contrat de vente. Le débiteur se voit alors restituer les paiements qu’il a effectué, mais, comme il est responsable de la résolution, il doit verser des dommages et intérêts au créancier (art.1184 al.2 c.civ.) et il se peut qu’une clause pénale évalue le dommage subi par le créancier. Le créancier ne lui versera donc que la soulte entre ce que le débiteur lui doit, et les sommes qu’il doit lui restituer (bénéfice de la compensation).
Conclusion de la section 2 sur les quasi-sûretés mobilières spéciales : les quasi-sûretés mobilières spéciales ont pour objectif de ne plus avoir recours au droit de préférence, qui n’empêche pas les créanciers mieux placés de primer le titulaire de ce droit. Le moyen de passer avant les autres est acquis par l’obtention d’un droit réel : – soit on bloque la propriété (droit de rétention du créancier-gagiste ou du rétenteur) auquel cas le bien est immobilisé et personne ne peut rien en faire. Cette gène provoquée pourra inciter le débiteur à s’exécuter ou le liquidateur ou les autres créanciers à payer la créance ;
– soit on obtient la propriété du bien, en revendiquant un droit réel de propriété sans invoquer de droit personnel (un droit de créance) contre le débiteur.
Le but est d’échapper à sa qualité de créancier et d’obtenir un droit réel pour s’imposer face aux créanciers privilégiés, c’est-à-dire ceux qui sont titulaires d’un privilège mobilier.
Chapitre 2 : Les privilèges mobiliers.
Les privilèges mobiliers sont des sûretés légales accordées par le législateur à certains créanciers.
Le législateur favorise ainsi certains créanciers, qui auraient dû être chirographaires, en leur permettant de se faire payer avant les autres sur le prix de vente forcée d’un bien. Ce droit de préférence légal peut être critiqué en ce qu’il confère un droit exorbitant destiné à rompre l’égalité avec les autres créanciers.
Ces privilèges priment même parfois sur les sûretés conventionnelles, ce qui explique le phénomène de course aux sûretés et notamment la recherche des sûretés fondées sur la propriété. La course aux sûretés est parfois rendue d’autant plus nécessaire que les créanciers privilégiés par la loi, disposent d’un privilège occulte, qu’aucune mesure de publicité ne permet de connaître.
Cette politique législative peut se justifier : – par des raisons sociales ou humanitaires : un salarié impayé qui a besoin de son salaire pour vivre, sera préféré au banquier nanti sur le fond de commerce ;
– pour des considérations économiques : un créancier peut faire crédit afin de sauvegarder un bien contre son dépérissement, ce qui profite à tous les créanciers.
Section 1 : Les privilèges mobiliers spéciaux.
Les privilèges mobiliers spéciaux, énumérés à l’art.2102 c.civ., confèrent un droit de préférence sur le prix provenant de la vente forcée d’un bien meuble spécialement déterminé, appartenant au débiteur.
L’existence de ces privilèges mobiliers spéciaux peut être justifiée de 3 manières, qui commandent leur classement en cas de conflit : le premier privilège est fondé sur l’idée de gage tacite, le deuxième repose sur l’idée de conservation d’un bien dans le patrimoine du débiteur, et le troisième est fondé sur l’idée de la mise d’une valeur dans le patrimoine du débiteur.
§1 : Les privilèges fondés sur l’idée de gage tacite.
A/ Présentation générale des privilèges fondés sur l’idée de gage tacite.
Les privilèges fondés sur l’idée de gage tacite sont en général attribués à des créanciers qui permettent au débiteur de se loger : le privilège du bailleur d’immeuble porte sur les meubles garnissant le local loué (art.2102 1° c.civ.) ; le privilège de l’aubergiste porte sur les bagages du voyageur (art.2102 5° c.civ.) ; le privilège du syndicat des co-propriétaires (art.19 de la loi du 10/7/1965 sur la co-propriété).
Traditionnellement, il est admis que ces privilèges se fondent sur l’idée de gage tacite : le bailleur serait ainsi incité à faire crédit à son locataire, car il sait qu’il peut saisir les biens entreposés dans son local.
Mais, cette explication est artificielle car ces privilèges donnent au créancier des droits relativement analogues à ceux du créancier gagiste, mais cette analogie avec le gage est relativement limitée puisque ces privilèges sont tous occultes, alors que le gage avec dépossession informe les tiers sur la solvabilité réelle du débiteur (établissement d’une convention ayant date certaine et remise d’un bien), et que le gage sans dépossession impose une publicité le plus souvent érigée en condition de validité.
B/ Le privilège du bailleur d’immeuble.
1) Les conditions du privilège du bailleur d’immeuble.
a_ Les bénéficiaires du privilège du bailleur d’immeuble.
Le privilège du bailleur d’immeuble appartient à tous les bailleurs : la notion de logement dont bénéficie le locataire est très étendue car le bail peut être civil, professionnel ou commercial.
Ce privilège est aussi accordé aux propriétaires subissant une occupation sans titre, ce qui est curieux car non seulement le propriétaire ne cherche pas à faire crédit à l’occupant (le fondement de ce privilège est donc artificiel), mais en plus il n’y a aucun contrat de bail entre l’occupant sans titre et le propriétaire, qui bénéficie donc de ce privilège en tant que propriétaire et non pas en tant que bailleur.
b_ La créance garantie.
Le privilège du bailleur d’immeuble garantit toutes les créances