L’Italie veut rejeter les erreurs du passé après la GM2. Le référendum du 2/6/46 choisit de créer une république (abandon de la monarchie), et une nouvelle constitution est promulguée le 27/12/47.
Il s’agit d’un texte de compromis entre les forces de gauche et les forces de droite : une constitution libérale et parlementaire qui consacre un état social et communautaire. Le régime est moniste, sans technique de rationalisation mais avec des techniques d’équilibre des pouvoirs. Le pays a traversé de nombreuses crises, et une réforme électorale est intervenue en 93 pour moderniser la vie politique.
Les données fondamentales.
· Un état régional.
L’Italie est un état unitaire, très décentralisé. Les régions y ont une grande autonomie, en réaction à la politique centralisatrice du 19ème.
* Statut et organisation des régions : la constitution de 47 différencie les régions à statut spécial (statut voté par le conseil régional à la majorité absolue : Sardaigne, Sicile,…) et les régions à statut ordinaire (voté par le conseil régional mais il est fixé par une loi ordinaire). Il existe 3 organes régionaux = – le Conseil régional = le parlement de la région élu au SUD à la RP, qui exerce une partie du pouvoir réglementaire et la compétence législative.
– la junte = un exécutif local élu par le conseil régional.
– le président de région et les ministres régionaux. Le président est considéré comme le chef de gouvernement, il promulgue les lois et règlements et dirige l’administration régionale.
L’état exerce un double contrôle sur ces régions par le biais : – du commissaire du gouvernement = un représentant de l’état qui exerce la tutelle de l’état (approuve les lois régionales, surveille les fonctions remplies par l’administration régionale, préside une commission de contrôle qui peut annuler dans les 20 jours un acte administratif régional pour non-conformitéé à la loi de l’état).
– du gouvernement = il peut demander une seconde délibération de la loi régionale et saisir la cour constitutionnelle pour inconstitutionnalité de la loi, ou le parlement pour un contrôle d’opportunité de la loi.
* Répartition des compétences : les régions à statut spécial ont le pouvoir législatif le plus important (compétence primaire et exclusive sauf armées, défense, politique étrangère,…). Les régions à statut ordinaire n’ont pas de compétence exclusive, mais un pouvoir législatif concurrent de celui du pouvoir central.
Ce régionalisme a très bien marché au début, puis dans les années 90, les difficultés économiques ont provoqué une fracture entre les régions du nord et celles du sud.
· La démocratie semi-directe.
* Le référendum abrogatif : le peuple se prononce sur le maintien ou l’abrogation d’une loi déjà entrée en vigueur (art. 75). Il peut porter sur des lois ordinaires ou des actes ayant force de lois (sauf lois d’amnistie, de finances ou de ratification d’un traité international). Il est ouvert à l’initiative de 500.000 électeurs inscrits ou de 5 conseils régionaux, et doit être déposé au greffe de la cour de cassation italienne qui en vérifie la régularité. La demande est ensuite portée devant la cour constitutionnelle qui en contrôle la conformité à la constitution, puis demande au président d’organiser un référendum : si le vote est positif, la loi est abrogée.
De 74 à 87, les demandes étant faites hors des partis, aucune n’a aboutie. Depuis 87, les partis se sont engagés dans ce processus et les abrogations ont été acceptées. En 93, rejet à 82% de la RP pour l’élection des députés = le gouvernement l’a remplacé par le SM.
* L’initiative populaire : l’art. 71 permet à 50.000 électeurs inscrits de présenter une proposition de loi rédigée en article. La loi d’application de cet article n’a été votée qu’en 70, et ce droit reste théorique car si le parlement refuse de prendre en compte cette initiative, il n’y aura pas de référendum proposé. Procédure jamais utilisée.
· Un état des partis.
Les partis interviennent à tous les niveaux du pouvoir et le pouvoir est réparti entre tous les partis.
* Les partis : le système de parti a été profondément modifié ces dernières années.
La démocratie chrétienne est le parti dominant jusqu’en 94. Il fait toujours parti des coalitions gouvernementales. Parti de centre non conservateur, il évolue dans les années 60 et vire à gauche. Il fait alliance avec le PS, puis à partir de 76 avec le PC. Dans les années 90, il est discrédité (affaire Mains propres) et explose = reformation en deux partis : le parti populaire italien et le centre chrétien démocrate.
