§1 : Ses principes.
Ce régime vise à empêcher préventivement que l’abus ne soit effectué. N’est permis que ce qui est autorisé ou n’est pas interdit : il s’agit d’un contrôle a priori de l’exercice des libertés. Les autorités administratives interviennent donc en amont pour autoriser ou interdire l’exercice des libertés sur la base du maintien de l’ordre public. Les décisions administratives intervenant au cas par cas et pouvant différer suivant les lieux, il y a une incertitude pour les individus et un risque de rupture du principe d’égalité.
Ce principe présente quand même une sécurité juridique pour l’individu quand la décision administrative est favorable à l’exercice des libertés, car dès lors il ne risque rien tant qu’il agit dans les limites fixées par l’autorisation.
§2 : Ses modalités.
A/ L’autorisation préalable.
La liberté ne peut s’exercer que si l’autorité administrative le permet : l’exercice de la liberté est donc illégal quand l’autorisation n’a pas été demandée, quand elle a été demandée mais pas encore accordée, ou quand elle a été refusée.
L’autorisation peut être : – discrétionnaire : l’autorité administrative dispose d’une grande liberté pour autoriser ou refuser (part d’arbitraire). Il existe alors un risque pour la liberté, même si le juge effectue un contrôle, car il s’agit alors d’un contrôle minimum.
– conditionnée (compétence liée) : l’autorité administrative se borne à vérifier que les conditions d’octroi sont remplies, et en tire les conséquences. Le contrôle du juge est normal.
L’autorisation pure et simple autorise ou refuse ; l’autorisation conditionnelle est assortie de conditions.
L’autorisation expresse est contenue dans un acte ; l’autorisation tacite résulte d’un comportement.
Þ Seul le législateur peut en principe soumettre l’exercice d’une liberté à autorisation préalable.
CE, 22/6/1951 Daudignac : l’administration ne peut pas de sa propre autorité édicter un tel régime.
CC, 16/7/1971 : l’exercice d’une liberté publique fondamentale ne peut pas être soumis à un tel régime.
B/ L’interdiction préalable.
Le citoyen qui désire exercer une liberté n’a pas à solliciter l’autorisation de l’administration (la liberté reste le principe), mais l’administration peut intervenir préventivement pour empêcher l’exercice de cette liberté, si elle pense qu’il y a risque d’atteinte à l’ordre public. Le silence de l’administration n’empêche pas l’exercice de la liberté.
L’interdiction peut être discrétionnaire ou assortie de condition. Ce pouvoir est reconnu à l’administration par certains textes, notamment le décret-loi du 23/10/1935 relatif aux manifestations sur la voie publique, le décret-loi du 6/5/1939 qui permet au ministre de l’intérieur d’interdire la diffusion en France d’une publication étrangère,…
En l’absence de textes spéciaux, le JA reconnaît le droit à l’administration d’interdire l’exercice des libertés en vertu de son pouvoir de police en cas de risque de trouble à l’ordre public, et à condition qu’elle n’ai pas d’autres moyens pour assurer le maintien de l’ordre que d’interdire l’exercice de la liberté.
CE, 18/5/1933 Benjamin – CE, 18/12/1959 Société les films Lutétia : interdiction d’un film en raison de son caractère immoral, et des circonstances locales particulières.
§3 : Son contrôle par le juge.
Même lorsqu’elle dispose d’un pouvoir discrétionnaire, l’administration est soumise au contrôle du juge, qui a posé des grands principes.
· Le fait qu’une liberté soit organisée par la loi ne fait pas obstacle à ce qu’une autorité administrative vienne la limiter ou l’interdire pour des nécessités de maintien de l’ordre. Toutefois, l’autorité administrative doit alors concilier l’exercice de ses pouvoirs avec le respect de la liberté : la liberté est la règle, et la restriction l’exception. Les interdictions générales et absolues sont donc en principe prohibées.
· La mesure de police prise par l’autorité administrative doit être proportionnée à la nature du trouble qu’elle entend prévenir ou faire cesser. Le juge exerce un contrôle étroit pour sanctionner la disproportion de la mesure (CE, 18/5/1933 Benjamin).
· L’étendue des pouvoirs de police varie en fonction de la nature de l’activité visée : ils sont plus limités à l’égard des libertés protégées et définies par la loi qu’à l’égard des activités et libertés non définies par le législateur (défilé ¹ manifestation).
· La légalité de la mesure de police dépend des circonstances de temps et de lieu. L’interdiction d’une liberté peut être jugée légale à un endroit donné et à un moment donné parce qu’il y a risque de troubles à l’ordre public, mais être illégale à un autre endroit et un autre moment : tout dépend des circonstances de temps et de lieu.