Le parti communiste domine l’opposition face à la démocratie chrétienne. En 46, il accepte l’état libéral et la démocratie non marxiste. Il remporte des succès électoral dans les années 75 et participe au gouvernement avec la démocratie chrétienne. Dans le même temps, il devient moins crédible, et décline. Il s’adapte et s’oriente vers une sociale démocratie qui lui permet de se maintenir. Dans les années 90, il se scinde en deux courants : les refondateurs communistes et le parti démocratique de gauche.
Les autres partis : le parti républicain, le parti libéral, le PS,… ne jouent pas un rôle important.
Depuis 90, de nouveaux alliances sont apparues : à droite : la Ligue du Nord (Umberto Bossi)= but très nationaliste ; l’alliance nationale = extrême droite mais pas néo-fasciste ; Forza Italia (Silvio Berlusconi)= rejet du communisme, restauration de l’ordre, chasse à la corruption ; le CCD forment le pôle des libertés (vainqueur en 94). A gauche, le PDS (ex-PCI) = centre gauche ; les Verts ; des partis anti-mafia forment le parti de l’Olivier (au pouvoir depuis 96).
* La partitocratie et le « sottogoverno » : la partitocratie est un terme péjoratif qui signifie le contrôle exclusif du système politique et gouvernemental par les partis politiques. Le pouvoir est partagé entre tous les partis politiques, qui profitent du système institutionnel au détriment de l’intérêt général. Le « nongoverno » était le phénomène consistant dans l’incapacité pour le gouvernement de prendre des décisions rapides et efficaces. Le « malgoverno » désigne le phénomène de la mauvaise gestion et du gaspillage des ressources publiques, engendrés par l’existence de notables puissants capables de constituer des réseaux pour les élections et donc de fausser le jeu des partis. Le « sottogoverno » dénonçait le pouvoir occulte des experts et techniciens qui s’imposait au pouvoir public.
Un difficile équilibre institutionnel.
· Le parlement.
* Composition : il est bicaméral = chambre des députés (630 membres) et Sénat. Ces deux chambres sont élus au SUD au SM. Avant 93, le mode de scrutin était la RP quasi complète ce qui entraînait une grande instabilité des gouvernements. Depuis 93, le mode de scrutin des députés est mixte (électeurs = plus de 18 ans) = les ¾ sont élus au SM uninominal à 1 tour, le dernier ¼ est élu au scrutin de liste proportionnel dans 26 circonscriptions. Les électeurs ont deux bulletins, car ils peuvent dissocier leurs votes. Pour les sénateurs, seuls les plus de 25 ans votent (85% des électeurs) selon le même mode de scrutin que pour les députés (mais un seul bulletin pour les 2 votes). Il existe aussi des sénateurs à vie = les sénateurs de droit (anciens présidents de la république) et ceux nommés à vie par le président de la république. Il ne peut en nommer que 5. Actuellement, il y en a 11, dont 2 anciens présidents.
Cette réforme avait pour but de bipolariser la vie politique, de permettre l’émergence de majorité stable au parlement, et d’accroître l’efficacité et la stabilité de l’action gouvernementale. Mais le résultat recherché n’est pas encore atteint, car le système de parti n’est pas stabilisé, les alliances sont très fragiles et il n’y a toujours pas de majorité stable au parlement.
* Organisation : les deux législatures sont de 5 ans et la session du parlement est permanente. Chaque chambre est divisée en commission = les commissions permanentes (13, composées à la RP des groupes parlementaires, elles sont spécialisées), les commissions bicamérales (des commissions permanentes communes aux deux chambres) et les commissions d’enquête (composée à la RP des groupes).
* Attribution du parlement : un bicamérisme égalitaire : – la procédure législative. L’initiative est ouverte au gouvernement, à tout parlementaire, au conseil national de l’économie et du travail, à chaque conseil régional et par l’initiative populaire. L’ordre du jour des chambres est fixé par les présidents des chambres, après délibération en conférence des anciens. Le président attribue le texte à une commission qui peut l’approuver sans le soumettre aux parlementaires (rare), proposer un texte qui sera soumis aux chambres (rare), amender le texte initial avant le débat en séance publique (le plus fréquent). Le texte doit être voté en terme identique par les deux chambres (bicamérisme égalitaire), et une navette parlementaire est instaurée en cas de désaccord (en général, l’accord est vite trouvé). La loi, une fois votée, est transmise au gouvernement, qui la transmet au président. Il doit la promulguer dans un délai d’un mois, et peut juste demander une seconde lecture.
– les pouvoirs d’enquête et de contrôle de l’activité gouvernementale. On retrouve les questions (orales ou écrites) au gouvernement. L’art. 82 instaure des commissions d’enquête aux pouvoirs très étendus (poursuite judiciaire, convocation de témoins, séquestre de biens). L’interpellation consiste en une demande écrite qui porte sur la conduite particulière d’un membre du gouvernement. Si le ministre n’apporte pas une réponse satisfaisante, l’interpellant à condition qu’il soit député peut déposer une motion = elle est suivie d’un débat et d’un vote, qui peut entraîner la démission du ministre. L’art 94 prévoit une question de confiance dont les exigences sont minimales : le gouvernement doit obtenir la confiance des chambres dans un délai de 10 jours. La motion doit être présentée par 1/10 des membres de la chambre, et un délai de réflexion de 24H est instauré. Le vote a lieu par scrutin public sur appel nominal. Aucune indication de majorité requise et peu de distinction entre motion de défiance et question de confiance. Un vote contraire de l’une des deux chambres n’entraîne pas nécessairement la démission du gouvernement, et la motion de défiance peut ne concerner qu’un seul ministre.
– la révision de la constitution. La procédure est assez lourde. Il faut que les 2 chambres adoptent deux fois (3 mois d’intervalle) le même texte. Le second vote doit se faire à la majorité absolue des membres de chaque chambre. Si les chambres approuvent à la majorité des 2/3, la procédure est terminée, sinon le texte doit être soumis à référendum (à la demande d’1/5 des membres d’une chambre, de 500000 électeurs ou de 5 conseils généraux).
· L’exécutif : un régime parlementaire moniste mais bicéphale.
* Le président de la république : il est élu au SUI par un collège électoral composé des membres du parlement et de délégués des conseils régionaux. Il faut une majorité des 2/3 des membres aux 2 premiers tours, ensuite la majorité absolue suffit. Mandat de 7 ans non renouvelable. Il est irresponsable politiquement.
La plupart de ses pouvoirs sont soumis à contreseing ministériel = nomination du président du conseil, promulgation des lois, droit de message au parlement, commandement des forces armées, nomination des fonctionnaires, droit de grâce, droit de dissolution,…
Dans la pratique, les présidents ont respecté ce statut effacé, mais parfois la grande instabilité gouvernementale les a faire apparaître comme un pôle de continuité : ils ont ainsi acquis une certaine influence. Ils peuvent donc intervenir en refusant d’accepter la démission d’un gouvernement, en choisissant de façon très libre le chef du gouvernement, en autorisant ou refusant des projets de loi introduits par le gouvernement devant le parlement, en demandant une seconde délibération de la loi,…
Il décide aussi de l’utilisation du droit de dissolution (art. 88) sur une ou deux chambres. Il doit auparavant recueillir l’avis des présidents des chambres concernées, et il ne peut pas dissoudre les chambres au cours des 6 derniers mois de son mandat. La dissolution doit être contresignée par le président du conseil, mais il ne peut refuser sa signature devant le contexte de crise qui amène à dissoudre. Par ce contreseing, le président du conseil vérifie la légitimité constitutionnelle de l’utilisation de ce droit.
L’art. 90 stipule que le président est irresponsable pour les actes accomplis dans l’exercice de ses fonctions sauf cas de haute trahison ou d’attentats contre la constitution. La mise en accusation se fait à la majorité absolue des membres du parlement réuni en séance commune, et le président est alors jugé par la Cour constitutionnelle.
* Le gouvernement : art. 92 = il se compose du président du conseil, des ministres, secrétaires d’état et sous secrétaires d’état.
Le président du conseil est nommé par le président de la république après consultation : en temps de crise, il charge les deux présidents de chambre de rechercher le président du conseil ; en temps normal, il s’en charge lui-même. Le nouveau président du conseil contresigne son propre décret de nomination. Le président du conseil élabore une liste, qu’il présente au président de la République qui doit donner son accord. Les ministres sont le plus souvent des parlementaires. Cette liste tient compte des règles du système de parti italien (reflète les différents partis majoritaires) et de la représentation des régions. Le gouvernement doit poser la question de confiance dans les 10 jours, en présentant son programme.
La loi sur l’organisation de la présidence du conseil et des ministères n’est intervenue qu’en 1986 : elle reprend les usages nés des 38 ans de pratique. Le président du conseil est supérieur aux autres membres du gouvernement, dirige le gouvernement et la politique générale de la nation. Il doit maintenir l’unité et la coordination de l’action gouvernementale.
Les attributions : – exécutives = le gouvernement assure les fonctions normales de tout exécutif, soit par le biais de pouvoirs propres, soit par celui des pouvoirs partagés avec le président de la république (contreseing). Il dispose d’un pouvoir réglementaire autonome (non prévu dans la constitution, mais instauré dans la pratique et admis par le Conseil constitutionnel).
– législatives = il dispose de l’initiative des lois, mais ne maîtrise pas l’ordre du jour des assemblées. Il peut exercer le pouvoir législatif sur délégation du parlement selon deux procédures. L’art. 76 (procédure classique) = vote de la loi de délégation par le parlement, décrets-lois pris en conseil des ministres qui ont ensuite force de loi. L’art. 77 permet au gouvernement de prendre des décrets-lois sans autorisation du parlement, en cas d’urgence et pour des raisons exceptionnelles. Mais cette procédure s’est banalisée et est beaucoup plus utilisée. Les décrets-lois doivent être présentés au parlement le jour de leur promulgation, et les chambres ont 60 jours pour se prononcer sur le texte. Si elles le rejettent, il est considéré comme caduque et doit être abrogé. Mais, le gouvernement en reprend un identique, qu’il représente au parlement, et qui est donc applicable tant que le parlement n’a pas voté.
· La cour constitutionnelle.
L’Italie est un des premiers pays à introduire un contrôle de constitutionnalité des lois, mais il faudra attendre 1963 pour que les lois relatives à la cour et à son fonctionnement soit adoptées. Première séance en avril 56, et depuis son autorité est incontestée.
* Organisation : elle est composée de 15 juges nommés pour 1/3 par le président de la république, pour 1/3 par les chambres réunies en séance commune, et pour 1/3 par les juridictions suprêmes du pays (civiles et administratives). La nomination par le président est discrétionnaire car le contreseing est dû. L’élection par le parlement se fait à la majorité des 2/3, puis à la majorité des 3/5 à partir du 4ème tour. Incompatibilités avec tout mandat parlementaire, gouvernemental, dans un conseil régional. Les juges sont élus pour un mandat de 9 ans non renouvelable. Le président de la cour constitutionnelle est élu par les autres membres pour 3 ans (souvent un juge qui n’a plus que 3 ans de mandat).
* Attributions : l’article 134 lui en attribue 3 principales : – le contrôle de constitutionnalité des lois. Il porte sur les lois nationales ou régionales, les actes qui ont force de loi, les traités, les règlements parlementaires, et les lois constitutionnelles (procédure d’adoption). Il peut être abstrait par voie d’action (ouvert au gouvernement contre les lois régionales et aux régions contre les lois nationales ou d’autres régions) ou concret par voie d’exception (la cour est saisie d’une question pré-judiciaire par le juge, puis filtrage des demandes). La cour rend différentes sortes de décision : elle peut annuler la norme inconstitutionnelle, rendre une décision interprétative (déclarer la norme constitutionnelle sous réserve de l’interprétation qu’elle en donne), rendre une décision de substitution (elle annule le contenu de la loi et lui substitue un autre contenu réputé seul conforme à la constitution) et rendre des décisions d’habilitation (elle annule la loi déclarée inconstitutionnelle et fixe les principes que devra respecter le législateur pour régler la situation).
– le jugement des conflits d’attribution. Elle règle les conflits entre les pouvoirs de l’état (parlement, gouvernement, président de la république, autorités judiciaires), entre les régions et entre les régions et l’état (sur des actes non administratifs).
– le juge de la responsabilité pénale du président de la république. On lui adjoint alors 16 juges élus par le parlement (=des agregati).
– le contrôle de la recevabilité des requêtes de référendum abrogatif.